« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. »

Albert Camus (essai de 1944 “Sur une philosophie de l’expression”)



Du sens des mots à l’essence de nos maux… une imposture sémantique.

Il y a comme un défaut…


  • Certains d’entre nous se souviennent certainement de cette histoire de l’humoriste Fernand Raynaud, “le tailleur” : un costume si bien coupé, sur un type aussi mal fichu…

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    • Un client constate que son costume sur mesure tout neuf comporte des défaut qui nécessitent de sérieuses retouches.

      Il revient chez son tailleur pour lui faire constater qu’ “il y a comme un défaut”. Mais ce client apparemment très naïf exprime sa demande avec beaucoup de timidité.

      Profitant du profil bas de son malheureux client, le tailleur plein d’aplomb fait preuve d’une totale mauvaise foi. Il lui assène une suite d’arguments absurdes, supposés incontestables du fait de sa prétendue expertise : en fait, il veut convaincre son client que le costume est parfait, mais que c’est son maintien et sa façon de marcher qui doivent être corrigés !

      Avant de repartir sans avoir eu gain de cause, le client remercie malgré tout son tailleur et lui dit : “maintenant, les gens que je croiserai dans la rue vont penser que j’ai bien de la chance d’avoir un aussi bon tailleur, capable de confectionner un costume qui tombe aussi bien, sur un type aussi mal fichu…”

      Fernand Raynaud

  • C’est l’impression que l’on retire de l’évolution de l’économie mondiale depuis 40 ans : un costume extrêmement mal taillé pour l’Homme et pour l’avenir des sociétés humaines, par des artisans incompétents ou au contraire diablement machiavéliques.

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    • Les gouvernements qui se succèdent depuis lors aux commandes de la plupart des États, toutes tendances politiques confondues, assènent aux populations avec un aplomb jamais démenti des arguments tout aussi spécieux et incohérents que ceux du tailleur de Fernand Raynaud. Il ne s’agit pas de refaire le costume de la mondialisation économique, taillé sans tenir compte des besoins réels des populations et surtout sans demander leur avis. Au lieu de revoir totalement leur copie, depuis 40 ans, les gouvernants exigent d’elles qu’elles s’adaptent toujours plus à ce système économique inhumain et catastrophique pour l’environnement.

      Il est vrai que la Nature présente le double avantage de ne pas voter et de n’être pas en mesure d’émettre de protestations en temps réel. Il suffit donc d’ignorer et de nier les conséquences de son altération, aussi longtemps qu’elles ne se manifestent pas pleinement. Après nous, le déluge… précisément.

      Mais qu’en est-il des populations ? Sont-elles à ce point naïves ? Ou trop désabusées pour réagir ? Comme dans le cas du client de tailleur de Fernand Raynaud, la réponse est incertaine. Pourtant une chose est sure, il est grand temps d’assumer nos devoirs de citoyens, avant d’être contraints de constater la perte définitive de nos droits et la disparition de nos démocraties, matées par la loi absurde et tyrannique des marchés financiers.

Entre autres défauts, la pensée économique néo-libérale présente plusieurs biais rédhibitoires :


L’inversion des valeurs dont elle se réclame résulte d’un habile détournement sémantique

L’altération voire l’inversion du sens de quelques mots-clés facilite la manipulation des idées et entretient la confusion des esprits :

  • 1- Mondialisation : vecteur du rapprochement des populations ? Ou processus reposant sur leur division et leur exploitation ?

    Voir également notre page :
    « Mondialisation »

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    • Le mot lui-même relève du concept publicitaire. Il s’oppose au repli nationaliste et à l’égoïsme communautariste. Le village global transcende l’esprit de clocher. Le développement est un processus qui se partage : tous les peuples y ont droit. Qui contesterait un tel idéal ?

      Chacun sait que les multinationales occidentales produisent en Chine pour le bien de tous :

      ● par pure générosité envers les populations chinoises les plus défavorisées, comptant sur les vertus du marché pour enrichir le plus grand nombre, et accessoirement les libérer du joug de 60 années de dictature et d’oppression,

      ● comme dans l’intérêt des consommateurs que nous sommes, et de notre pouvoir d’achat. Ces importations miraculeuses nous permettent de consommer toujours plus pour toujours moins cher. Mais si : nous sommes instamment priés de le croire, c’est excellent pour nous !

      60% des exportations chinoises sont le fait de nos chères multinationales implantées ou sous-traitant en Chine… Le gouvernement chinois, reconnaissant du taux de croissance et des excédents commerciaux qu’il leur doit, aurait certainement préféré que leur soit décerné le Prix Nobel de la Paix, plutôt qu’à un dissident chinois détenu dans ses geôles pour avoir rêvé trop haut de démocratie.

      C’est donc essentiellement à ses multinationales que la France doit ses 20 milliards € de déficit de sa balance commerciale avec la Chine, ainsi qu’une bonne part de ses millions de chômeurs, sans que les ouvriers chinois y aient gagné des conditions de travail décentes, ni une protection sociale digne de ce nom. Quant à la pollution industrielle en Chine… malgré les discours martiaux de ses dirigeants et une main mise sur l’industrie de l’énergie renouvelable, elle ne cesse de battre des records. Donc un grand coup de chapeau et tous nos encouragements à ces grandes entreprises citoyennes du monde qui, de surcroît, contribuent à délocaliser notre pollution qui, comme chacun le sait, respecte scrupuleusement les frontières.

      Certes, à ce petit jeu de dupes, ce sont les démocraties qui ont vu régresser leurs classes moyennes, s’installer durablement chômage et précarité, s’allonger les files d’attentes des soupes populaires et autres Restos du Cœur et se multiplier les tentes de SDF dans leurs villes. Dans le même temps, les salaires des PDG des-dites multinationales se sont envolés, à la hauteur des gratte-ciels des grandes places financières et commerciales, qui rivalisent d’arrogance et de vanité.
      Désormais, la dictature chinoise rachète la dette de nos États, et en prime nos états d’âme démocratiques et humanistes. Elle se dote des moyens de dicter durablement notre politique extérieure et de contrôler notre diplomatie.

      Mais qu’en est-il du développement socioéconomique réel, équitable, et des avancées démocratiques résultant de cette économie de marché néo-libérale ?

      Au pays virtuel de la finance globalisée qui fait tourner la roue de ses profits à la vitesse de la lumière (la réactivité des ordres de bourse se mesure désormais en nanosecondes), lorsqu’il s’agit des aspirations des peuples à la justice sociale, à leurs droits économiques et à la démocratie, les propos sont lénifiants : voyons, c’est bien connu…

      Patience et longueur de temps
      Font plus que force ni que rage.

      Les esprits chagrins, critiques de la mondialisation, sont en fait trop pressés. Il faut s’adapter, pour en saisir toutes les opportunités. Faire des efforts, toujours plus d’efforts…

      En douteriez-vous ? Alors il se pourrait bien que vous ayez raison. Poursuivons ensemble notre parcours sémantique.

  • 2- Libéralisme : le libéralisme économique à l’assaut des libertés fondamentales.

    Voir également notre page :
    « Financiarisation & spéculation anti-démocratique »

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    • Dans la période moderne de l’histoire occidentale, depuis le Siècle des Lumières, le libéralisme philosophique a contribué à l’avènement progressif des démocraties en Europe et en Amérique du Nord.

      Selon l’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : “Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.”
      article reformulé en 1948 par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : “Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.”

      A l’inverse, la version moderne néolibérale du libéralisme économique poussé à son paroxysme par la financiarisation de l’économie réelle et le libre-échange dérèglementé, donne tout pouvoir au capital et aux intérêts particuliers, contrairement aux principes fondateurs de nos démocraties qui privilégiaient l’intérêt général.

      C’est à l’homme politique allemand August Bebel, et non, comme on le croit souvent, à son contemporain français Jean Jaurès, ou à Karl Marx lui-même, que l’on devrait la fameuse phrase :

      « Le libéralisme, c’est le renard libre dans le libre poulailler… »

      Contrairement aux détracteurs de cette formule, il est important de ne pas omettre le qualificatif “économique”, car elle ne visait évidemment pas le libéralisme philosophique et sociétal, ni les libertés d’opinion, d’expression et d’association, terreau de toute démocratie réelle.

      Cette formulation datant de plus d’un siècle n’est-elle pas d’une cruelle actualité ?

      Quelle résistance peuvent réellement opposer la liberté du dialogue social, et le droit du travail dont jouissent encore théoriquement les salariés d’entreprises liquidées ou délocalisées, livrés aux crocs des actionnaires de fonds de pension de toutes origines et des petits génies du trading instantané et fulgurant, qui exigent des plus-values éclaires et des dividendes magiques, et imposent à l’économie mondiale spéculation et court terme comme mode de fonctionnement ? A la différence du renard qui cesse son carnage dans le poulailler lorsqu’il est repu, livrés à eux-mêmes par la dérégulation financière et commerciale, ces prédateurs-là sont insatiables.

      A l’abri des tours d’ivoire (ou de verre fumé) des places boursières et du monde de la finance, les opérateurs agissant comme des tueurs froids et mathématiques, jouissent sinon de tous leurs esprits, en tout cas d’une totale impunité du fait de la dérégulation voulue par les lobbies financiers et réalisée à marche forcée par une classe politique sous influence.

      Nous sommes pris dans une guerre économique mondiale, menée à tous les niveaux par des mercenaires de la finance, employant dans les salles des marchés des snipers (et snifers ?) anonymes déconnectés des réalités humaines de l’économie réelle.

      « La cocaïne, coupable caché de la crise financière ? »

      Cliquer :

      Pour céder à un autre dictat extrêmement ridicule, celui du business English, ils sont les pur players high tech d’un Monoploy transformant la planète en un vaste jeu vidéo, grandeur nature. Or ces serial traders n’encourent les foudres de la justice que s’ils font perdre vraiment beaucoup, beaucoup d’argent aux propriétaires de ce casino planétaire, sans espoir de se refaire discrètement. Il ne leur est jamais tenu rigueur de laisser sur le carreau des millions de salariés ou de petites gens sur la planète. C’est pourquoi la vox populi américaine désigne désormais ces banquiers gangsters du terme imagé de BANKSTERS

      Mais au fait, hormis de grandes déclarations verbales, ces armes de destruction massive n’ont fait jusqu’à présent l’objet d’aucune croisade…

      Au contraire, les agences de notation qui s’en prennent actuellement aux États européens et à la zone Euro, organismes privés également totalement opaques, sont les mêmes qui ont décerné pendant des années les meilleures notes aux produits financiers structurés pourris et autres junk bonds, responsables de l’étincelle des subprimes, qui a ensuite déclenché l’embrasement de la jungle économique mondiale. Ces agences pyromanes prétendraient désormais jouer les pompiers ? Ou ne continuent-elles pas plutôt à secouer les arbres d’un verger qui ne leur appartient pas pour en dérober les fruits, tout en criant au feu pour neutraliser la sécurité ?

      Leur pratique du harcèlement tournant n’est pas sans rappeler la méthode de chasse des hyènes : la meute fond subitement sur l’animal le plus affaibli du troupeau, puis sur le suivant, et ainsi de suite, créant la panique et affaiblissant la capacité de résistance des autres membres du groupe, même les plus forts, en les épuisant.

      Il est très troublant de constater la redoutable efficacité de ces incessants coups de boutoir, qui parviennent actuellement à assujettir les politiques économiques et sociales des pays de l’Union (bien mal nommée) Européenne.

      Ne somme-nous pas en fait témoins de la mutation opportuniste d’un processus viral géo-économique et géopolitique qui s’est développé dans la seconde partie du XXe siècle, que la journaliste canadienne Naomi Klein décrit comme la stratégie du choc?

      Stratégie du choc et capitalisme du désastre

      Bande-annonce du film documentaire « La stratégie du choc »

      Naomi Klein - Interview 2008 pour son livre “La Stratégie du Choc”

      « Qu’y-a-t-il de commun entre le coup d’état de Pinochet au Chili en 1973, le massacre de la place Tiananmen en 1989, l’effondrement de l’Union soviétique, le naufrage de l’épopée Solidarnösc en Pologne, les difficultés rencontrées par Mandela dans l’Afrique du Sud post-apartheid, les attentats du 11 septembre, la guerre en Irak, le tsunami qui dévasta les côtes du Sri-Lanka en 2004, le cyclone Katrina, l’année suivante, la pratique de la torture partout et en tous lieux - Abou Ghraib ou Guantanamo, aujourd’hui ?

      Tous ces moments de notre histoire récente, répond Naomi Klein, ont partie liée avec l’avènement d’un « capitalisme du désastre. » Approfondissant la réflexion entamée avec son best-seller, No Logo (Actes Sud, 2001) Naomi Klein dénonce, ici, documents à l’appui, l’existence, depuis plus d’un demi-siècle, de stratégies concertées pour assurer la prise de contrôle de la planète par les multiples tenants d’un ultra-libéralisme qui a systématiquement mis à contribution crises, désastres ou attentats terroristes - et qui n’a pas hésité, du Chili de Pinochet à Guantanamo - à recourir à la torture sous diverses formes pour substituer aux acquis des civilisations et aux valeurs de démocratie la seule loi du marché et la barbarie de la spéculation. »




  • 3- Dumping : du déni à la systématisation d’un processus.

    Voir également notre page :
    « Le rôle des Organismes Commerciaux et Financiers Supranationaux »

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    • Définition étymologique du mot dumping :

      De l’Anglais to dump, qui désigne l’action de déverser des ordures, ou éventuellement de décharger des matériaux sans grande valeur (terre, gravier, etc.) A dump est un dépôt d’ordures. A dump truck est un camion benne.

      Dans son édition de 1963, une décennie avant le début de l’ère actuelle de la mondialisation économique, The advanced learner’s dictionary of current English publié par l’Université d’Oxford précisait :
      « (commerce) sell abroad at low prices goods which are unwanted in the home market. »
      vendre à l’étranger à bas prix des produits non voulus sur le marché local.

      Les idées-clés de cette définition sont bien les suivantes :

      ● des produits non destinés au marché intérieur du pays producteur,

      ● des produits vendus à l’étranger (donc exportés),

      ● des prix bas à l’export, par conséquent potentiellement bas et agressifs en terme de concurrence à l’égard des productions locales sur le marché des pays importateurs.

      Dans le contexte actuel de mondialisation économique et de libre échange dérégulé, deux cas de figure répondent tout à fait à cette définition :

      ● tout produit et service exporté par des pays à bas coût ; ce qui remettrait ainsi en question la légitimité de leur fonction d’ atelier du monde,

      ● tout produit exporté par des pays développés, dont le coût est artificiellement bas, notamment du fait de subventions publiques ; c’est par exemple le cas des surproductions européennes exportées vers l’Afrique, ou de nombreuses productions agricoles américaines exportées dans le monde entier.

      Les effets de ces exportations sont particulièrement destructeurs pour les secteurs de production équivalents dans les pays importateurs : des PME et petites exploitations agricoles européennes, tout comme de nombreux petits artisans et paysans de tous les continents.

      L’Organisation Mondiale du Commerce prévoit bien la possibilité de recours anti-dumping.

      Nous pourrions donc nous attendre de la part de l’OMC à une régulation permettant de prévenir les dommages collatéraux du dumping.


      Alors pourquoi ne recourt-on pas davantage à cette procédure anti-dumping ?

      En y regardant de plus près, nous constatons que dès son origine l’OMC a procédé à une véritable manipulation génétique du processus, en inversant purement et simplement le sens étymologique du dumping (signification et charge de la preuve). Comme le rappelait déjà en 2001 le Ministère Français de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi :

      « La procédure anti-dumping est une procédure juridique engagée par l’industrie communautaire auprès de la Commission Européenne sous forme d’une plainte écrite et argumentée contre des exportateurs de pays tiers (c’est-à-dire extérieurs à la Communauté Européenne).
      Elle est définie par le règlement du 22 décembre 1995 (Journal Officiel des Communautés Européennes du 6 mars 1996 - Règlement n°384) en accord avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (article VI de l’Accord Général).
      Les décisions particulières qui s’écarteraient de ces règles sont contestables devant l’organe de règlement des différents de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
      Au regard de ces textes, le dumping est une notion juridique, dont les bases économiques sont définies de manière claire et précise.
      Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur (article 1.2). »

      A l’évidence, cette définition biaisée du dumping, retenue et imposée par l’OMC, constitue la base de sa politique. Elle est énoncée dès l’article 1, immédiatement à la suite de la déclaration de constitution de l’organisation (1.1). Elle en constitue le socle. Comment croire que cette inversion du sens du dumping ne soit pas délibérée, alors qu’elle rend de fait la pratique au recours anti-dumping pratiquement impossible ou inopérante ?

      En effet, c’est la norme prévalant dans le pays exportateur qui est prise comme référence du niveau de qualité acceptable et non celle du pays importateur.

      Ainsi :

      ● Sur son propre territoire, une entreprise française est soumise à des règles qualitatives contraignantes justifiées par la protection sociale et environnementale, et relevant de sa RSE ; ses prix à l’export doivent donc intégrer le coût de cette qualité sociale et environnementale ; par ailleurs, le cours de l’Euro est totalement tributaire du marchés monétaires. Faute de quoi l’entreprise s’expose à un recours anti-dumping selon la définition de l’OMC acceptée par l’Union Européenne (le prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur).

      ● En revanche, les entreprises françaises doivent accepter la concurrence mortelle sur leur propre territoire, de produits et services émanant de pays exportateurs dont les entreprises ne sont pas soumises à de telles règles ni donc au même niveau structurel de coûts…

      Le comble étant que, si le prix à l’export d’une entreprise française n’intègre pas la totalité des coûts induits par le respect de la réglementation sociale et environnementale française et européenne, elle s’expose à une recours pour cause de dumping, recevable selon l’OMC, de la part d’un pays comme la Chine, dont les entreprises ne sont pas véritablement soumises à des règles de protection sociale et environnementale significatives (absence de réglementation et/ou corruption + interdiction de la liberté syndicale et absence de véritable dialogue social), et dont, de surcroît, le cours de la monnaie est déterminé arbitrairement par le gouvernement de manière à favoriser ses exportations !

      Une saine logique et un pur bon-sens ne peuvent que conduire à considérer qu’il s’agit d’une concurrence déloyale. Pourtant, elle répond selon l’OMC et l’UE (en l’occurrence gravement suicidaire) à la norme d’une concurrence libre ET non fausséeS’en protéger constituerait un protectionnisme et serait à ce titre inacceptable !

      Une seule alternative étant d’obtenir l’autorisation de mettre en place une clause de sauvegarde sectorielle, forcément provisoire, jusqu’à ce que le secteur concerné ne soit plus considéré comme massivement menacé :

      ● soit qu’il ait à peu près disparu, comme c’est le cas pour le secteur textile européen dont la plupart des clauses de sauvegarde dont il bénéficiait ont finalement été levées en 2007 (en fait durant les 30 dernières années, en Europe de l’Ouest, ce secteur a été démantelé),

      ● soit de procéder à des réformes structurelles dans le but de réduire les coûts en augmentant la productivité, le plus généralement au détriment de l’emploi.

      Au-delà de l’aberration sémantique qu’elle constitue, la définition du dumping selon l’OMC a abouti à une mise en équation redoutable, via un jeu arithmétique très simple :

      Des objectifs sincères de progrès universel au service des populations et tenant compte de l’environnement, auraient dû inspirer le choix d’un niveau de qualité globale des produits et des conditions de production correspondant à un Plus Grand Dénominateur Commun susceptible d’être appliqué sur tous les territoires (ou par zones de relative homogénéité de développement socioéconomique), quitte à mettre en œuvre une progressivité et un système d’aide pour les territoires les plus défavorisés.

      À l’inverse, c’est le plus petit dénominateur commun qui a été imposé à tous. C’est une politique totalement improbable qui a été mise en œuvre : la levée de toutes les digues ou écluses économiques d’une régulation répondant aux capacités et aux besoins spécifiques des territoires. L’OMC, le FMI et la Banque Mondiale ont coordonné leurs politiques, privilégiant le secteur privé au détriment des services publics, donnant libre cours aux flux économiques, sans considération d’impact sur les populations et l’environnement, ni condition de progrès démocratique, permettant ainsi aux territoires produisant au moindre coût et les États les moins respectueux des droits humains, de faire loi pour le reste du monde. Car le moindre coût à l’échelle mondiale est rarement le fruit de territoires particulièrement démocratiques, ni le signe d’une qualité optimale.

      Ainsi, c’est un rouleau compresseur anti-social et anti-environnemental qui a été mis en route à l’échelle mondiale, sous l’égide de l’OMC dès son origine, après que le GATT lui ait préparé le terrain dans les années 80.

  • 4- Dette : mythes et réalités, ou l’OPA hostile lancée par la finance internationale contre les droits fondamentaux des peuples.

    Voir également notre page :
    « La Dette Publique est-elle l’arme des marchés contre les États ? »

    (lire la suite…)

    • Définition de la dette : « Somme d’argent due à un tiers et remboursable selon des conditions (intérêts, terme) convenues d’avance, lors de la création de la dette (prêt, achat à crédit, non exécution d’une obligation légale ou contractuelle). »



      Divers processus conduisant à l’endettement des États :

      ● Les États s’endettent d’abord lorsqu’ils sont contraints de combler un déficit budgétaire, lequel résulte d’un montant de dépenses supérieur aux recettes. Il est donc extrêmement important d’analyser les causes de ce déficit.
      Les dépenses sont-elles injustifiées et quelles sont les conséquences de leur réduction ? Les recettes d’un État (essentiellement fiscales) sont-elles suffisantes et quelles seraient les conséquences de leur réduction ? Comment réduire les premières et diminuer les secondes sans compromettre le développement économique et la cohésion sociale d’un pays ?

      ● S’il est indéniable que la gestion budgétaire insoutenable d’États comme la Grèce ne pouvait que générer un déficit croissant et conduire à l’endettement du pays du fait d’une politique fiscale aberrante et d’une corruption généralisée, nous analysons dans notre chapitre consacré à “la dette publique” comment un État démocratique dont la gestion budgétaire stricto sensu est cohérente, est malgré tout inexorablement entraîné, tôt au tard, dans un processus d’endettement et de faillite par le dictat des marchés : dumping dû au libre-échange des biens et des services (mondialisation commerciale), conjugué à la vampirisation de l’économie réelle par la spéculation financière (globalisation financière).

      Le rôle des agences de notation financière : rabatteurs et matadors ? Harceler les États ciblés, ruiner la confiance des investisseurs institutionnels afin d’augmenter les taux d’intérêt des prêts consentis, accroître ainsi artificiellement l’endettement de ces États, tout en rendant plus difficile la capacité d’emprunter ? La barque s’alourdit et tangue, sur le point de couler.

      Les coups de boutoir répétés des agences de notation à l’encontre des pays de la zone Euro, hors d’atteinte de l’intervention du FMI jusqu’en 2010, espace européen beaucoup trop social au goût des marchés financiers, n’auraient-ils pas justement pour but de faire plier le genou et courber l’échine à leurs peuples, qui auraient l’outrecuidance d’opposer encore à la spéculation financière internationale la souveraineté de leurs États-nations ?

      ● Toujours est-il que la stratégie du choc a muté. Plus besoin de putsch militaire pour renverser les démocraties. Il a suffi de renforcer financièrement la plus grande dictature de la planète, avec l’adhésion de la Chine à l’OMC, pour que le dispositif économique et commercial de dumping généralisé (social, environnemental, fiscal, monétaire et démocratique) voulu par l’OMC, parvienne à fragiliser et déstabiliser la plupart des États démocratiques.

      Désormais, ce déni de droit opposé aux travailleurs serait un fait acquis pour les spéculateurs.

      Et la boucle serait bouclée



      La stratégie et le rôle de la dette : comment le libéralisme économique a-t-il réussi en quelques décennies à imposer une dictature économique planétaire ?

      Les grands bénéficiaires privés de la dérégulation économique s’efforcent non seulement de dissuader les États de toute velléité de réglementer et de réguler les échanges mais, qui plus est, ils contrôlent directement ou indirectement les 3 plus importantes institutions économiques mondiales que sont :

      L’Organisation Mondiale du Commerce - OMC - a pour fonction essentielle de propager le libre-échange de biens et services sur toute la planète, sans considération de Responsabilité Sociétale et Environnementale, susceptible d’entraîner une conditionnalité des échanges, donc une régulation économique de la part des États.

      L’OMC est dirigée depuis 2005 par le Français Pascal LAMY.

      La Banque Mondiale, en charge du financement des projets de développement dans les pays dits en développement (PED), est supposée soutenir des pays en difficulté.

      Le Fond Monétaire International - FMI - a théoriquement pour fonction de « promouvoir la coopération monétaire internationale, de garantir la stabilité financière, de faciliter les échanges internationaux, de contribuer à un niveau élevé d’emploi, à la stabilité économique et de faire reculer la pauvreté ».

      Le FMI fut dirigé de 2007 à 2011 par le Français Dominique Strauss-Kahn, jusqu’à son remplacement par la ministre française de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, Christine Lagarde, dans les circonstances que l’on sait.



      La démocratie représente un frein à la liberté des marchés et à la loi du profit. Elle doit donc être vidée de sa substance pour se réduire à un ersatz sans réalité opérationnelle.

      Les politiques nationales sont tenues de s’adapter au dictat du libre-échange et de la dérégulation économique, et non l’inverse. Elles doivent mettre au pas leurs populations et leurs salariés.

      Tel est le sens des injonctions de réformes structurelles qui conditionnent depuis des décennies les prêts du FMI faits aux pays mis en difficulté par le fonctionnement des marchés ou par des régimes corrompus (kleptocraties), généralement soutenus par les marchés…

      Le partage des fauves : la dictature florissante rachète la démocratie en faillite.
      La Chine, 1er bénéficiaire de la déréglementation des échanges commerciaux, devient en quelques années le créancier n° 1 des USA. Servie par les attaques incessantes des agences de notation durant toute l’année 2010, la Chine s’apprête désormais à devenir le créancier de l’Europe.



      De tels régimes présentent plusieurs avantages :

      ● pour perdurer, ils nécessitent généralement des complices extérieurs, au grand bénéfice de ces derniers (entreprises et groupes multinationaux),

      ● lorsque ces régimes basculent ou ces États ne veulent plus jouer le jeu, il suffit d’exiger d’eux le remboursement de leur dette, pour les obliger à accepter les conditions d’un plan de réformes structurelles imposées par le FMI…

      La légitimité factice du processus a été rendue acceptable aux yeux du monde en institutionnalisant à l’échelle supra-nationale un mode de gouvernance économique qui donne l’illusion de reproduire le principe et le fonctionnement des institutions nationales des pays démocratiques.

      À cela près que ces institutions ne représentent pas l’intérêt général des peuples de la planète, mais la somme des intérêts particuliers de ses inspirateurs et du club très fermé de ses membres influents : il suffit pour s’en persuader, de suivre les fameux rounds du Forum Économique Mondial de Davos (en Suisse), et du cycle de Doha (au Qatar), sommets conduits par l’OMC.



      Leur objectif consiste invariablement à :

      ● libéraliser et déréguler toujours davantage les échanges,

      ● poursuivre la division internationale du travail et la spécialisation économique des territoires, fondée sur la recherche des coûts de production les plus bas.

      Ce double processus ayant pour effet d’intensifier la concentration du capital entre un nombre de plus en plus limité de groupes financiers et commerciaux toujours plus puissants :

      ● non seulement il confisque le contrôle économique des territoires à leur populations, au mépris de toute démocratie réelle,

      ● mais il substitue progressivement le pouvoir économique privé de ces groupes multinationaux au pouvoir politique des États.



      Le rôle stratégique de la corruption :

      L’expansionnisme et l’impérialisme économique des multinationales se substitue à celui des États, sauf dans le cas de la Chine : chacune de ses entreprises présentes en Afrique œuvre à l’accomplissement des objectifs de domination économique mondiale (et politique) voulue par le Parti.

      Les groupes multinationaux s’accommodent au mieux d’arrangements financiers avec des dirigeants corrompus, et des régimes autoritaires, au détriment de démocraties trop transparentes sous les projecteurs d’une presse trop libre et indépendante (qui l’est précisément de moins en moins, tombant progressivement sous le contrôle actionnarial de ces multinationales…)

      La Françafrique et la corruption qui la caractérise, demeurent très actives, malgré le ternissement du rayonnement politique et économique de la France en Afrique, et l’avancée des pays émergents (essentiellement Chine et Inde) sur les anciennes chasses gardées des ex-colonisateurs.

      L’affaire des biens mal acquis en France de plusieurs présidents africains en est un triste témoignage. Si tous les pays d’Afrique, du Maghreb et du Machrek parvenaient à se libérer de leurs usurpateurs et à se doter d’un système démocratique fonctionnel, la restitution de leurs biens détournés par tous les pays qui en sont indûment dépositaires constituerait un budget initial considérable pour leur développement socioéconomique…

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Comment ne pas se demander qui au sein de l’OMC, du FMI et de l’Union Européenne soutient de telles politiques depuis des décennies ? Et bien entendu, pour le compte de qui ? À qui une telle politique profite-elle réellement ?

Et surtout, pourquoi les perdants de la mondialisation ne tentent-ils davantage pas de s’opposer à son processus ?


Pourquoi une telle passivité de la part des populations concernées ?

Une approche insuffisamment holistique conduit à un déficit de compréhension globale des processus et des dynamiques impliqués. C’est le propos de notre page « Voir et comprendre ».

Mais à la base, un autre facteur joue certainement un rôle inhibiteur majeur : il s’agit du dogme libéral diabolisant le protectionnisme.



  • 5- Protectionnisme : un tabou érigé en dogme par l’intégrisme quasi-religieux du libre-échange.

    Pourtant, si les pratiques des pays varient énormément même au sein de la zone Euro, la politique ultra-libérale de l’Union Européenne se veut plus royaliste que le roi du libéralisme :
    en effet, le Buy American Act fait obligation au gouvernement américain d’acheter exclusivement des biens produits sur le territoire américain, pour ses achats directs. Cette loi de 1933 est toujours en vigueur et n’a même pas été remise en cause par le très “libéral” Ronald Reagan.

    Le champion du monde du protectionnisme toutes catégories étant… la Chine ! Pauvre Europe. On n’est effectivement jamais mieux trahi que par les siens…

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    • La manipulation néolibérale consiste là encore à créer de toute pièce un tabou, et à l’ériger en dogme de la religion du profit, oh pardon ! en règle d’or de la croissance économique… comme nous le rappellent inlassablement toutes les institutions économiques internationales, parmi lesquelles la très libre-échangiste OCDE, qui réunit quasiment tous les pays développés et démocratiques du monde (Organisation de Coopération et de Développement Économiques).

      Le grand public est savamment tenu à distance de leur pseudo-science économique, par le jargon et les équations biaisées des gourous de la loi sacrée du marché et de la finance globalisée. Leur stratégie repose sur un mécanisme à double détente :

      D’abord, semer et entretenir la confusion dans les esprits, en altérant le sens des mots : toute régulation des échanges commerciaux prenant en compte la protection de l’environnement, la protection sociale et le progrès des droits humains universels, constituerait une dérive protectionniste inacceptable, responsable d’une flambée inflationniste qui nous conduirait tout droit à une 3e guerre mondiale !

      Ensuite, il suffit de brandir cet épouvantail de la tentation protectionniste, pour neutraliser toute velléité des États de reprendre les rênes de la régulation économique, même collectivement. Le seul fait de prononcer le mot protectionnisme fonctionne comme une injonction hypnotique. Les esprits s’auto-censurent et les initiatives se figent. Le statu quo est assuré, même et surtout au cœur de la phase critique actuelle.



      Insidieusement, l’inversion du sens des mots aboutit à l’inversion des valeurs qu’ils véhiculent.

      Plus la ficelle est grosse, moins on la voit, semble-t-il. Puisqu’en réalité, une 3e guerre mondiale fait rage depuis longtemps : elle est économique. C’est celle de la globalisation financière, contre la justice sociale et la démocratie. Ses états majors sont les conseils d’administration des multinationales ; ses généraux, leurs PDG, sommés d’emporter sur tous les fronts les batailles du profit, à un rythme accéléré. Faut-il préciser que ce sont les salariés du monde entier qui constituent la piétaille ? Troupes industrielles traditionnelles, troupes émergentes low cost, et l’effectif croissant d’une armée de réserve livrée à elle même, soldats Ryan d’autrefois, qu’il n’est désormais surtout plus question de sauver. Mais c’est une guerre propre, puisque les Hommes comme les produits sont censés se recycler.

      ● On ne peut manquer de se demander si ce combat pourrait cesser faute de combattants ? Comme une bombe à neutrons, le capitalisme financier vise-t-il à éliminer le facteur humain sans détruire les infrastructures, ni interrompre les flux de capitaux ? Mais alors, qui alimentera ce flux ?

      ● Ou son objectif est-il seulement de convertir l’économie réelle en économie totalement virtuelle, et de métamorphoser ses ressources humaines vives (difficiles à maintenir durablement en état d’asservissement) en une pseudo ressource humaine d’avatars désincarnés ?

      Face au niveau d’absurdité atteint par ce capitalisme financier, et devant la consternante soumission à son dictat de la classe politique supposée être aux commandes (en France comme ailleurs, à l’échelle des Etats comme au niveau supranational - UE - et au sein des grandes organisations supranationales - OMC, FMI, BM, ONU), ne faut-il pas plutôt raisonner par l’absurde et se poser une question plutôt angoissante : y a-t-il un pilote dans l’avion de la mondialisation ?

      Ce système est-t-il doté d’un cerveau (collectif, évidemment) ?

      Y a-t-il réellement une pensée structurée à sa tête, avec des objectifs et une stratégie à plus ou moins long terme, des évaluations de cohérence et d’impacts, des actions correctives ? Ce qui n’exclurait pas une planification malveillante à l’égard des populations (la fameuse théorie du complot), stratégie justifiée par ses acteurs au nom d’un élitisme ploutocratique ou oligarchique fumeux. Nouvel Olympe, renommé Bilderberg, dont les dieux et déesses se coopteraient parmi les héros planétaires du pouvoir et de l’argent, mais dont le culte serait inaccessible aux simples mortels (comprendre, ceux ne disposant pas de tels titres d’héroïsme à léguer à leur descendance). Il semble toutefois que le voile du secret perde de son étoffe, et le mystère Bilderberg, de son attrait. Point de nouvel ordre mondial ni de maîtres du monde. Toujours sceptiques, les conspirationnistes resteront sur leur faim.



      Dans ce cas, sommes-nous au contraire confrontés à une totale déstructuration de la pensée, et à un fonctionnement économique à court terme livré à la seule mécanique de la cupidité : appât du gain et prédation réflexe ?

      ● Le néolibéralisme, comptant sur l’avidité et la totale liberté d’action des individus sur les marchés (« le marché a toujours raison » : donc tout type de spéculation de la part de ses acteurs doit être admis), peut-être recèle-t-il une dimension philosophique qui nous aurait échappé. Par exemple, une forme de déterminisme qui ferait mécaniquement naître l’ordre du chaos… Finalement, le capitalisme financier serait-il soluble dans la théorie du chaos ?

      ● Si tel n’était pas le cas, et il est effectivement fortement conseillé d’en douter, ce n’est pas le cerveau de ce robot qui devrait nous intéresser, puisque inexistant. Mais au constat des déséquilibres et des périls qu’il génère, c’est à sa source d’énergie que nous devrions nous attaquer. Ne suffirait-il pas de la tarir pour mettre fin au cauchemar ? De nouvelles thérapies anti-cancers s’attaquent au processus de leur vascularisation, qui se développe de manière parasite à partir du système vasculaire sain. Neutraliser ce processus permettrait de prévenir le développement des tumeurs.



      Mais au fait, quel sang alimente les métastases de la “globalisation financière” ? L’argent bien sûr.

      Quelle est sa source ? Mais nous, évidemment ! Nous tous, collectivement et individuellement :

      le carburant du rouleau compresseur de la mondialisation commerciale et de la globalisation financière, c’est votre argent, notre argent ! Celui que nous injectons dans le circuit aussi bien par notre consommation que par notre épargne.

      Sa vascularisation parasite est tentaculaire : les groupes multinationaux, industriels, commerciaux ou financiers, et leurs montages juridiques off shore, tous devenus potentiellement des machines de guerre financières. Chaque Euro que nous injectons dans un de ces circuits financiers, à la caisse d’un supermarché, dans les boutiques des marques planétaires de vêtements, d’équipements sportifs, d’agroalimentaire, en bourse, dans une assurance-vie, une retraite par capitalisation, voire un emprunt (même nos crédits sont titrisés), etc., alimente, active et renforce cette mécanique.

      Nous n’en sommes pas les concepteurs, mais nous fournissons le carburant, pour être tôt ou tard broyés par ses rouages…

      Le dogme libéral anti-protectionniste se fonde effectivement sur un véritable révisionnisme historique, rendant le protectionnisme consécutif à la crise de 1929, responsable de la Seconde Guerre Mondiale.

      Cet argument massue, constamment évoqué mais jamais analysé de manière sérieuse par ses propagateurs, avait jusqu’à présent préservé l’idéologie libérale de toute opposition massive à sa justification du libre échange et de la loi toute puissante du marché, et donc de la mondialisation économique.

      Car ce dogme a bénéficié d’un tabou qui hante l’inconscient collectif des Européens depuis la Seconde Guerre Mondiale : l’Union Européenne constitue un rempart contre les pires conflits du XXe siècle qui ont incendié l’Europe et se sont mondialisés. L’UE s’est fondée sur le principe d’un marché commun voué au libre-échange, avec la création en 1952 de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), ratifiée par la France, la RFA, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas (traité de Paris). Puis les 6 mêmes pays d’Europe de l’Ouest décidèrent par le traité de Rome de 1955 d’instituer la Communauté Économique Européenne.

      ● Cette communauté avait un double objectif : créer une zone de prospérité économique, et instaurer un ère pacifique entre les ennemis historiques que furent la France et l’Allemagne.

      Cette période d’après-guerre et de reconstruction, correspondit effectivement à 3 décennies de prospérité économique : les 30 glorieuses. Le lien de cause à effet marché commun - paix - prospérité s’imposa au plus grand nombre. De ce fait, il sembla logique pour beaucoup de penser que l’élargissement de la communauté européenne à un nombre croissant de membres et sa participation à un vaste marché mondial ne pouvait que contribuer à propager la prospérité à l’échelle mondiale et généraliser la paix entre les nations, par un effacement virtuel des frontières.



      Malheureusement, cette vision angélique des citoyens européens négligeait au moins deux facteurs :

      ● comme dans bien d’autres domaines (par exemple l’éducation scolaire), une faible différence de niveau entre les membres d’un groupe aboutit à tirer l’ensemble du groupe vers le haut. A l’inverse, des différences de niveaux trop importantes entraînent des effets délétères.

      ● les promoteurs mercantil(ist)es de la dérégulation, au service des grands investisseurs et spéculateurs mondiaux, souhaitent précisément faire exploser leurs profits du fait des forts différentiels de développement entre pays de production et pays de consommation. Ils n’ont donc aucun intérêt à une telle harmonisation.



      La différence entre régulation et protectionnisme est pourtant cruciale.

      Sans se perdre dans les méandres d’analyses économiques contradictoires, une image simple suffit à symboliser cette nuance fondamentale :

      ● Dans le cas d’un fleuve tumultueux, imprévisible ou a fortes déclivités, les digues permettent de réguler les flux et d’éviter les inondations, les écluses rendent possible la navigation. Ce sont des éléments de régulation.

      Il en va de même de la circulation des marchandises entre territoires à fortes disparités de développement. Elle doit faire l’objet d’une analyse systémique et donner lieu à la mise en place d’un véritable monitoring, permettant de relever progressivement le niveau d’exigence qualitative à appliquer aux territoires exportateurs afin d’harmoniser progressivement les niveaux de développement, sans risquer de voir se multiplier les effets dévastateurs que nous observons et subissons tous actuellement.

      ● Alors que le protectionnisme consisterait de la part d’un territoire à détourner le cours de ce fleuve à son seul profit, privant les autres territoires de ses bienfaits.

      Reprendre le contrôle de l’ancrage territorial de son économie, revient simplement à rétablir le cours de ce fleuve sur son propre territoire, lorsqu’il en avait été détourné par une succession de décisions extra-territoriales, hors toute consultation ou processus démocratique direct.

      En revanche, il est vrai que pour être écologique, la régulation du fleuve devrait être inter-territoriale, et non supra-territoriale, si cette supra-territorialité consiste à s’imposer aux territoires sans consultation démocratique de leurs populations. Il en va de même des échanges économiques.

      C’est certainement un des enjeux les plus importants auxquels est désormais confrontée l’Union Européenne : régulation, harmonisation et démocratie.

  • 6- Populisme : mot magique du monde politique et médiatique.

    Dernier recours, lorsque les précédents ressorts du formatage des esprits à la pensée unique et du conformisme prudent à son credo, n’ont pas encore fonctionné. Il se veut à la fois le filet de rétiaire et la toile d’araignée. Mais la déclinaison intempestive du mot, bien plus que sa réalité, ne risque-t-elle pas d’en faire finalement, comme le “zéro” de la table de multiplication, l’élément absorbant de la démocratie ?

    ►►Cliquer :
    « “Populiste”, une injure riche de sens » (Slate.fr - Eric Dupin)
    « “Populiste”, mot positif, ou péjoratif ? Tout dépend de l’idée qu’on se fait du peuple. » (LePoint.fr - Ludovic Pauchant)

    (lire la suite…)

    • « Populisme » d’aujourd’hui = « Démagogie » d’hier ?

      ● Faisons un petit détour par le dictionnaire. Que nous dit le Larousse ?

      « Démagogie » (grec dêmagôgia) : nom féminin

      « Action de flatter les aspirations à la facilité et les passions des masses
      populaires pour obtenir ou conserver le pouvoir ou pour accroître sa
      popularité. »

      « Populisme » : nom masculin

      « Idéologie et mouvement politique (en russe narodnitchestvo) qui se sont
      développés dans la Russie des années 1870, préconisant une voie spécifique
      vers le socialisme. »

      « Idéologie politique de certains mouvements de libération nationale visant à
      libérer le peuple sans recourir à la lutte des classes. »

      « Tendance artistique et en particulier littéraire qui s’attache à l’expression
      de la vie et des sentiments des milieux populaires. »

      Si nous consultons d’autres sources, les sens donnés au mot « populisme » sont aussi nombreux que les facettes de l’œil de la mouche. Autant dire que chacun peut y voir ce qu’il veut…

      Cliquer :
      « “Populisme” - Une notion floue et polysémique » ►►►► ►►►► (LeMonde.fr - Philippe Roger)

      ● Pourtant, ce flou dissimule une tendance lourde : celle de l’intention. L’emploi systématique du mot n’est jamais neutre. Il vise toujours à discréditer sa cible en prenant le “peuple” comme référence de non-crédibilité. Ce qui n’est guère cohérent avec les principes de démocratie et de suffrage universel

      ● La notion de « populisme » est loin d’être aussi claire et précise que la définition du mot « démagogie ». Mais la démagogie formant le socle du populisme, l’emploi de ce second terme a pour objectif de ratisser plus large, et laisser le champ ouvert à un ensemble de sous-entendus à géométrie variable.

      Jeter à la face d’un adversaire : « démagogue ! », c’est tenter de le prendre
      dans le filet du rétiaire.

      Mais l’invective : « populiste ! », c’est la glu ajoutée à la trame ajourée
      de la toile, une stratégie d’araignée médiatique.

      Le filet du rétiaire, demeure dans le registre noble du combat d’idée au centre de l’arène politique. Prendre l’adversaire dans ses mailles peut permettre de le neutraliser. Mais la manœuvre n’est ni simpliste, ni dénuée de risque pour le rétiaire contraint de combattre loyalement.

      La toile de l’araignée tapie dans l’ombre est beaucoup moins glorieuse. Sa géométrie peut certes être talentueuse. Et il faut bien qu’elle vive aussi. Mais sa tendance à dévorer celui qui la féconde ne devrait guère inciter nos mœurs politiques à ce type de biomimétisme…

      Car c’est en s’évertuant à disqualifier toute pensée non orthodoxe du point de vue de la doctrine néolibérale, que des décennies de consanguinité idéologique ont abouti à la stérilité politique actuelle.

      Hormis le fait de n’engager que son auteur, cette analyse invite pour le moins à une saine réflexion :

      Cliquer :
      « Et si la politique avait complètement disparu ? » ►►►► ►►►► (Slate.fr - Eric Dupin - le 29.06.2013)



      L’excommunication idéologique dispenserait-elle du débat d’idée ?

      ● S’il est bien évident que certains discours et stratégies de partis ne font pas appel aux tendances les plus nobles de l’individu ou de la société, le fait de demeurer sourd à l’expression diverse du sentiment “populaire” ne favorise ni le sens démocratique d’une nation, ni les pratiques citoyennes de sa population.

      ● Cela génère au contraire une forme de macération du ressentiment populaire à l’égard de dirigeants nationaux et supranationaux, confortant l’opinion quant à la réalité d’un complot des élites contre le peuple.

      Corollaire de l’accusation de populisme, toute critique des élites est assimilée à une faiblesse du discernement, qui prouverait que “le peuple” adhère par défaut, et donc par faiblesse d’esprit, à un mouvement planétaire sectaire désigné sous le vocable globalisant de “théorie du complot”. Mais systématiser ce raisonnement équivaut à un jeu de miroirs et de trompe-l’œil, où se confond l’image de chacun et le reflet de l’autre. Chacun devenant suppôt de complot aux yeux de l’autre…

      C’est là l’autre tarte à la crème de la pensée unique, qui se refuse ainsi à distinguer un certain nombre de théories abracadabrantesques relayées par le Web, d’analyses tout à fait logiques et factuelles relevant d’une observation rationnelle de la réalité, et ne nécessitant le plus souvent qu’une capacité de déduction assez ordinaire. Mais à condition, précisément, de se résoudre à penser par soi-même…

      ● Ce dénie de légitimité de débat autour d’enjeux ressentis par les uns mais non reconnus par les autres, relève certainement d’une faille jamais comblée depuis 1789, qui divise toujours notre conception de LA démocratie, entre :

      démocratie représentative,

      et démocratie directe.

      ● Il peut également s’exprimer à travers la manière d’appliquer le droit fondamental d’opinion et d’expression, de l’encadrer par des lois qui en limitent la portée. À partir de quand et au nom de quoi interdire une déclaration verbale, une publication, voire un parti politique ? D’une démocratie à l’autre, les positions varient sur ce point, en fonction des cultures démocratiques.

      ● De même, en quoi le risque perçu d’être taxé de “populisme” peut-il conduire à une auto-censure limitant la liberté d’opinion et d’expression ? Ce qui revient à se demander quels sont les facteurs consensuels du “politiquement correct” qui canalisent l’opinion, dans une société donnée, à un moment donné.

      ● La banalisation de l’usage de ce prêt-à-décrédibiliser visant à agiter un drapeau rouge aux yeux de l’opinion publique, ne constitue-t-elle pas en soi un populisme de second degré, tablant sur l’incapacité des citoyens de juger par eux-mêmes des éventuelles tentatives de manipulation dont ils sont l’objet ? Y compris parfois celle-là ?



      Ce dilemme recoupe la question de l’efficacité démocratique.

      ● Elle peut conduire à distinguer :

      démocratie formelle,

      et démocratie réelle.

      Certains philosophes des Lumières estimaient qu’une démocratie représentative ne pouvait convenir partout, cela dépendant de la taille des nations.

      Montesquieu, par exemple, pensait que :

      le modèle républicain n’était pas le mieux adapté à une démocratie réelle.

      Il jugeait un système monarchique constitutionnel plus favorable à la démocratie de grandes nations.

      Mais si République il y a, la démocratie doit reposer sur des représentants
      tirés au sort et renouvelés régulièrement, plus “responsables” que des élus
      qui constitueraient une aristocratie républicaine…

      Voir notre page :
      « Pensée et courants économiques - Première partie : L’évolution de la pensée économique pré-industrielle jusqu’au seuil du 19e siècle. »

      ● Historiquement plus près de nous, Gandhi voyait dans l’État centralisé le double risque :

      d’une inadéquation des moyens par rapport aux besoins réels des
      populations,

      et d’une dérive oppressive de la majorité à l’encontre des minorités.

      Sans parler du détournement des moyens communs au profit des rouages de l’État, aux seules fins de justifier leur existence et leur pérennisation, voire de la corruption qui grippe le mécanisme.

      Mais il croyait dans un État placé sous le contrôle des citoyens, grâce à une éducation civique continue et à une exigence de transparence imposée à la sphère politique et à l’administration publique, comme à l’économie privée.

      Voir notre page :
      « Une FRANCE DURABLE dans un monde vivable »

      Ce contributeur emblématique à la libération de son peuple d’un joug colonial de plus de deux siècles, serait certainement aujourd’hui taxé par nos observateurs politiques, du pire des populismes


      Les enjeux actuels de nos démocraties ne se résoudront pas à coups de mots qui bâillonnent, mais seulement par la coopération d’un nombre croissant d’esprits qui raisonnent.

À cela s’ajoute un panurgisme déconcertant en ce qui concerne l’acceptation de concepts économiques comme de données chiffrées, repris par tous comme les éléments indiscutables d’une construction de pensée préfabriquée…
Ce phénomène affecte aussi bien la plupart des politiques et des médias, que le simple citoyen. Il se prolonge par les canaux de l’enseignement, en formatant les futurs cadres et enseignants que sont les étudiants d’aujourd’hui.

« CHIFFRES CHOCS, IDÉES FAUSSES »
Enjeux Les Echos n° 304 du 01 Octobre 2013 • page 70

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La question pressente est désormais : serons-nous, populations européennes et autres peuples du monde, capables de réagir à la mesure des enjeux actuels et de leur urgence ?

Depuis des décennies, des voix dissonantes redonnent leur sens véritable aux mots et aux valeurs dénaturés par les prestidigitateurs de la finance et les naufrageurs d’une économie à visage humain.

  • Un authentique témoin et, plus encore, un acteur éminent du XXe siècle, a récemment suscité un intérêt notable de la part des Français et d’observateurs dans de nombreux pays, par son appel : Indignez-vous !

    (lire la suite…)

    • Pourtant, le contenu de ce modeste ouvrage de Stéphane Hessel relève plus d’un adoubement de la dissidence et de la Résistance à l’horreur économique, que d’une analyse approfondie ou même originale. C’est certainement la personnalité et le passé de grand résistant de Stéphane Hessel, ainsi que sa participation active à la reconstruction d’un monde d’après-guerre à visées humanistes, qui crédibilise grandement sa propre indignation à l’égard des anti-valeurs de la mondialisation.

      Cet “Indignez-vous !” fait particulièrement écho au Mouvement appel pour une insurrection des consciences (MAPIC) initié en 2002 par l’agriculteur, philosophe, écrivain et penseur français Pierre Rabhi, inventeur du concept « Oasis en tous lieux ».

  • Il n’est donc pas si étonnant que ce soit la formule reprise en chœur par les populations INDIGNÉES de plusieurs pays d’Europe et désormais des États-Unis, ou d’Israël, à la suite de l’électrochoc que leur infligent les agences de notation financière et le FMI, auquel l’Union Européenne ne trouve rien à redire… Au suivant ! A qui le tour ? Les révolutions arabes affranchissent les peuples de leurs dictateurs. Le monde parviendra-t-il à se libérer de la dictature des marchés ?

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    • Alors que l’État grec, responsable au fil de ses gouvernements du pillage de son économie et de la ruine de son système social, se voit intimer l’ordre, en guise de traitement, de brader les bijoux de famille, c’est-à-dire une fois de plus le bien public, la population prend enfin conscience que c’est elle qui va faire les frais de cette gabegie. Une fois de plus, la machine à exploiter est en marche. La Chine propose d’apporter à la Grèce les garanties financières que les agences de notation dédaignent lorsqu’elles émanent de l’UE… Or la Chine s’implante déjà en Grèce depuis plusieurs années, où elle semble vouloir prendre le contrôle du port du Pirée, en multipliant les partenariats depuis 2008. Un port sous contrôle chinois aux portes de l’Europe… tout sauf un hasard.

      Le Portugal fragilisé est soumis à la même prise de contrôle économique par la Chine. C’est à se demander si les agences de notation financière ne seraient pas directement missionnées par Pékin ?

      Le réveil gagne d’autres pays d’Europe. C’est le cas de l’Espagne, dont la population prend enfin conscience d’avoir été trop longtemps abusée par des gouvernants de tous bords aveuglément acquis aux thèses du néolibéralisme, comme par les spéculateurs et affairistes de tout poil qui ont œuvré si efficacement à la création des bulles immobilières et financières génératrices d’une croissance factice, faite de vent, comme l’est encore celle de tant d’autres pays, et non des moindres. Les agences de notation réarment leurs gros calibres. Le Parti Communiste Chinois peut se frotter les mains. Le néolibéralisme est d’un maniement bien plus facile pour son expansionnisme, que ne le furent ses chars lorsqu’il s’empara du Tibet ou lorsqu’il écrasa la contestation de sa propre population à TienAnmen en 1989.

Ou laisserons-nous cuisiner nos territoires à la même sauce, les uns après les autres, par les spéculateurs financiers les plus voraces de la planète, sans faire entendre notre voix à notre tour, en solidarité avec tous les peuples spoliés ?

« L’indignation qui ne vient pas »
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