« Que l’homme étant revenu à soi considère
ce qu’il est au prix de ce qui est, qu’il
se regarde comme égaré, et que de ce petit
cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers,
il apprenne à estimer la terre, les royaumes,
les villes, les maisons et soi-même, son juste prix. »
Blaise Pascal (Pensées - 200-347 H. 3.)
Retour aux sources : l’économie, de son étymologie et de son sens originel, au contexte actuel.
Pour tenter de revenir à l’essentiel, marchons un instant dans les pas des philosophes de l’Antiquité, animés par la volonté de comprendre, modestement et sans artifice. C’est à cette autonomie de pensée que contribuait encore à une époque récente, l’enseignement des humanités, dont la réhabilitation ne serait pas insensée, à l’instar de celle de la philosophie remise à l’honneur par les Universités Populaires.
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● L’étymologie nous dit que le mot « économie » provient du grec ancien οἰκονομία (oikonomía) qui signifie « administration d’un foyer ».
En élargissant un peu l’analyse, si la première partie du mot, οìκíα signifie bien simplement la maison, la seconde partie du mot, νομíα (nomia) est plus riche :
• νομίζω (nomizdo) : juger, estimer, pratiquer
• νομικός (nomikos) : légal
• νόμιμος (nomimos) : qui se conforme aux lois, à l’usage
• νομή (nomé) étant à la fois un pâtre, un pâturage ou le fait de distribuer.
Ce qui suggère non seulement la notion de mesurer, d’estimer et de gérer dans le respect de valeurs communes un avoir (un capital inerte ou désincarné), mais aussi de veiller sur une ressource vivante et reproductible (agriculture et élevage).
● Au XVIIIe siècle, le courant des physiocrates, à l’origine de la pensée économique moderne, estimait que la création véritable de richesses résulte du travail de tous, et que l’agriculture est l’activité productive par excellence, grâce à la générosité de la nature qui multiplie les fruits du travail : une graine produit un arbre qui donne régulièrement des fruits… Alors que l’industrie ne fait que transformer des ressources existantes, en en consommant d’autres, et le commerce est improductif. Mais par ailleurs, leur foi sans limite dans la vertu exclusive des lois naturelles en a fait des partisans inconditionnels du lasser-faire et du libre-échange, dont s’inspire l’ultra-libéralisme contemporain…
● La maison à laquelle l’économie originelle fait référence, n’est pas refermée sur elle-même. Elle constitue une délimitation, un domaine de définition, et l’abri d’une famille, d’une communauté. Mais dans une société ancienne essentiellement pastorale et agraire, la survie et le développement de la maison et de sa communauté, dépendent déjà des interactions avec son environnement : la nature domestiquée (pâturages et troupeaux) est assujettie au climat, exposée à la faune sauvage, aux prédateurs animaux ou aux voleurs menaçant le troupeau. L’agriculteur ou le pâtre sont à la fois des protecteurs et des gestionnaires de ressources.
Le rôle des membres de la maison est fondamental. Dans une société traditionnelle, le plus souvent patriarcale, celui du maître et de la maîtresse de la maison est essentiel à la prévision et à la prévention des risques, comme à la gestion des ressources en vue de leur reproduction et de leur développement. Ils assurent à la fois la sécurité physique et matérielle de la famille, subviennent à leurs besoins, assurent l’éducation des enfants, et veillent sur leurs seniors qui ne sont plus autonomes. Le comportement des autres membres de la communauté familiale est également très important : ils doivent être mesurés, ne pas dilapider les moyens communs d’existence, participer à la vie commune et contribuer à la faciliter, enfin être solidaires afin de maintenir la cohésion familiale.
La similitude avec une entreprise, un territoire ou une société, tels qu’ils devraient être compris et gérés, est bien évidente.
Si une famille doit défendre ses intérêts propres, il est important qu’elle s’efforce d’entretenir les meilleures relations avec la société dans laquelle elle vit. En quelque sorte, elle doit se considérer comme un membre d’une famille plus vaste : la société à laquelle elle appartient, et dont les responsables ont à l’égard de la communauté élargie, les mêmes devoirs que les parents à l’égard de leurs enfants et de leurs ascendants.
En élargissant encore les limites du cercle, si une société a le devoir de défendre ses intérêts, elle ne peut vivre en autarcie, car si le monde qui l’englobe va mal, elle ne pourra maintenir longtemps sa paix intérieure et son confort. Comme un membre d’une famille globale, elle doit s’efforcer de participer au mieux-être général, faute de quoi elle souffrira tôt ou tard des mêmes maux que ceux qui affectent ses voisins ou même des territoires plus lointains.
C’est à ce niveau que se révèle l’importance de l’interdépendance et des interactions entre un système et les autres systèmes qui l’entourent, et que la stratégie de chaque système est déterminante : politique de l’autruche et repli indifférent sur soi, ou au contraire le sentiment d’avoir une responsabilité à assumer à l’égard d’une collectivité, même aussi peu communautaire que la communauté internationale ?
Pour certains, le civisme est une morale dont il est tentant de chercher à s’affranchir. Pour d’autres, il est l’expression de l’intelligence d’un investissement à long terme profitable à tous, y compris à soi-même. Dans les deux cas, ce n’est pas tant le sentiment moral qui est en jeu, qu’un sens de l’intérêt individuel et de l’intérêt général, plus ou moins bien compris.
● Dans ses Pensées, Montesquieu exprimait son sens de l’intérêt général et de l’éthique citoyenne ainsi :
« Si je savais quelque chose qui me fût utile et qui fût préjudiciable à ma famille, je le rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose d’utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose d’utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je le regarderais comme un crime. »
● Pour aller loin, tout bon raisonnement marche sur ses deux jambes. Aujourd’hui plus que jamais, cette pensée universaliste de Montesquieu suppose un corollaire : la responsabilité du tout envers chaque partie qui le compose.
Si les parents sont responsables envers leurs enfants comme ils sont responsables de leurs enfants envers la société, les élus sont responsables de leur politique envers leur société, comme envers les autres pays.
L’Union Européenne est responsable de sa politique à l’égard de ses membres, comme envers le monde entier. Toute instance supranationale, l’ONU, et même (voire surtout) les organisations internationales non démocratiques, telles que l’OMC ou le FMI, sont responsables des conséquences de leurs politiques à l’égard de toutes les populations de la planète.
● Aussi longtemps que le tout n’assure pas l’intégrité et la pérennité de ses membres, il est légitime que ceux-ci appliquent des mesures de sauvegarde, d’autant plus que leur passivité suicidaire ne servirait pas durablement l’intérêt général. Alors que leur résistance aux défauts du système contraindra plus rapidement ce dernier à se corriger, avec leur concours.
Les sciences humaines, dont l’économie fait partie, comme l’écologie et toute science de la vie, relèvent nécessairement d’une approche systémique. Laquelle se fonde sur cette double considération :
● chaque élément n’est qu’une partie d’un tout, mais le tout ne serait pas ce qu’il est sans les parties qui le constituent,
● une compréhension cohérente et une gestion pertinente d’un système dynamique (vivant et évolutif) passent par l’observation et l’analyse des interactions entre les éléments qui le composent.
Un fonctionnement efficient de ce TOUT aboutit globalement à un PLUS, par rapport au résultat de la somme des PARTIES, si elles n’étaient pas organisées et coordonnées en ce TOUT. Dans le cas contraire, malheureusement, le tout peut aboutir à un moins, notamment en vertu de la loi du maillon faible : la charge maximale que peut supporter une chaîne étant déterminée par la résistance maximale du maillon le plus faible, qui risque alors de constituer le talon d’Achille du système.
La sagesse populaire a d’ailleurs intégré certains principes physico-chimiques et systémiques apparemment très simples, comme celui de résistance, ou de rupture des équilibres résultant de processus cumulatifs, mais qui jouent un rôle très important dans la vie des systèmes :
la goutte d’eau qui fait déborder le vase,
ou
tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse…
La contrepartie étant le principe de résilience : la capacité d’un système à retrouver un fonctionnement et un développement normal après avoir subi une perturbation importante.
Autre manifestation de processus systémiques : les conséquences apparemment démesurées d’une cause visiblement insignifiante, éventuellement très éloignée du lieu d’origine de l’évènement initial. Le fameux effet papillon consiste dans l’amplification d’un phénomène initialement négligeable, par une succession de réactions en chaîne, résultant d’une succession et d’une combinaison de lois de cause à effet.
Par ailleurs, comme dans le corps humain, toutes les parties du système n’ont pas le même degré d’importance. La défaillance de certains organes constitue un handicap, alors que celle d’autres organes entraîne la mort.
Or de telles considérations sont sans doute moins naïves ou évidentes qu’il y paraît, si l’on en juge par le peu de cas qu’en font bien des modes de gouvernance économique qui régissent notre présent, sans vision sociétale et écologique réaliste à long terme…
Pour reprendre le contrôle de notre propre avenir, rien ne nous dispense de l’effort d’y réfléchir par nous-mêmes… alors que l’on a trop longtemps tenté de nous persuader que l’économie était exclusivement affaire de spécialistes.
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Il est urgent pour toutes les populations de se mêler de ce qui les regarde.
Encore faut-il exercer notre discernement qui, s’il n’est inné, peut être acquis.
● Depuis son origine, le prix Nobel d’économie a été décerné à des économistes et à des thèses totalement contradictoires.
Si l’on en juge par la diversité des courants économiques historiques et la difficulté de les départager malgré des différences très marquées et même des idéologies opposées, nous avons besoin de retrouver nos marques afin de nous réorienter.
Car, pour reprendre la pensée de Georges Clemenceau « La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires », nous devrions nous convaincre que l’économie est une chose trop sérieuse pour être abandonnée aux seuls économistes. Quant à en laisser les rênes aux stratèges de la mondialisation et de l’ingénierie financière, comme nous le constatons désormais à nos dépends, autant confier le bouton de déclenchement de l’arme nucléaire à des enfants de classe maternelle.
Une aide à l’analyse économique n’est donc pas superflue.
● Pour une approche académique suffisamment complète de la chose économique, l’économie pour les nuls est d’une lecture agréable et met l’économie à la portée de tous.
● Pour une analyse critique de l’actualité économique, le site des Économistes Atterrés, association française d’économie politique, démystifie plus de 30 années de pensée unique afin d’éveiller notre discernement. Cette association propose un manifeste à signer pour enfin exercer notre droit de regard et d’action citoyenne en matière de politique économique.
Le noyau dur de l’économie : quelle que soit la conjoncture économique, prospère ou contractée, les besoins basiques d’une population sont incompressibles. Il demeure indispensable de se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner.
Renoncer à assurer localement la production correspondant à ces besoins de base, revient, selon le bon sens populaire, à lâcher la proie pour l’ombre. C’est pourtant ce type de politique économique qui a été appliqué par tous nos gouvernements en plus de trente années de pensée unique, comme l’illustre parfaitement une interview de Christine Lagarde sur France Inter le 14/08/2008.
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Prétendre baser l’essentiel de la création de valeur ajoutée de notre économie sur des activités connexes et des activités déconnectées de ce noyau dur n’est pas réaliste.
En effet :
● une grande partie de ces activités économiques est adossée à la production et aux services de subsistance,
● une autre partie en est indépendante d’un point de vue fonctionnel, mais dépend du pouvoir d’achat de la population et donc du niveau global de l’emploi.
Le fait de dépendre largement d’importations dans ces domaines essentiels à notre subsistance, cumule les conséquences néfastes pour le territoire concerné.
Cela se traduit par :
● Un manque à gagner pour le PIB, sa sacro-sainte croissance et les recettes fiscales du pays,
● Un renoncement à une part consistante et durable de l’emploi et des revenus des ménages ; d’où une fragilisation structurelle de leur pouvoir d’achat et de leur capacité de dynamiser l’économie par leur consommation.
● Un déplacement du centre de gravité de l’économie hors du territoire national, donc hors du champ de gouvernance de l’État… Ce qui ne lui permet plus d’assurer l’adéquation entre la production et la consommation intérieures,
● Une dépendance extérieure pour assurer nos besoins vitaux, qui ne peut que fragiliser l’économie et même la sécurité nationale. Par exemple, dans l’état de notre production agroalimentaire nationale, si les marchés d’intérêt national (M.I.N.) français cessent d’être approvisionnés, quelle qu’en soit la raison, l’autosuffisance alimentaire des régions et même du pays ne dépasse pas quelques jours…
La VALEUR, ou plutôt la notion de valeur, est LA question centrale de l’économie, celle qui fait d’elle un système à part entière, susceptible d’être compris et analysé, évalué et régulé.
Mais elle est également à l’origine de la complexité de l’analyse économique, car il n’y a pas UNE valeur, mais DES valeurs, qui se recoupent sans être parfaitement complémentaires, et s’avèrent parfois même contradictoires par nature.
1- La VALEUR D’USAGE est fondée sur l’*UTILITÉ* : elle va du vital, de l’utile, au futile, voire au nuisible.
Or la valeur d’usage ne suffit pas à déterminer le prix, et le prix du marché libre ne permet pas de réguler les impacts de l’usage.
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► Utilité vitale :
L’Être humain est un être vivant. Comme tout être vivant, il naît, vit et meurt. Il ne peut vivre sans respirer, sans boire ni manger. L’air, l’eau et une nourriture adéquate conditionnent sa survie. Leur VALEUR D’USAGE objective est donc maximale (vitale).
● Un premier facteur dynamise le principe de la valeur : le temps. Selon les fonctions physiologiques concernées, le temps de survie en l’absence de l’élément vital va de quelques minutes pour l’air, à quelques jours pour l’eau ou quelques semaines pour la nourriture.
D’un autre point de vue, certains produits acquièrent de la valeur avec le temps (notamment des pièces de collection), alors que d’autres en perdent (produits périssables, obsolescence des équipements, etc.)
● Un deuxième facteur important de la valeur est l’espace. Où les biens recherchés sont-ils disponibles ?
L’Homme s’est d’abord déplacé à la recherche de sa nourriture, ou de conditions de vie plus favorables. Très tôt, le nomadisme a été un mode de vie courant.
Un autre aspect de ce facteur s’est hélas exprimé sous les pires formes de la conquête, de l’appropriation et de l’exploitation : invasions, colonialisme, impérialisme, commerce triangulaire et esclavage.
● Un troisième facteur consiste dans la possibilité de création de valeur. Si l’air et l’eau peuvent être fournis par la nature sans nécessiter de transformation, certains biens ne peuvent résulter que d’une transformation ou d’un effort en vue de les obtenir.
► Utilité relative relevant du psychisme individuel (utilité subjective), ou de normes sociales et culturelles :
Hormis les critères de nécessité vitale des biens tels que l’air, l’eau et la nourriture, la protection du froid et des intempéries, ou la sécurité, correspondant au besoin de se vêtir et de se loger (y compris pour les nomades, dont l’habitat est mobile…), ou d’utilité objective telle que l’éducation et l’acquisition d’un savoir-faire professionnel, bien d’autres besoins sont liés à nos existences, dont l’utilité relève de critères d’une autre nature.
● S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ! L’ordinaire des uns demeure inaccessible aux autres. Des différences de niveaux de vie considérables sont observables d’une population à l’autre, comme généralement au sein d’une même population. Le minimum vital des uns peut apparaître aux autres comme un gaspillage inutile, ou au contraire susciter envie et désire d’imitation.
Ce glissement du ressenti en termes d’utilité et de besoin est évidemment une médaille à deux faces.
Une conscience consumériste prenant en compte les droits et les devoirs des consommateurs, et attribuant à la qualité des produits et des services sa pleine dimension (y compris leur qualité sociale et environnementale), en est la face positive.
La fuite en avant du toujours plus, toujours moins cher, et de plus en plus éphémère, en est le revers.
Or plus encore que l’ère industrielle, c’est l’ère plus récente du marketing qui a fait exploser le besoin de consommer, jusqu’à un type d’addiction parfois décrit comme une fièvre acheteuse…
● Par ailleurs, les cultures des sociétés recèlent des pratiques et des usages propres à leurs systèmes de valeurs et à leurs croyances, qui génèrent des activités économiques à part entière : particularismes et produits de terroir, arts (plastiques, dramatiques, musicaux, etc.), traditions sociales, etc.
Au fil de l’histoire, l’évolution des techniques et les corps de métiers ont bénéficié de la construction des pyramides en Égypte comme de celle des cathédrales en Europe, ainsi que, malheureusement, des guerres.
Partout dans le monde, même lorsqu’elles sont vidées de leur sens par un matérialisme individualiste croissant, les fêtes religieuses et les périodes commerciales qui les accompagnent rythment la vie économique depuis des millénaires.
Quant aux grandes manifestations sportives, elles sont désormais l’objet d’enjeux financiers totalement démesurés.
Aucune de ces activités n’est aussi nécessaire à notre survie immédiate que l’air que nous respirons. Pourtant, la plupart peuvent s’avérer d’une utilité essentielle à la cohésion sociale comme à l’épanouissement individuel.
● Certaines pratiques déchaînant les passions en un lieu, laissent les populations indifférentes ailleurs. « Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » écrivait Montaigne dans Les Essais. Le credo de l’économie est désormais : « Vérité dans le marché, erreur hors sa loi… »
C’est cette diversité et ces spécificités culturelles que la mondialisation tend à réduire, en universalisant le besoin de consommation et une offre de produits formatés.
Si les peuples d’Asie demeuraient largement indifférents au football il y a encore peu, ils se laissent désormais gagner par sa fièvre, du fait de la télé-diffusion par satellite, du star-system planétaire des joueurs et de l’omniprésence des marques ; la finalité des annonceurs (en l’occurrence, essentiellement les multinationales de vêtements de sport) étant de faire entrer dans le business-system mondialisé les maillons manquants d’une humanité universellement consommatrice et mercantile.
► Utilité négative : nuisibilité.
● Dans d’autres cas, il arrive que certaines spécificités culturelles constituent un handicap collectif et une source de drames humains ou de désastres écologiques. Mais les populations qui les pratiquent ont peine à se défaire, le poids des siècles ou des millénaires ayant encore trop souvent force de loi. C’est bien sûr le cas de l’esprit de conquête et des conflits armés, mais de certaines traditions comme celle de la dot en Inde, ou encore celle de l’agriculture sur brûlis en zones tropicales humides.
● Les addictions à des substances toxiques sont d’autant plus difficiles à résoudre qu’elles combinent une vulnérabilité psychique, voire métabolique, et l’agressivité économique liée à la profitabilité des secteurs d’activité concernés. En Occident, la publicité pour le tabac est interdite sur les grands circuits de course automobile. Qu’à cela ne tienne. Les compétitions qui étaient en grande partie financées par les grandes marques de cigarettes se délocalisent en Asie et en tout lieu où cette interdiction n’est pas en vigueur. Le pouvoir de l’addiction servi par la publicité, qui a jadis fait ses preuves en Europe et en Amérique, a encore de beaux jours commerciaux devant lui, là où la prévention sanitaire n’est pas une préoccupation majeure des pouvoirs publics.
● Mais au-delà des addictions individuelles, ne faut-il pas considérer aujourd’hui dans sa globalité la capacité de nuisance d’un système de production intensive et de consommation de masse, qui ne correspond pas à une utilité objective, et ne prend pas en compte les conséquences de son mode de fonctionnement ?
Le degré d’utilité perçue varie selon les populations, les codes sociaux, et en fonction de la psychologie individuelle. Une grande part de la consommation de masse s’est développée en parvenant à faire percevoir par les uns comme objectivement indispensables des biens et des services considérés par d’autres comme étant inutiles. Même les choix et les arbitrages individuels de consommation supposés découler d’une appréciation objective de l’utilité, sont en réalité rarement dénués d’une subjectivité sur laquelle jouent la communication publicitaire, les effets induits de mode et la puissance des comportements d’imitation (l’effet Jeans).
2- La VALEUR TRAVAIL : le travail crée de la valeur d’usage lorsque celle-ci n’est pas naturellement disponible, ou ne l’est qu’en quantité insuffisante.
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L’effort consacré à générer des biens et des services leur confère une valeur spécifique : la valeur travail. Elle se mesure par son coût d’obtention, essentiellement le coût du travail, plus ou moins important selon les moyens et la durée nécessaires à leur production.
● Par exemple, si l’air respirable est toujours disponible en tout lieu et à tout moment sans que nous devions partir à sa recherche ou le purifier (pour combien de temps encore ?), cela est moins vrai de l’eau, qui peut nécessiter de longues heures de marche ou d’attente pour certaines populations. La mise à disposition facilitée par l’adduction d’eau a un coût. De même, le coût de traitement permettant d’obtenir de l’eau potable (purification ou dessalement) est d’autant plus important que la pollution se généralise et s’intensifie, et que l’eau douce disponible sur la planète se raréfie.
Quant aux civilisations de chasseurs / cueilleurs, désormais en voie de disparition, elles ont tout de même dû depuis toujours consacrer du temps et des efforts à la recherche de leur nourriture. Ce travail représentait une valeur reconnue par la communauté. La capacité de devenir chasseur, par exemple, comme la capacité de procréer, constitue encore un passage de l’enfance à l’âge adulte qui fait toujours l’objet de rites initiatiques variés chez quelques peuples de tous les continents. Car elle permet d’assurer sa propre survie et celle de sa communauté, et au-delà, sa pérennité.
Plutôt que de chasser et de cueillir, l’Homme est devenu éleveur et agriculteur. Alors que d’autres sont devenus artisans ou commerçants.
Au fil des millénaires, et surtout depuis l’avènement de l’ère industrielle, le travail s’est complexifié en même temps que les techniques mises au point pour la production de biens, et même pour la prestation de services. Pour des raisons d’efficacité économique et de productivité, le travail s’est spécialisé de plus en plus. Le temps de l’agriculteur-éleveur-artisan est à peu près révolu. Tout en élargissant le panel des produits et des services auxquels il a accès, l’Homme a perdu progressivement une grande part de son autonomie. Aujourd’hui, par exemple, avec le tout électronique, un particulier n’a plus accès au moteur de sa voiture pour son entretien.
● Dans un premier temps, du début de l’industrialisation jusque dans les années 1970, ce fut la logique technique de process qui imposa l’organisation du travail de manière à optimiser le coût des équipements et des sites de production : la division verticale et horizontale du travail. Cette période connut son apogée avec le fordisme.
● Ensuite, avec la mondialisation, c’est une logique essentiellement financière qui prit le dessus. La division du travail est devenue géographique : la Division Internationale du Travail (ou D.I.T.). Cette nouvelle dimension intègre non seulement une division géographique horizontale liée au process, mais également une division géographique verticale entre la conception et la production.
Ce ne sont pas seulement les individus et les familles qui perdirent leur autonomie économique, mais désormais les populations et les territoires qui devinrent tributaires d’objectifs financiers non plus étatiques, mais privés.
Alors que l’esprit d’entreprise traditionnel était essentiellement fondé sur l’élaboration et la valorisation d’un savoir-faire dans lequel le travail humain tenait une place centrale pour la création de valeur (valeur ajoutée), la politique d’expansion et de domination qui est celle des groupes et des holdings consiste désormais dans l’appropriation des savoir-faire développés par d’autres, ainsi que l’absorption de leur potentiel économique en vue de dominer le marché. Il ne s’agit plus tant de générer de la VALEUR UTILE (valeur d’usage) que de marquer des points en termes de VALEUR D’ÉCHANGE. L’enjeu repose sur la performance de la Chaîne de valeur.
3- La VALEUR D’ÉCHANGE combine l’utilité et la rareté. En économie de marché, elle se traduit par le prix.
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● Utilité vitale d’un bien abondant, naturellement accessible à tous :
L’exemple de l’air et de l’eau. Aussi longtemps qu’un bien est naturellement et directement accessible à tous, sans limite et sans nécessité de transformation, il n’a aucune valeur d’échange. Celle-ci est donc nulle.
● En revanche, lorsqu’un bien naturellement disponible comme l’eau vient à s’altérer (pollution) ou à manquer (répartition inégale, réchauffement climatique, sécheresse), il acquiert une valeur d’échange, du fait d’une demande pour ce bien qui nécessite un travail de production (purification) ou de mise à disposition.
● De même, pour tout produit ou service limité en quantité ou résultant d’un travail, si une demande et une offre existent, un marché constitue le lieu physique ou virtuel d’échange de ce bien ou de ce service.
Le prix est censé correspondre à la valeur d’échange de ce produit ou de ce service.
● S’il existe une demande pour un produit ou un service extrêmement rare, son prix peut atteindre des sommets : c’est par exemple le cas sur le marché de l’art. Pourtant, l’utilité d’une œuvre d’art ne relève pas d’un besoin vital, mais de l’appréciation et de l’envie d’un individu, ou répond dans d’autres cas à un objectif spéculatif, jouant sur le facteur temps dans l’espoir d’un profit ultérieur.
Si le prix est librement fixé par le vendeur et l’acheteur, ou plus concrètement, si l’acheteur accepte le prix du vendeur, c’est la libre concurrence entre producteurs ou entre commerçants qui aboutit pour un même type de produit ou de service, à un prix d’équilibre de l’offre et de la demande.
C’est la loi de l’Offre et de la Demande.
● Le paradoxe de la valeur refuge : en période de crise, lorsque les épargnants perdent confiance dans les valeurs financières en général et dans les monnaies en particulier, ils ont tendance à sécuriser leur épargne dans des placements beaucoup plus physiques et concrets, comme la pierre ou l’or. Lorsque, de surcroît, l’immobilier est sujet à des bulles spéculatives, l’or retrouve dans l’inconscient collectif son ancien statut d’étalon des échanges monétaires internationaux. Il devient la valeur refuge par excellence. Son prix - sa valeur d’échange sur le marché - devient alors supérieur à celui du platine, métal pourtant plus précieux car plus rare.
● Plus la concurrence est importante, moins le bénéfice réalisé par les commerçants et par les producteurs est élevé. Dans ce cas, le prix a tendance à se rapprocher du coût de production, auquel s’ajoute généralement un coût de distribution ; la vente à perte (c’est-à-dire à un prix inférieur au coût) est normalement interdite.
Ainsi tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et le marché a toujours raison.
Sauf que… différents grains de sable viennent altérer l’idéal ce dogme libéral.
Valeur d’échange (marché) en fonction de l’utilité et de la rareté :
4- Effets pervers de la primauté de la valeur d’échange (profits commerciaux et financiers) : dans le contexte d’un libre-échange inconditionnel, la loi du marché s’exerce au détriment de la valeur d’usage réelle (qualité), de la valeur travail (emploi et répartition optimale des revenus de l’économie) et des valeurs humaines et philosophiques des sociétés.
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En s’attaquant ainsi aux principes démocratiques de populations et de territoires qui étaient engagés dans une marche commune sur la voie des Droits de l’Homme et de la préservation de la Nature, cette loi d’un marché décérébré sape les fondations fragiles car encore récentes, d’une pluri-civilisation planétaire intelligente et pacifique, en formation.
La loi du marché, voulue absolue et imposée de manière exclusive et non démocratique par le néolibéralisme économique et par le capitalisme financier, s’avère tout aussi irréaliste et dangereuse que le fut en son temps la négation du marché et de la liberté d’entreprise imposée par le totalitarisme soviétique.
● La dégradation des termes de l’échange : le rapport de force entre pays développés et pays sous-développés est inégal.
L’économie de ces derniers, dits Pays En Développement (PED) ou Pays les Moins Avancés (PMA), et plus encore celle des pays émergents (les fameux BRICS), est très dépendante de la demande des pays développés, du fait de l’importance de leurs besoins et de leur pouvoir d’achat.
Cette dépendance détermine une alliance de fait entre détenteurs du pouvoir politique et économique des PED et ceux des pays développés. La répartition des revenus de cet échange économique dans les PED producteurs est grandement conditionnée par leur degré de démocratie. Plus les régimes politiques sont autoritaires et corrompus, et moins les populations bénéficient d’un développement socioéconomique réel et durable.
En outre, l’intérêt commercial des pays développés est non seulement d’obtenir au moindre coût les matières premières dont ils ont besoin, mais aussi d’exporter vers les PED et les pays émergents. Mais la vente aux PED par les pays développés, de leurs surplus agricoles résultant de productions subventionnées, constitue un dumping à l’encontre des petits agriculteurs des PED, dont l’autosuffisance agroalimentaire régresse de ce fait.
Les pays émergents, et plus particulièrement la Chine, aggravent ce phénomène en tuant dans l’œuf l’artisanat local des PED qu’ils inondent de produits industriels à faible valeur ajoutée, notamment les textiles et quantité d’objets de consommation courante. Dans la plupart des pays d’Afrique, du Maghreb et du Mashreq, c’est le bazar traditionnel qui détruit désormais la production locale, qu’il avait jusqu’à présent au contraire fait vivre…
● La persistance et l’amplification des déséquilibres résultant de la mondialisation commerciale dérégulée repose sur un autre déséquilibre structurel : le rapport de force extrêmement inégal entre les organisateurs bénéficiaires de ce processus (investisseurs et actionnaires internationaux), et les véritables catalyseurs de l’extraction du sur-profit (consommateurs et travailleurs salariés ou non) qui se fait essentiellement à leurs dépends comme au détriment de la collectivité.
La force des premiers provient de leur organisation : concentration des pouvoirs financiers entre leurs mains, de leur structuration supranationale, et de leur intense activité de lobbying auprès des gouvernements.
La vulnérabilité ou l’impuissance des seconds tient à leur atomisation : les organisations de consommateurs sont trop dispersées à l’échelle mondiale ; les syndicats ne disposent pas de la puissance de tir des multinationales, qui dictent leur loi via les organisations économiques supranationales. De plus, la division internationale du travail ayant partitionné les filières de production et de distribution, un regroupement mondial des consommateurs et des salariés (ou des petits producteurs) susceptible de contrebalancer le pouvoir des investisseurs financiers de la filière est loin d’être réalisée.
C’est en partie l’objectif du commerce équitable, mais sa part dans le commerce mondial demeure anecdotique.
Rapports de force inégaux, concentration des pouvoirs financiers, intermédiaires biaisant aussi bien la VALEUR AJOUTÉE au niveau de l’offre initiale (non respect des coûts de producteurs divisés) que la VALEUR D’ÉCHANGE au niveau de la demande finale(consommateurs non organisés) : c’est le diviser pour régner qui emporte la mise. La loi réelle des marchés tient davantage d’un marché de dupes…
5- La notion de Valeur Ajoutée : comme son nom l’indique, la VA consiste dans un PLUS par rapport à un état antérieur d’un Bien ou d’un Service. Par exemple, pris séparément, les constituants d’un produit (matières premières, composants) sont des biens intermédiaires. Leur traitement et leur assemblage aboutit à un produit fini. Mais la notion de Valeur Ajoutée recouvre bien d’autres aspects.
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La valeur du produit fini est normalement supérieure à la somme des valeurs des biens intermédiaires qui le composent.
● Cet apport de valeur résulte non seulement d’autres coûts tels que le travail qui a permis de produire le bien ou le service final (valeur travail), et l’ensemble des coûts de fonctionnement de l’entreprise rapportés à la production (coûts indirects), mais aussi de la valeur d’usage reconnue par l’acheteur, qui ont abouti à la détermination du prix final du produit (sa valeur d’échange).
● Pour déterminer la valeur ajoutée d’un produit ou d’un service, il est nécessaire de connaître l’apport de valeur de chacun des agents économiques ayant contribué à son élaboration ; ce qui met en évidence la notion de filière de production. Il est donc indispensable, pour une analyse réaliste de la VA et de sa répartition (équité économique - commerce équitable ) au sein de la filière, que les flux (matière, capitaux, travail et autres ressources) soient connus de manière fiable. D’où l’importance de la transparence économique de la filière de produit ou de service.
● La somme des Valeurs Ajoutées produites sur le territoire national chaque année représente le Produit Intérieur Brut. La variation positive du PIB d’une année sur l’autre constitue la croissance économique :
(PIB de 2010 - PIB de 2009) / PIB de 2009 = taux de croissance pour 2010
Un ralentissement persistant de la croissance est une récession.
Si la croissance s’inverse pour devenir négative, il s’agit d’une décroissance. On génère moins de valeur ajoutée que l’année précédente.
● La Valeur Ajoutée étant mesurée par la comptabilité (comptabilité de chaque agent économique et comptabilité nationale). Mais de nombreuses valeurs ajoutées ne sont pas comptabilisées (l’éducation familiale contrairement à l’éducation scolaire, les dons de la nature non commercialisés - pêche non professionnelle, cueillette sauvage, etc. - services entre tiers rendu gratuitement, voire travail au noir ou travail dissimulé). De même, la génération de valeur ajoutée s’accompagne souvent d’une destruction de valeur non comptabilisée : les externalités économiques négatives. Elle peut consister dans des maladies professionnelles ou la souffrance au travail, la pollution et la destruction de l’environnement, etc.
● La croissance économique évaluée à partir des seules Valeurs Ajoutées comptabilisées est donc un indicateur très approximatif et très contestable, du point de vue de l’impact à long terme, sous l’angle d’un développement soutenable (développement durable).
● Toutefois, le principe de Valeur Ajoutée fait sens, à condition de réviser en profondeur la nature de la valeur retenue : il est désormais vital de passer de cette seule prise en compte de la V.A. brute à une évaluation performante de la V.A. nette.
6- La notion de Valeur Ajoutée Nette : pour obtenir une V.A.N. à partir de la V.A. classique, il est nécessaire de prendre en compte les externalités économiques positives et négatives.
Il s’agit du chaînon manquant de l’économie, en vue de sa conciliation avec les enjeux sociétaux et environnementaux de développement durable.
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Si l’on pose sur les deux plateaux d’une balance, d’une part l’utilité de l’apiculteur et de ses abeilles (dont le rôle dans la pollinisation est vital pour l’agriculture, voire pour l’écosystème de toute la planète), et d’autre part celle de l’agrochimie qui joue un rôle indéniable dans la disparition des abeilles et d’autres agents pollinisateurs, que faut-il privilégier ?
♠ Les profits de l’agrochimie et de l’agriculture intensive, qui représentent une part importante de la croissance mondiale, mais nuisent grandement à la santé des populations (intoxications et effets cancérogènes) et compromettent l’avenir même de l’agriculture (notamment par la stérilisation des sols) ?
♥ Ou la protection des abeilles et de la biodiversité, dont la plus-value inestimable n’est ni comptabilisée, ni prise en compte dans l’évaluation de la croissance économique ?
Allons-nous estimer que, faute d’être titrisé et côté en bourse, le rôle des abeilles appartient au passé et qu’une mobilisation pour leur sauvegarde relèverait d’une obstination obscurantiste, alors que l’agrochimie représenterait pour l’humanité des perspectives de progrès illimitées ?
● Les idéologues du libre-échange et de la mondialisation portent les bouleversements majeurs affectant partout les sociétés et les territoires, au crédit d’une destruction créatrice globalement vertueuse, dont le principe est bien connu des économistes.
Dans le cadre de la mondialisation, ce principe consisterait dans un processus de mutations constructives permettant à de nouvelles activités prometteuses de remplacer celles devenues obsolètes ou peu génératrices de valeur ajoutée pour un territoire, grâce à un vaste mouvement de spécialisation géographique (division internationale du travail) porteur d’une meilleure efficience globale profitable à tous. Phénomène dont le libre-échange est le catalyseur.
Mais la destruction des activités de subsistance dans les PED comme la désindustrialisation des pays développés résultant de la mondialisation commerciale et de la globalisation financière, ne relèvent absolument pas d’un tel principe.
Cette vision gagnant / gagnant dont tentent de nous convaincre depuis des décennies nos dirigeants nationaux et européens, est une pure fiction.
● Les destructions d’activité et les dégâts environnementaux constatés sont d’une tout autre nature. Faute de comptabiliser la destruction de valeur d’usage dont sont responsables consciemment ou non les agents économiques (entreprises, consommateurs, acheteurs publics et pouvoirs publics) et de la faire payer (la monétariser) en l’intégrant au prix de vente (prise en compte au niveau de la valeur d’échange), le libre-échange et la concurrence par les prix affranchis de toute responsabilité sociale et environnementale, encouragent et amplifient ces destructions.
Il s’agit des externalités économiques négatives impactant les sociétés et l’environnement.
● Ainsi, les externalités économiques négatives sont à la fois la cause et la conséquence d’un processus auto-entretenu et auto-amplifié (spirale) de destruction de VALEUR : violations des droits de l’Homme et exploitation humaine, pollution sous toutes ses formes et destruction de l’environnement, facteurs humains contribuant au dérèglement climatique.
Car faute de régulation économique imposant que les coûts de production intègrent la prévention de ces risques, cette destruction est au contraire valorisée par le sur-profit qu’elle permet de réaliser à court terme. Autrement dit : le niveau de profit ainsi réalisé est non soutenable (non durable), du fait qu’il résulte de manière croissante d’une destruction de valeur non couverte par le coût du produit ou du service, ni compensée par une taxation spéciale des profits. En outre, toute destruction de valeur n’est pas compensable.
● Les exemples sont nombreux : c’est le cas de la raréfaction ou de l’altération d’un bien vital initialement abondant tel que l’eau qui, en de multiples lieux sur la planète, provoque la mort des populations. Or la pollution des nappes phréatiques en Bretagne et ailleurs accroît automatiquement le marché des marchands d’eau.
Cela risque de concerner bientôt l’air que nous respirons. Sa pollution fera un jour la fortune des producteurs de masques filtrants et de bouteilles d’oxygène… Et les maladies provoquées par la dégradation de l’environnement enrichiront toujours plus les laboratoires pharmaceutiques.
Mais dans le même temps, le coût collectif des conséquences de ces externalités économiques négatives est incalculable, alourdissant la charge des politiques sociales des États démocratiques, et creusant de ce fait leurs déficits budgétaires et leur dette publique. La protection sociale est déjà en voie de privatisation croissante, au profit des assurances privées.
Le coût de la vie, en l’occurrence de la survie, ne cessant d’augmenter dans un contexte économique défavorable, la fracture sociale s’amplifie. Après de nombreuses décennies d’allongement de la durée de vie des populations dans les pays développés, la tendance ne pourra que se tasser, puis s’inverser, même dans un contexte de relative croissance économique ; laquelle résultera de moins en moins du travail humain local et risque également de générer de moins en moins d’emploi.
● Ainsi, une part grandissante de la croissance économique est susceptible de résulter de la destruction de valeur d’usage.
L’irresponsabilité économique et l’absence de régulation conduisent de fait à une création destructrice qui est de plus en plus constitutive d’une croissance économique non soutenable. Soit en fin de compte, une destruction nette de VALEUR, comptabilisée positivement sous forme de croissance économique.
La confusion avec le principe de destruction créatrice est totale.
Le cas de la Chine est emblématique de ce phénomène. Plus son taux de croissance officiel est important, plus les destructions de VALEUR s’accélèrent.
Une évaluation objective de ces destructions, prenant en compte le facteur temps (leurs conséquences locales sur plusieurs générations) et leur propagation planétaire (destructions d’emploi, dégâts environnementaux, altérations climatiques), placerait sur un plateau de la balance la mesure de la VALEUR créée, et sur l’autre plateau celle de la VALEUR détruite (extrêmement difficile à évaluer du fait de la complexité des processus systémiques en cause). L’aiguille passerait immanquablement du vert fluo d’une croissance à deux chiffres, au rouge foncé d’une croissance de plus en plus négative. Ce résultat combiné à l’impact lié au mode de vie des pays développés, consommateurs des productions de l’atelier du monde, cumule la destruction de VALEUR à l’échelle planétaire.
● A ce titre, même l’écologie industrielle risque de poser un problème de cohérence par rapport aux enjeux de développement durable dont elle se réclame.
En effet, l’enjeu économique que constitue la valorisation des déchets d’une filière comme ressource pour cette même filière ou pour une autre filière, n’encourage pas forcément à réduire la production de ces déchets à la source…
Tout comme la création d’un marché financier du droit d’émission de CO2 et les profits générés par ce type aberrant de titrisation risquent de ralentir le processus de réduction des émissions de CO2.
● Ainsi, ce n’est pas la dette financière des nations, en grande partie factice, qui hypothèque l’avenir des populations, mais bien la DETTE DE VALEUR, contrepartie d’une croissance irresponsable, qui menace l’avenir de l’humanité (accroissement des inégalités socioéconomiques, déstabilisations géopolitiques, rupture des équilibres fondamentaux de l’écosystème qui l’héberge).
C’est sur cette divergence de lecture que porte l’essentiel du malentendu qui oppose les PRO croissance, qui négligent d’analyser sa nature et sa réalité, et les PRO décroissance, qui ont le plus grand mal à faire entendre en quoi le MOINS, suggéré par eux, peut en réalité aboutir à un PLUS et surtout à un MIEUX. À condition bien sûr de s’en donner les moyens, en changeant de grille de lecture et en appliquant une politique d’investissements responsables ; ce qui suppose de mettre un terme à une course aux profits non soutenable.
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