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Synthèse :
L’évolution de la pensée économique du 15e siècle à nos jours.
En économie, la notion de VALEUR est généralement envisagée sous un angle individualiste prenant en compte :
→ soit les objectifs et les comportements supposés des acteurs économiques, consommateurs, épargnants,
→ salariés (la valeur d’usage ou « valeur-utilité » dans tous ses états, objective, subjective, marginale),
→ soit les moyens et les modalités de fonctionnement des activités économiques (travail ou capital), et leur coût.
Dans tous les cas, les économistes de la VALEUR tentent d’identifier un facteur central de détermination de la VALEUR D’ÉCHANGE des biens et des services, concrétisée par le prix.
Voir notre page : « De la VALEUR en économie… »
Mais une telle approche, basée sur l’analyse microéconomique (hormis la « valeur-travail » telle que Marx l’envisageait), néglige la notion d’intérêt général, supposant a priori que celui-ci résulte de la libre confrontation des intérêts particuliers.
Alors que la prise en compte des finalités collectives de l’économie (bien-être collectif, développement humain et harmonie sociale) constitutives de l’intérêt général, nécessite une approche macroéconomique portant sur les interactions systémiques entre l’emploi, la création et la répartition des richesses, la consommation, etc.
Voir notre page : « Voir et comprendre »
La manière dont la notion de VALEUR est abordée en économie, est influencée par le contexte et la culture de chaque territoire.
(lire la suite…)
Par exemple :
► La VALEUR du mercantilisme ibérique “bullioniste”.
● À l’époque des conquistadors, les mercantilistes ibériques considéraient les métaux précieux, l’or et l’argent provenant de leur conquête du Nouveau Monde, comme VALEUR par essence car inaltérables et impérissables, un don du ciel couronnant la supériorité de leur civilisation sur les peuples sauvages et impies qu’ils avaient le devoir et la charge de civiliser… Ce courant est dénommé “bullioniste” (de bullion signifiant « lingot » en Anglais).
● Le stock de métal précieux possédé par l’Espagne et le Portugal constituait à la fois leur richesse et la mesure d’échange de tout bien : leur propre étalon or. Ainsi la VALEUR n’était pas pour eux la modalité (par exemple, l’extraction minière) mais l’objet de l’enrichissement. Lequel résultait d’un travail un peu particulier : la conquête militaire.
► La VALEUR du mercantilisme britannique commercial
● Les mercantilistes britanniques à l’époque du roi Jacques II d’Angleterre (1685-1688), cousin germain du souverain français Louis XIV, puis de Guillaume d’Orange (1689-1702) et jusqu’à la fin du règne de George II, considéraient que la véritable VALEUR économique était le commerce.
L’Angleterre était à la tête d’un empire colonial immense (le “Premier Empire britannique” de 1583 à 1783) progressivement bâti depuis Jacques Ier (1603) : naissant en Asie avec la Compagnie des Indes Orientales, et déjà bien établi en Afrique et en Amérique (Antilles et continent nord-américain).
● Or une grande part des biens en provenance d’Amérique alimentant le commerce britannique, résultaient du commerce triangulaire et de l’esclavage des Africains déportés en Amérique.
Alors que la capture de populations d’Afrique de l’Ouest par des Européens et leur esclavage avait été initié par des navigateurs portugais dès 1441, et que leur déportation vers le continent américain était encore un monopole de marchands hollandais, c’est le commerce du sucre (encore cher, d’où sa consommation peu développée en Europe) qui conduisit à partir de 1674 les Anglais et les Français à leur disputer ce monopole et à intensifier la déportation vers les Antilles, pour rentabiliser sa production et sa commercialisation.
On ne peut s’étonner dans ces conditions que le TRAVAIL n’ait pas été considéré comme une VALEUR en soi…
► La VALEUR du mercantilisme français “industrialiste”.
● Les mercantilistes français, quant à eux, prirent en compte le facteur de création de richesse privilégié par l’État centralisé de Louis XIV, roi autocrate et grand esthète constamment à la recherche des techniques et des arts les plus achevés : la qualité. Ainsi, le critère de VALEUR reposait sur le facteur de création d’une valeur ajoutée optimale qui, plus que le seul travail, consiste dans le véritable savoir-faire à l’origine de la QUALITÉ.
C’était l’objectif visé par le développement des arts et des métiers, par la création de manufactures, et par l’invitation faite à des artistes et des artisans étrangers de grand talent de demeurer en France et même à la cour royale.
● Mais le commerce était considéré par eux comme une médaille à double face, la production nationale et les exportations étant favorables à la prospérité et à la puissance de l’État, alors que les importations entrant en concurrence avec la production intérieure les mettent en danger. D’où une politique commerciale sélective, favorisant la circulation des marchandises à l’intérieur du territoire français et les exportations, mais protectionniste envers les importations.
La France fut d’ailleurs la dernière à se lancer dans la traite négrière, à partir de 1672, avec la création de la Compagnie du Sénégal par Louis XIV. Mais il est important de noter que le représentant politique le plus emblématique du courant mercantiliste français, Colbert, qui avait fondé la plupart des comptoirs commerciaux de la France dans le monde (en Asie, au Levant et en Amérique), s’est vu reprocher par Louis XIV (sous l’influence de Madame de Maintenon, qui avait grandi à la Martinique) son manque d’efficacité à importer des esclaves. C’est d’ailleurs la même année que le roi dissout la Compagnie des Indes qui avait été créée par Colbert, et que le pouvoir politique de ce dernier commence à décliner.
Mais réciproquement, les VALEURS que privilégie un système économique marquent la culture des sociétés et la manière dont elles évoluent.
● Tout le monde connaît le fameux proverbe chinois : « Le sage montre la lune, le fou regarde le doigt »
● Mais lorsque c’est le fou qui montre la lune, il est sage de regarder de plus près ce qui dirige ce doigt…
● et plus encore démystifier l’illusionnisme de la prétendue main invisible des marchés.
Par exemple, le fait de mettre aveuglément le cap sur LA croissance économique sans se préoccuper de ses modalités et de ses contre-parties, en misant sur une consommation galopante, est une pure folie.
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► VALEUR Naturelle : les Physiocrates ont jugé pertinent de prendre exemple sur la Nature.
● Mais comparaison n’est pas raison :
→ s’ils ont effectué une avancée déterminante en prenant en compte l’existence de lois naturelles relativisant le bien-fondé des interférences humaines, et en comprenant l’importance de systèmes en interaction (notre progrès dans la connaissance des écosystèmes confirme leur intuition, et depuis Keynes, la macroéconomie a tenté de formaliser ces interactions dans le domaine économique),
→ s’ils ont légitimement remis en cause l’efficacité et souligné les dangers de systèmes trop autoritaires (ce qu’à confirmé l’échec économique des dictatures communistes comme de celles d’extrême droite au XXe siècle), et plaidé pour la liberté des individus d’entreprendre et échanger,
→ ils ont commis une erreur qui ne fera qu’être amplifiée à notre époque. Elle consiste à avoir confondu l’Homme et les sociétés humaines, avec la nature et la condition animale. Or, de cette différenciation dépend essentiellement le sens d’une civilisation.
● Une liberté totale, sans règles ni contraintes permettant de canaliser les excès des comportements individuels au détriment de l’intérêt général, aboutit à la loi de la jungle incompatible avec l’harmonie sociale et le bien-être du plus grand nombre. La loi du plus fort aboutit à une sélection naturelle entre individus, organisations et territoires.
● Le respect des lois écosystémiques et l’inspiration des dispositifs performants développés par la nature au fil de l’évolution, n’auraient jamais dû déboucher sur une soumission fascisante de l’espèce humaine et des mécanismes sociaux aux processus de la sélection naturelle.
► VALEUR Travail : le travail est reconnu comme VALEUR économique centrale, en ce qu’il est le facteur essentiel de création de richesse, par tous les courants qui ont placé l’industrie au cœur de l’économie.
● Il s’agit donc surtout des économistes témoins de la révolution industrielle : le courant classique et à sa suite, Karl MARX.
Ils tentèrent de rapprocher la VALEUR D’ÉCHANGE des produits industriels de celle du travail nécessaire à leur production (le travail incorporé, selon la terminologie marxiste).
● Alors que, comme nous venons de le voir, la notion d’industrie à l’époque mercantiliste recouvrait davantage celle de savoir-faire, expliquant l’importance attribuée par ce courant à la qualité plutôt qu’au productivisme (quantité) privilégié à l’ère capitaliste de la révolution industrielle.
● Enfin, le point de rupture essentiel entre le courant classique et le courant marxiste porte paradoxalement sur cette valeur commune, mais abordée sous un éclairage différent :
→ bien que reconnaissant le rôle central du travail dans la création de richesse, le courant classique ne tient guère compte de la condition ouvrière et recherche essentiellement, avec la division du travail, à accroître la productivité et à diminuer les coûts,
→ en revanche, l’analyse marxiste met en évidence la dimension d’exploitation humaine sur laquelle se fonde la formation de la plus-value (extraction du profit) du capitalisme industriel.
● Mais l’analyse marxiste n’a pas réussi à concevoir un système permettant de remédier concrètement à ce biais, autrement que par un déchirement social (lutte des classes et dictature du prolétariat) et une proposition utopique jamais réalisée à ce jour : un État fort pendant une phase transitoire socialiste, en vue de l’avènement d’un communisme véritable, autogéré, sans État.
Or, de ce projet idéal, l’histoire a surtout vu se réaliser à l’échelle nationale (Russie, Chine, etc.) et même plurinationale (URSS et annexions de pays voisins par la Chine), des révolutions et des invasions violentes qualifiées de libération des peuples ; et au nom de la dictature du prolétariat, l’instauration d’États autoritaires à parti unique, dont la première des réformes a consisté dans la suppression des libertés individuelles.
● De ce double point de vue, la mondialisation économique contemporaine, en recourant à une division internationale du travail, et en mettant en concurrence les travailleurs de territoires à forte disparité de niveau de vie, reproduit les conditions du commerce triangulaire en délocalisant les emplois vers les territoires d’esclavage, plutôt qu’en déportant des hommes libres afin de les réduire à l’état d’esclavage…
► VALEUR UTILITÉ : elle situe l’estimation de la VALEUR D’ÉCHANGE non plus du point de vue de la production, mais de la consommation. C’est la position du courant néoclassique, plus connu de nos jours sous le vocable “néolibéral”.
Il s’agit là d’un renversement tout à fait déterminent. Car la légitimité du prix payé n’est plus fondée sur la réalité des coûts de production, mais à l’inverse, c’est l’acheteur qui, en fonction de la VALEUR qu’il attribue à un bien ou un service, en décidant de l’acheter ou non, décide de la rémunération des facteurs de production.
Ce n’est donc pas seulement la quantité produite qui se règle sur le volume de la demande sur les marchés, mais les coûts de production doivent s’adapter à la fluctuation de la demande.
Le levier de cette adaptation est la concurrence, obligeant l’offre (la distribution et, par voie de conséquence, la production) à s’aligner sur les prix les plus bas, et donc toujours aligner ses coûts sur les coûts concurrents les plus bas, au nom de la compétitivité. Seule une gouvernance imposant à tous des règles communes (régulation ), notamment le respect de conditions sociales et environnementales (VALEUR QUALITÉ Sociétale et Environnementale), permettrait de mettre un terme à cette spirale destructrice de VALEUR.
Le véritable enjeu de cet UTILITARISME prôné par le courant néoclassique (néolibéral) est à notre époque le suivant :
→ de l’utilité des biens et des services aux consommateurs et à la société, à l’ère du jetable,
→ à l’utilité des salariés et de la société au système économique, à l’ère de la mondialisation, des délocalisations et de la mise en faillite des États,
il n’y a malheureusement plus de frontière…
► Quant au courant néoclassique monétariste, et plus encore la prétendue école des nouveaux classiques dont la pensée unique est au commandes de l’économie mondiale depuis les années 1990,
● … ils incarnent tant par leurs principes que par les comportements qu’ils induisent, le cynisme auquel fait allusion la citation d’Oscar Wilde en tête de cette page. Il n’a évidemment rien de commun avec le cynisme philosophique de l’Antiquité… puisqu’il s’agit de la part de ces courants économiques de légitimer la pire arrogance d’une finance indifférente aux conséquences (in)humaines et (anti)écologiques de la spéculation irresponsable à laquelle elle se livre sans vergogne.
En effet :
→ alors que le courant classique considérait que le libéralisme devait permettre à chacun la recherche de ses intérêts particuliers, car par l’effet d’une _main invisible _ (chacun pour soi et Dieu pour tous ?) la rencontre de tous les intérêts individuels sur le marché aboutirait automatiquement à la réalisation de l’intérêt général,
→ le chef de fil du courant néoclassique monétariste, Milton Friedman, affirmait que c’était l’avidité et la cupidité (ou greed, en Anglais) qui constituait le meilleur moteur de l’économie et de l’intérêt général.
● Mais au-delà d’une simple nuance sémantique entre intérêt personnel et cupidité, c’est à une réelle dérive du système politico-économique que nous assistons depuis les années 1980 avec la mondialisation commerciale et la globalisation financière : la liberté d’entreprise ayant fait place à une liberté de prédation érigée en système économique par la politique de dérégulation imposée par les néolibéraux au pouvoir.
● De notre point de vue, la raison essentielle tient dans la perte majeure qu’a subie la pensée économique entre l’époque classique libérale et l’ère néolibérale contemporaine (économie néoclassique monétariste) : sa dimension philosophique.
→ l’homme de lettres français Alfred Capus exprimait ainsi une pensée commune à différentes cultures et civilisations :
« Un égoïsme intelligent conduirait l’homme aux plus hautes vertus. »
→ aussi longtemps que l’emploi de ce conditionnel s’imposera, la levée de tout garde-fou demeurera une pure folie.
La déréglementation des marchés financiers et le renoncement à la régulation économique des États, qui plus est la soumission de ces derniers à la loi des marchés (titrisation internationale de la dette publique), revient à confier la garde du fenil planétaire à des enfants en possession d’une boîte d’allumettes…
Enfin, bien que relevant de raisons diverses, le fait qu’après MARX les économistes semblent avoir renoncé à définir une VALEUR centrale est toujours significatif.
● Nous nous sommes donc efforcés de comprendre le système de valeurs sous-jacent.
* (tableau ci-dessous).
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● Dans le cas de la théorie Keynésienne et des politiques qu’elle a inspirées, la dimension holistique et systémique de son approche, dans un cadre macroéconomique, prend en compte des facteurs en interaction globale (épargne - investissement / consommation - production), à l’échelle d’une société et d’un territoire. Elle permet donc de mieux comprendre l’interaction économique à l’échelle internationale.
→ Il n’est donc pas significatif de rechercher un facteur central constitutif de la VALEUR D’ÉCHANGE des biens et des services, tel que le travail.
→ En revanche, il est aisé d’identifier le principal objectif du système keynésien, sur lequel repose la répartition optimale des revenus de l’économie : il s’agit de l’emploi. C’est grâce à l’emploi correctement rémunéré, que l’État est le moins contraint de compenser les disparités socioéconomiques par une redistribution basée sur l’impôt. Et c’est pour cette raison que tout le système de gouvernance macroéconomique keynésienne tend vers la recherche du plein emploi.
● À l’inverse, l’idéologie néolibérale (néoclassique) monétariste estime qu’un certain niveau de chômage constitue une garantie contre l’inflation, considérée comme destructrice des revenus du capital.
La politique monétariste consiste essentiellement à limiter les salaires au nom de la compétitivité des entreprises, en flexibilisant le marché du travail par la mise en concurrence des salariés. Car le travail est considéré comme une charge plutôt que comme la source de la valeur ajoutée et de la création de richesse. Le contrôle de la masse monétaire a le même objectif de limitation de l’inflation.
Nous considérons donc que la VALEUR économique sous-jacente est, pour les monétaristes, le capital financier de nature spéculative, à la différence du capital productif investi dans l’économie réelle.
● Quant aux “nouveaux classiques”, courant multiforme des dernières décennies davantage identifiable par sa contribution à la “pensée unique” de la mondialisation économique, et par l’introduction systématique des mathématiques non seulement dans leurs analyses microéconomiques des équilibres de marchés, reposant sur des hypothèse le plus souvent irréalistes, mais également jusque dans l’automatisation des ordres de bourses aux seules fins d’optimiser le profit mécanique résultant d’allers et retours multiples, purement spéculatifs (trading à haute fréquence).
L’économie réelle est reléguée au rôle de support, d’objet de la spéculation financière, totalement instrumentalisé et parasité par cette dernière. Les modalités et les conséquences de la crise des subprimes nous conduisent à retenir comme VALEUR de la financiarisation de l’économie réelle et de l’opacification des pratiques et des flux financiers dans le cadre de la globalisation financière : la Virtualité financière primant sur la réalité économique et sur tout objectif humain, social et environnemental.
● En pratique, il est devenu difficile de différencier ces “nouveaux classiques” et le socialisme libéral. Ce dernier correspond à l’évolution de la plupart des partis socialistes occidentaux depuis la fin des “30 glorieuses”, qui se sont convertis à l’idéologie néolibérale, tout en prétendant toujours se réclamer de valeurs socialistes. Cet oxymore ayant sans aucun doute atteint son paroxysme avec la conversion du Parti Communiste chinois au capitalisme de marché : « Un pays, deux systèmes ». En réalité, cette chimère sonnait le glas de la pensée économique en la figeant dans cet ersatz désigné sous le vocable de “pensée unique”.
● Alors que les socio-libéraux jugent nécessaire la prise en compte d’une Éthique socioéconomique.
Le social-libéralisme ne doit donc pas être confondu avec le socialisme libéral. À l’inverse de ce dernier, il représentait le pas fait par des libéraux vers les idées sociales et la préoccupation de soutenabilité sociétale de l’économie libérale.
Sans renoncer à la liberté d’entreprise, ni même à une économie de marché, certains économistes libéraux et entrepreneurs ont pris conscience dès le 19e siècle, de la nécessité de réguler les mécanismes économiques et de compenser les défauts de distribution de la richesse produite, afin de rendre possible un développement socioéconomique équilibré.
Il a inspiré le capitalisme paternaliste de la fin du 19e siècle, et la politique de l’État-providence. Et c’est dans sa logique que s’inscrit la pensée de John Maynard KEYNES et l’économie mixte d’après-guerre, qui fut celle des “30 Glorieuses”.
Les décennies suivantes, jusqu’à l’heure actuelle, furent celles du reniement de ces valeurs interventionnistes et socialisantes, et de dénie du rôle régulateur de l’État. La planification économique jugée trop technocratique a été bannie, et le bébé jeté avec l’eau du bain.
Mais il semblerait que la crise contemporaine du capitalisme de marché et des valeurs de notre civilisation du toujours plus, ouvre enfin la voie à des promoteurs du mieux et de l’autrement. Parmi lesquels des héritiers de la pensée sociale-libérale et du keynésianisme.
Notamment (voir également en page précédente) :
→ l’économiste américain Joseph Stiglitz,
→ et l’Indien Amartia Sen,
→ le philosophe américain John Rawls, qui s’intéressa tout particulièrement aux
→ notions d’inégalité socioéconomique, de justice sociale et de solidarité,
→ ou encore le linguiste et philosophe américain Noam Chomsky, pourfendeur de
→ la manipulation de la pensée par le système dominant
Cette joute, pour ne pas dire cette guerre qui opposa Voltaire et Rousseau, est plus que jamais d’actualité.
Mais si elle perdure depuis le Siècle des Lumières, aussi bien au sein d’une élite intellectuelle que dans notre inconscient collectif, il ne fait aucun doute qu’elle plonge ses racines dans la nuit des temps, depuis, voire avant, la naissance de l’Homme.
Pour témoigner de ce conflit intime entre idéalisme et réalisme au cœur des comportements humains, qui au final détermine le fonctionnement de l’économie et la marche des sociétés, c’est à l’économiste qui inspira le New Deal de Roosevelt dans les année 1930, John Meynard KEYNES, que nous souhaitons donner la parole.
Cependant, ce n’est pas tant l’économiste de Cambridge qui s’exprime ici, que le membre du groupe londonien d’intellectuels et d’artistes avant-gardistes de Bloomsbury, dont la brillante créativité influença les Arts, les Lettres, et la politique de la Grande Bretagne, et parfois même du monde, pendant toute la première partie du XXe siècle.
(lire la suite…)
► L’individu, un concentré double d’humanité et d’inhumanité
L’homme est-il bon ou est-il dangereux par nature ?
● Au-delà de l’apparence manichéenne d’un tel débat, il se pourrait que cette crise de conscience soit inscrite dans notre ADN, comme le lointain héritage de nos origines composites qui nous doterait à la fois à l’individualisme querelleur du Chimpanzé et de la sociabilité volontiers hippie du Bonobo, avec lesquels nous partageons plus de 99% de nos gènes…
● Dans l’espace d’une vie, de son enfance à sa maturité, l’évolution d’un être humain porté par les acquis des générations précédentes retrace en accéléré le parcours de toute l’humanité (acquisition de la parole, de l’écriture, établissement des relations sociales, apprentissage des sciences et des techniques) ; ce qui n’exclut malheureusement pas de dramatiques régressions individuelles ou collectives, qui font la trame de tragédies humaines et de bien des accidents de l’histoire.
► Liberté ou égalité ? Laisser faire ou interventionnisme ?
● Cette même question peut se décliner à l’infini :
→ Une bonté non éclairée ne pourrait-elle s’avérer plus dangereuse qu’un
→ égoïsme intelligent ?
→ Faute de capacité interventionniste, un pacifisme béat ne finit-il pas par donner
→ libre court à une violence incontrôlable ?
→ Mais notre capacité de faire la guerre est-elle pour autant garante de la paix ?
→ Un équilibre durable peut-il naître d’un rapport de forces livré à lui-même ?
→ Tout équilibre “naturel” est-il juste et équitable par nature ?
→ Jusqu’à quel point l’inégalité entre les individus s’avère-t-elle acceptable
→ et acceptée socialement ?
● Sinon :
→ En vertu de quelles valeurs et selon quelles modalités établir des règles
→ communes et les faire respecter par tous ?
→ Jusqu’à quel point la liberté des individus ou des groupes peut-elle être limitée
→ dans leur propre intérêt ?
→ Jusqu’à quel point l’égalité entre les individus doit-elle et peut-elle être
→ imposée par une autorité supérieure ?
► Le témoignage biographique de Keynes s’avère très éclairant à ce sujet
En 1938, John Maynard KEYNES se remémore ses « premières convictions » (Cambridge autour de 1900, les origines de Bloomsbury). Il met alors en lumière un mode de pensée qu’il partagea avec les membres du groupe de Bloomsbury au tournant des années 1900, dont il considéra ultérieurement certains aspects comme relevant d’erreurs de jeunesse.
● Il déclare n’avoir jamais adhéré aux thèses libérales de Jeremy BENTHAM, qu’il qualifie de « ver qui a rongé de l’intérieur la civilisation moderne et porte la responsabilité de l’actuelle décadence morale » [p. 118 & 119], ni au marxisme, consistant selon lui dans un raisonnement par l’absurde, par son opposition excessivement systématique au benthanisme.
● En revanche, il estime avoir initialement cédé, ainsi que ses amis, à une vision trop individualiste :
« Nous refusions absolument que pèse sur nous la responsabilité d’obéir à des règles générales » [p. 120], considérant avoir été « les héritiers non repentis d’une autre hérésie du dix-huitième siècle : nous faisions partie des derniers utopistes – ou mélioristes, comme on dit parfois – qui croient en un progrès moral continu, en vertu duquel le genre humain est déjà constitué d’êtres raisonnables, décents, fiables (…) » [p. 121]
Keynes estime que cette conception est à l’origine de deux travers fondamentaux de la doctrine néoclassique, dont les néolibéraux sont les héritiers actuels :
→ selon eux, la rationalité des individus justifierait la mise en équation
→ des comportements de l’Homo Œconomicus
→ (analyse microéconomique, valeur “utilité marginale”),
→ Leur sens inné des responsabilités et leur altruisme naturel, permettrait
→ de les délivrer sans danger des règles contraignantes (justification des
→ politiques de déréglementation et de dérégulation).
A défaut, la rationalité de leur égoïsme lui confèrerait les *mêmes vertus*…
Notion de rationalisme humain, bien antérieure aux années 1900, puisque commune à l’éthique universaliste de Kant (18e siècle) et à celle de Bentham (19e siècle).
(…)
« Je considère aujourd’hui que cette attribution de la rationalité à la nature humaine, au lieu de l’enrichir, l’appauvrissait. » [p. 123]
● Comment expliquer une telle erreur de la part de Keynes et de ses amis, en ce début de 20e siècle ?
Il en donne une clé essentielle : leur non-conformisme. Lequel consistait notamment à rejeter les traditions et la dimension moraliste de leur propre culture : « Nous rejetions entièrement les morales coutumières, les conventions, les sagesses issues de la tradition. Nous étions, au sens strict du terme, des immoralistes. » [p. 120]
Et si ces amoureux impénitents de la liberté de conscience et de pensée n’adhérèrent pas à la philosophie libérale de Bentham, bien que Keynes dénonce « le calcul benthamien, fondé sur une surévaluation du critère économique » [p. 119], il est probable que ce soit surtout la motivation moraliste de Bentham qui les ait tenus à distance…
Non-conformisme auquel Keynes ne renoncera jamais, en tant que trait de caractère :
« Mais en ce qui me concerne, il est trop tard pour changer. Je reste, et je resterai toujours, un immoraliste. » [p. 120 & 121]
Bien que se défendant de tout hédonisme, ce que Keynes avance comme hypothèse d’explication de la posture intellectuelle partagée dans sa jeunesse avec ses amis de Bloomsbury ressemble plus à une esthétique du libre arbitre quelque peu élitiste. Car il ne semble pas qu’ils aient prêté à tout-un-chacun les capacités de discernement dont ils se réclamaient alors…
C’est certainement la confession de cette tentation élitiste à laquelle ils avaient cédé dans leur jeunesse (Cambridge n’ayant de ce point de vue rien à envier à Oxford), qu’il faut lire entre ces lignes :
« Nous nous trompions totalement sur la nature humaine, la nôtre y compris ; ce fut à la fois une cause et une conséquence de notre état d’esprit général. » [p. 122]
(…)
« Il faut toujours garder à l’esprit les sentence de Paley : “ Bien que nous parlions des communautés comme d’êtres sensibles et que nous leur attribuions joie et détresse, désirs, intérêts et passions, rien n’existe ni ne sent réellement que des individus ” ; mais nous avons poussé trop loin l’individualisme de nos individus. » [p. 124]
● En conclusion :
Entre les extrêmes de l’individualisme de la doctrine libérale de Bentham et du collectivisme marxiste (à ne pas confondre, comme le fait sans doute exagérément Keynes, avec l’analyse économique de Marx), il y a toute la place pour un juste milieu : celui de la régulation keynésienne des marchés, dans le cadre d’une économie mixte (privé / public).
De ce point de vue, ne pourrait-on pas voir en Keynes un réconciliateur de Rousseau et de Voltaire ? En ce qu’il apporte, à la fois grâce au recul que procurent les apports de l’histoire et à l’intuition qui le caractérisait, l’élément manquant à chacun pour mieux équilibrer l’articulation des principes démocratiques fondamentaux que sont la liberté et l’égalité ?
Lorsque la fraternité ne se manifeste pas spontanément, n’est-ce pas le rôle d’une autorité supérieure, l’État, de veiller à l’application de principes de solidarité permettant de maintenir la cohésion d’une société, que l’économie de marché seule ne saurait assurer ?
Keynes résout du même coup le paradoxe de Bentham, celui de l’ambiguïté sémantique qui oppose toujours libéralisme philosophique (la liberté d’opinion et de mode de vie) et libéralisme économique (la liberté d’entreprise et celle des marchés).
La priorité donnée à ce dernier finit par neutraliser le premier, en débouchant sur l’assujettissement des individus et le délitement des sociétés. Le ver dans le fruit du développement économique, qui menace chaque jour davantage notre civilisation…
… comme nous le rappelle avec un cynisme consommé un David Rockefeller :
« Quelque-chose doit remplacer les gouvernements
et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire. »
David Rockefeller (Newsweek, février 1999)
Voir également à ce sujet nos pages relatives à la mondialisation :
Repenser l’économie, de ses fondements philosophiques à ses modalités pratiques.
Une prétention absurde ? Ou au contraire un retour consenti à une humilité dont les économistes n’auraient pas dû s’affranchir ?
La mathématisation à outrance de l’activité financière a-t-elle œuvré pour une plus grande stabilité des marchés et une sécurisation des activités économiques ? Ou au contraire n’a-t-elle pas contribué à en saper les fondations ?
N’est-il pas temps, à l’instar des philosophes de l’antiquité alors intacts de tout académisme formel, de remettre sur le métier de la pensée pure, l’ouvrage des valeurs fondamentales sur lesquelles a été bâtie notre civilisation. Sans les déifier, ni les jeter au bûcher. Mais au contraire, en essayant de se libérer des erreurs du passé tout en conservant les valeurs intemporelles constitutives de notre humanité, comme l’envisageait Albert Jacquard.
►►►« On est en train de sélectionner ►►►►les gens les plus dangereux » | ►►►« Réflexions sur le travail » ►►►(Albert JACQUARD - 1999) | ||
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Voir également notre page :
« Et si enfin Homo Sapiens se donnait les moyens de mériter son nom… »
(lire la suite…)
► Repenser l’économie, de ses fondements philosophiques
… à ses modalités pratiques.
La pensée économique libérale emprunte beaucoup à celle de l’économiste écossais Adam Smith, dont l’ouvrage le plus connu, publié en 1776, marque le début de la pensée économique moderne :
« Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations »
La question était pertinente et son analyse très approfondie. Mais ses réponses à l’objectif de la création de richesse était culturellement biaisées et historiquement délimitées. Les politiques libérales conduites par la suite sur la base de cette analyse se sont avérées plus que problématiques, en contribuant davantage à une aggravation de l’exploitation humaine qu’à un développement socioéconomique équilibré, supposant une meilleure répartition de la richesse créée.
Mais peut-être sous le poids des conformismes sociaux et politiques de son temps, son approche, pourtant beaucoup plus préoccupée d’humanisme que ne le sera le néolibéralisme au XXe siècle, ne remonte-t-elle pas suffisamment à la source existentielle de concepts tels que celui de richesse, et plus encore de sa répartition socioéconomique.
● Certains considéreront comme une consternante banalité le fait d’évoquer une inversion de valeurs entre l’être et l’avoir, inépuisable sujet des cours de philosophie, également fondateur des principaux courants religieux.
Il en va de même de notre rapport à la vie, à la mort et du sens que nous leur attribuons.
Pourtant, si nous ne révisons pas radicalement nos pratiques et nos comportements, leurs conséquences présentes et à venir justifieront un jugement peu indulgent de la part des générations futures (hypothèse optimiste). Elles considéreront à juste titre notre Anthropocène, le pic actuel de l’extinction des espèces imputable à l’Homme, comme l’ère d’un obscurantisme productiviste et consumériste.
Voir notre page : « Homo Praedator… Homo Terminator ? »
● Quitte à devoir revenir sur les pas de la pensée économique, cette réflexion doit porter notamment sur plusieurs questions fondamentales.
→ Les notions de besoin et d’utilité, du vital au superflu.
Cette question est à la fois hautement philosophique, puisqu’elle nous renvoie à la relativité des perceptions individuelles (psychiques), des conventions sociales et des cultures, mais aussi terriblement triviale, du fait des disparités de richesse, tant au niveau planétaire que dans chaque société, qui conduisent jusqu’à l’élimination des plus vulnérables ou des plus pauvres. |
Cette élimination prend diverses formes : de l’éjection du monde du travail, s’accompagnant souvent d’une stigmatisation sociale (statut de “paria socioéconomique”), voire d’une ostracisation, allant jusqu’à la mort de millions de personnes dans le monde chaque année, résultant directement de la misère (maladies, esclavage - qui n’a hélas pas disparu - et faim) que la mondialisation économique n’a pas éradiquée, mais fait muter. La question de l’accès à l’eau potable en est un exemple, qu’elle soit raréfiée par voie de captation excessive et inéquitable, ou de pollution, ou encore du fait du tarissement des nappes phréatiques dû au changement climatique. |
Que nous en acceptions le constat ou non, le niveau de disparités socioéconomiques entre territoires comme entre catégories sociales en un même lieu, se situe au cœur des enjeux d’un développement humain soutenable (“développement durable”). Ce point nous conduit bien sûr à nous demander comment couvrir les besoins vitaux de tous et en tout lieu, compte-tenu des limites physiques et naturelles de notre planète. |
→ Les notions pauvreté, de richesse et de “création de richesse”.
Découlant directement de celle de besoin, elles ont également une composante philosophique, toujours du fait de la relativité des perceptions individuelles (psychiques), des conventions sociales et des spécificités culturelles. Mais aux plus bas échelons de l’échelle de l’avoir, la nuance entre pauvreté et misère fait basculer la nature relative de cette question à un absolu vital, conditionnant la survie même de l’être. |
Quant à la notion économique de “création de richesse”, elle recèle plusieurs ambigüités : le sens de la richesse (dépendant de l’importance attribuée par chacun aux biens ou aux valeurs considérés), celui de la notion de “création” ( ex nihilo ou par transformation), ses conséquences en termes de contrepartie (destruction impliquée dans un processus de transformation et de production) et bien sûr, la question de la disponibilité des biens, de la propriété des moyens de production et de la répartition de la “richesse” créée. |
→ Les principes de capacité et de soutenabilité économique.
Quelle est la capacité de la Terre de procurer à l’humanité ce dont elle a besoin pour vivre ? | |
Quelle est la capacité de l’humanité de répondre à ses propres besoins en produisant les biens et en assurant les services qui lui sont nécessaires, compte-tenu de la relativité, de la subjectivité et de la variabilité de ses besoins ? | |
Quelle est la capacité de l’être humain et des sociétés d’ajuster leurs besoins aux capacités de la planète Terre, voire de l’univers ? Ou de modifier par son ingéniosité le potentiel naturel, celui de l’Homme comme celui de son environnement, sans hypothéquer l’avenir par la dégradation irréversible de ce potentiel naturel ? |
→ La notion de travail, son sens, son rôle actuel et son avenir…
L’économie de marché a limité la portée du travail et sa validité à la seule loi de l’offre et la demande, régie de plus en plus exclusivement par sa rentabilité financière à court terme. Celle-ci, avec la régression du secteur public et la privatisation des services publics, devient le principal critère d’arbitrage (choix et valorisation) entre facteurs de production : travail humain ou robotisation. |
● De ce fait, la robotisation de la production et même celle des service est croissante. L’évolution technique associée aux objectifs de productivité et de compétitivité imposés par l’économie de marché, accélère ce processus.
Si comme en mathématiques, l’on raisonne « aux limites » (valeur de Y lorsque X tend vers zéro, ou au contraire vers + ou - l’infini, ou vers toute autre valeur significative d’un changement de tendance du phénomène étudié), il est possible de se demander de quoi dépendra le prix (Y) des produits ou des services une fois que le travail humain (X) serait devenu inutile.
Le prix minimal serait alors essentiellement déterminé en fonction du coût des matières premières, de la terre et des infrastructures nécessaires à la production. Dans ce cas, le pouvoir économique, et donc politique, serait concentré entre les mains des détenteurs de ces matières premières, de ces terres et de ces infrastructures.
D’où l’immense danger pour nos démocraties :
→ de la privatisation actuelle à outrance du patrimoine public, au sens large
→ (infrastructures, concessions et droits d’exploitation, etc.)
→ et du renoncement aux politiques publiques de redistribution, au nom de
→ la rigueur dictée par les détenteurs de la dette publique des États.
Voir notre page :
« La Dette Publique est-elle l’arme des marchés contre les États ? »
► Remédier à la dérive fascisante du néolibéralisme
… et à la dictature des marchés
● Faute d’un arbitrage démocratique et d’une gouvernance publique, le travail et l’activité économique en général sont amputés d’une part importante de leur potentiel d’utilité sociale et de leur capacité de répondre à l’intérêt général, en satisfaisant en priorité certains intérêts privés au détriment de la plupart des autres.
Une telle orientation poursuivant son cours sans entrave (libéralisme oblige), conduit à une restructuration des sociétés humaines sur un mode fascisant. En effet, elles seront de plus en plus dominées par l’élite produite par cette logique financière, constituée des vainqueurs du rapport de force économique brut, non faussé par les politiques sociales des États, ces derniers étant dépossédés de leur fonction de régulation socioéconomique. La hiérarchisation des autres catégories sociales se fait déjà sur le double critère du moindre coût social et de la performance contributive à la profitabilité du système économique : un système de castes fondé sur une religion révélée, décrétée universelle, celle du profit. |
Cette situation, au lieu de s’estomper dans les pays où elle prévalait, s’y accentue avec l’accroissement du fossé entre riches et pauvres malgré l’apparition d’une classe moyenne minoritaire, et se transmet dans les pays développés, qui voient leur classe moyenne majoritaire fragilisée par la contamination résultant du libre-échange dérégulé. |
Le travail, sa dimension socioéconomique qu’est l’emploi, et sa fonction de génération et de répartition de revenus dans la société, sont laminés par le double engrenage de la productivité imposée par l’exigence de compétitivité. Mais l’emballement ultra-libéral de ce processus ne peut conduire qu’à une double dérive mortifère : son inutilité et son inhumanité. |
Avec le recul du pouvoir d’achat du plus grand nombre, non compensé par une politique publique de redistribution rendue impossible, la consommation de masse régressera. Et mécaniquement, la production de masse ne trouvera plus de débouchés qu’à des prix de plus en plus bas, donc des coûts décroissants détruisant toujours plus l’emploi ou le précarisant (marché de l’emploi à deux niveaux, une aristocratie salariale sécurisée, et une plèbe déclassée de travailleurs surnuméraires exploitables à merci) |
● A défaut de parvenir à arrêter toute évolution technologique, ce qui n’est évidemment pas souhaitable, il est vital de les accompagner avec le plus grand discernement possible.
Cela devrait consister en particulier à :
→ s’efforcer d’en analyser les conséquences prévisibles,
Prendre en compte les impacts potentiels aussi bien sur les systèmes humains, physiologiques, psychiques, sociaux et culturels, que sur les écosystèmes (approche systémique justifiant l’application éclairée du principe de précaution), |
→ s’employer à canaliser ces évolutions pour prévenir leurs effets secondaires
→ indésirables,
→ et accompagner les sociétés afin qu’elles en fassent le meilleur usage
→ (éducation, enseignement, formation professionnelle).
L’impression d’une langue de bois, d’un discours politiquement correct de plus, peut ressortir d’une telle formulation. Pourtant, c’est pour ne pas avoir appliqué une logique aussi élémentaire que nous enchaînons aujourd’hui les catastrophes environnementales, sanitaires et sociales…
● Mais c’est à une révolution d’une ampleur sans précédent que nous allons certainement être confrontés. La plus grande remise en cause des conceptions qui règlent nos existences depuis des temps immémoriaux. Un changement de paradigme économique susceptible de métamorphoser nos vies, pour le meilleur ou pour le pire selon la manière dont nous le réaliserons : envisager d’une manière radicalement différente la fonction, et plus encore le sens, de ce que nous appelons « LE TRAVAIL ».
Son origine religieuse judéo-chrétienne en fit à tout jamais une malédiction indissociable du péché originel de l’être humain chassé du jardin d’Eden pour avoir cédé au pouvoir de Satan. Exilé avec sa compagne Eve du Paradis Terrestre qui comblait leurs besoins sans efforts, Adam fut condamné par Dieu à vivre sur Terre en gagnant son pain à la sueur de son front (le texte de la Genèse n’étant pas très précise en ce qui concerne le travail de la femme…)
L’origine étymologique du mot TRAVAIL en Français, qui proviendrait du mot latin TRIPALIUM, un instrument de torture à trois pieux, en dit long sur notre relation psychique à cette fonction considérée par nos sociétés comme une valeur existentielle fondamentale.
Or l’être humain se considèrera-t-il jusqu’à la fin des temps comme étant condamné à vivre pour travailler, voire à mourir (au moins socialement) faute d’être autorisé à vivre, faute de pouvoir travailler ?
“TRAVAIL” et “TEMPS” étant indissociables, une vision existentielle de l’économie ne pourrait-elle pas déboucher sur une considération plus épanouissante de la destinée humaine, durant l’espace d’une vie, comme à l’échelle d’une civilisation ?
Si le travail de l’étudiant consiste non à produire mais à apprendre et à comprendre, ne pourrait-ce pas être une fonction essentielle du TRAVAIL pendant toute notre vie, enfin libérée des contraintes matérielles de production, que d’évoluer en savoir et surtout en sagesse, plutôt que de devenir à notre tour des robots, des intrants ou des déchets de la fonction conjointe de production et de consommation ?
C’est en tout cas l’avis de scientifiques, par ailleurs philosophes humanistes, tels que Albert Einstein ou le Français récemment disparu, Albert Jacquard.
Tableau comparatif
Courants
Périodes
Personnalités
Valeur
Rôle de l’État
Politique économique
Mercantiliste
français
1450-1750
Jean-Baptiste COLBERT
Qualité
Fort et centralisateur
Régulation et progrès
Physiocrate
1750-1775
François QUESNAY
Nature/Travail Agricole
Faire respecter les « lois naturelles »
Libre entreprise & libre-échange
Classique
1776-1870
Adam SMITH
Travail
Libéral
Libre entreprise & libre-échange
Marxiste
1845 à nos jours
Karl MARX & Friedrich ENGELS
Travail
Dictature du prolétariat – Communisme
Économie planifiée
Néoclassique
1860 à nos jours
Alfred MARSHALL
Utilité
Libéral
Libre entreprise & libre-échange
● marginaliste
1860 à nos jours
Stanley JEVONS & Léon WALRAS
Utilité marginale
Libéral - individualisme - loi du marché
Libre entreprise & libre-échange
● École de Vienne
École autrichienne
1871 à nos jours
Carl MENGER & Friedrich HAYEK
Utilité subjective
Libéral - individualisme - loi du marché
Libre entreprise & libre-échange
● monétariste
École de Chicago
1970 à nos jours
Milton FRIEDMAN
Capital *
financier
Libéral - individualisme - loi du marché
Dérégulation - Libre entreprise & libre-échange
Social-libéral
Oxford
1886 - 1980
Leonard Trelawny HOBHOUSE
Éthique *
socioéco.
Interventionnisme gouvernemental
Régulation macroéconomique
Keynésien
Cambridge
années 30 60 & 70
John Maynard KEYNES
Emploi *
Interventionnisme gouvernemental
Régulation macroéconomique
● Post-keynésien
(le plus keynésien)
1930 à nos jours
HARROD & DOMAR
Emploi *
Interventionnisme gouvernemental
Régulation macroéconomique
● Néo-keynésien
& néoclassique
1937 à nos jours
HICKS & SAMUELSON
??? *
???
???
???
● Nouveau
keynésien
1980 à nos jours
Joseph STIGLITZ
Emploi *
Interventionnisme gouvernemental
Régulation macroéconomique
Nouveau Classique
1990 à nos jours
Robert Emerson LUCAS Jr.
Virtualité *
financière
Libéral - individualisme - loi du marché
Dérégulation - Libre entreprise & libre-échange
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