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Première partie :

L’évolution de la pensée économique pré-industrielle jusqu’au seuil du 19e siècle.


L’enfance de la pensée économique occidentale moderne, du XVe au XVIIIe siècle

  • Le Mercantilisme n’est pas un gros mot, mais bien un courant économique majeur qui s’imposa pendant 3 siècles. Du mot italien mercantile signifiant marchand, le courant mercantiliste met l’accent sur le commerce, et notamment sur le commerce international.

    Mais contrairement à la mondialisation commerciale contemporaine, ce courant incarné dans la France du XVIIe siècle par Colbert, ne sacrifia pas la production locale et la prospérité des territoires au profit issu du commerce et de la spéculation… Il mit le commerce au service de la production locale. Et il plaça l’État au centre du système économique, à la fois comme régulateur et principal bénéficiaire d’une prospérité qui renforça sa puissance.

    De ce point de vue, à notre époque, le pays le plus colbertiste du monde est sans aucun doute… la Chine !

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    ►►►►Jean-Baptiste Colbert►►►►Louis XIV
    ►►►►►►► (1619 - 1683)►►►► (1638 - 1715)

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    • Le courant mercantiliste naquit peu avant la (re)découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, et perdura jusqu’au seuil de la Révolution Française.

      Il privilégie le niveau local en facilitant le commerce à l’échelle d’un territoire :

      levée des obstacles intérieurs (suppression des péages intérieurs appliqués aux marchandises et amélioration les voies de communication),

      encouragement des exportations,

      renforcement de l’efficacité productive via le perfectionnement des savoir-faire,

      protectionnisme à l’égard des importations faisant concurrence à l’économie nationale.

      ● Ce courant va de pair avec une vision centralisée de l’État, dont le grand ministre de Louis XIV (1638-1715), Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), contrôleur général des finances de 1665 à 1683, secrétaire d’État de la Maison du Roi et secrétaire d’État de la Marine, fut en France un représentant majeur.

      Mais pour Colbert, le mercantilisme est une politique économique au service d’un intérêt supérieur :

      la puissance du royaume, déterminée par la richesse de son souverain,

      l’indépendance économique et financière de la France, pour laquelle il œuvra constamment,

      laquelle passe obligatoirement par une balance commerciale excédentaire et un niveau d’impôts suffisant.

      L’association de cette politique économique et de ces objectifs de souveraineté nationale garantie par un État fort, centralisé et interventionniste caractérise le colbertisme.

      De nos jours, certaines personnalités politiques françaises s’en réclament volontiers, l’État républicain ayant bien sûr remplacé le roi, et la démocratie s’étant substituée à la monarchie absolue.



      Intérêts et limites du mercantilisme Colbertiste, de notre point de vue :

      Sa cohérence territoriale est fondamentale.

      Cette pensée économique articule à juste titre l’équilibre commercial, celui du budget de l’État, de même qu’il fait de l’impôt un instrument crucial de la gouvernance dont le but est d’assurer l’intérêt général (notons que le changement radical de politique qui suivit la mort de Colbert contribua à la ruine de la France).

      Lui-même étant issu d’une famille de marchands, il ne sacrifie pas les intérêts de ces derniers au seul profit du roi et encore moins de l’aristocratie. Il cherche à réaliser l’équilibre des intérêts particuliers en un intérêt supérieur qui n’est pas compris alors comme une redistribution optimale des fruits de l’économie au sein de la population, mais comme le renforcement d’un État garantissant l’unité et la prospérité de la nation.

      Pour ce faire, Colbert ne confie pas l’économie aux seuls marchés : c’est l’État qui décide des conditions de la réalisation de cette résultante.

      ● Mais la politique commerciale mercantiliste repose sur un principe de non réciprocité : encourager les exportations de son propre territoire et frapper les importations d’un protectionnisme de principe, dans le seul but d’orienter la balance commerciale à son propre avantage.

      Il porte en lui le germe du rapport de forces caractéristique d’une politique économique concurrentielle agressive.

      Il faisait certainement sens dans le cadre de politiques expansionnistes, à une époque de conquêtes militaires qui conduisirent la France et d’autres nations européennes à bâtir leurs empires coloniaux en s’affrontant.

      Le colbertisme est a priori la plus exemplaire antithèse des principes et des mécanismes de la mondialisation économique contemporaine



      La fin de l’absolutisme politique programmée par la marche de l’histoire, se doublera d’une aspiration à un libéralisme économique aussi bien que politique.

      Son avènement prendra encore des décennies. Mais la pensée qui le précèdera fera le nid de cette double révolution.

      L’absolutisme du très long règne de Louis XIV (de 1643 à 1715) avait abouti à un État fort et à un pays unifié comme jamais il ne l’avait été, administrativement (organisé en régions), linguistiquement (le Français étant la langue nationale imposée sur tout le territoire) et religieusement (le catholicisme étant conforté comme religion d’État, au prix de la persécution des protestants).

      Mais au nom de ses intérêts économiques, Louis XIV avait institutionnalisé l’esclavage, encouragé sa généralisation et laissé commettre les pires exactions dans les possessions françaises d’outre-mer. Le coût de la construction du palais de Versailles avait été astronomique, non seulement financièrement, mais également en vies humaines sacrifiées à peu de compte (en cas d’accident mortel sur son chantier, l’indemnité versée à la famille était inférieure au prix d’un cheval). Les guerres perdues en fin de règne avaient achevé de ruiner la France. Et la population avait payé un terrible tribut à cette raison d’État, avec deux périodes de famine qui firent 2 millions de morts au tournant du XVIIIe siècle.

      Le colbertisme n’était pas en soi responsable de cette situation, puisque sa rationalité budgétaire avait été abandonnée après la mort de Colbert. Mais le centralisme d’État qui avait perduré, et la sombre religiosité des dernières années de ce règne avaient fait naître une forte aspiration à plus de libertés dans tous les domaines.

      Il n’est donc pas étonnant que dans les décennies suivantes se soit développé avec les physiocrates, un courant de pensée remettant en cause cette vision centraliste de la raison économique d’État, en accordant plus d’importance aux lois de la nature qu’à celles des Hommes, et en se fiant davantage à la liberté de commercer et d’entreprendre, pour répondre aux besoins des populations.

  • Les Physiocrates, ou l’exemple de la nature : ils sont, au Siècle des Lumières, à l’origine d’une vision naturaliste et systémique de l’économie, susceptible d’inspirer aujourd’hui les promoteurs d’une économie verte et les objecteurs d’une croissance indifférenciée ; mais à condition de résoudre certaines de leurs contradictions d’alors.

    Par réaction contre le colbertisme et le centralisme d’État au service de la monarchie absolue de Louis XIV, ils furent de farouches partisans de la libre-entreprise et du libre-échange. Mais ils n’avaient pas prévu les virus que propage de nos jours une mondialisation commerciale dérégulée et incontrôlée.

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    ►►►►►►François Quesnay►►►►►Louis XV
    ►►►►►►►►► (1694 - 1774)►►►► (1710 – 1774)

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    • À une époque où l’économie n’était pas encore affaire exclusive de spécialistes, mais un des champs d’exploration des sciences humaines, complémentaires et interdépendants, la pensée économique conservait sa dimension philosophique.

      Ses penseurs enrichissaient ou altéraient cette science naissante des apports de leurs professions respectives : philosophes, logiciens, écrivains, financiers, mathématiciens, médecins… La pensée économique occidentale en était à son âge d’observation et d’exploration.

      Un modèle physiologique et une vision systémique naturaliste :

      L’influence du médecin français François Quesnay (1694-1774) fut très importante au sein de ce groupe de penseurs français du milieu du XVIIIe siècle.

      L’exemple du corps humain dont les médecins de l’époque tentaient de comprendre le fonctionnement, rapporté à l’économie, ne pouvait qu’enrichir la réflexion des Physiocrates sur la notion de système (voir également à ce sujet notre page Changer de regard… Adopter une vision systémique) :

      Une combinaison de systèmes : nerveux, musculaire, cardio-vasculaire, endocrinien, digestif, respiratoire, etc.

      Chacun de ces systèmes, en interaction avec chaque autre, est un sous-système du corps humain.

      Chaque système est constitué d’organes, remplissant des fonctions métaboliques et obéissant à des règles physico-chimiques précises.

      Tout système naît, évolue, s’adapte dans une certaine mesure aux modifications de son environnement, puis vieillit et finalement meurt. La dégradation ou la mort d’un organe vital non remplaçable entraîne évidemment l’arrêt du fonctionnement du système auquel il appartient et plus globalement celle du corps dont il conditionne la vie.

      Le fonctionnement des organes constitutifs des différents systèmes, génère des flux (électro-chimiques, énergétiques, sanguins et lymphatiques, hormonaux, digestifs, respiratoires, etc.)

      La nature dans son ensemble est parcourue de flux et évolue par cycles, rythmant une activité économique telle que l’agriculture. Même à l’échelle de l’univers : les cycles éruptifs du soleil agissent sur le climat de la Terre et sur tout ce qui en dépend, y compris l’agriculture, l’économie, la géopolitique, la vie…

      Un individu (végétal, animal, humain) appartient à une espèce dont la génétique détermine les caractéristiques communes, voire à une société dont la culture et les relations influencent les comportements ; réciproquement, l’individu participe à l’évolution de son groupe et de son espèce, mais parfois aussi à leur disparition…

      François Quesnay discerna des caractéristiques comparables au niveau de l’économie :
      Ses différents types d’agents (les producteurs, les consommateurs, l’État et les institutions) étant autant d’organes complémentaires conditionnant la vie du corps social,

      lequel nécessite que soient remplies au mieux diverses fonctions (alimentation, santé, transports, éducation, culture, sécurité et défense, etc.)

      La circulation des flux économiques utiles au territoire national doit être facilitée, mais contrairement au centralisme d’État colbertiste, c’est une politique de « laisser-faire / laisser passer » qui en garantit la meilleure efficacité : liberté d’entreprise des agents économiques et libre-échange intégral.


      Les prémisses des notions de VALEUR AJOUTÉE NETTE.
      … Mais qu’en est-il réellement de l’intérêt économique général ?
      Les Physiocrates considèrent la Nature comme seule véritable source de valeur ajoutée en ce qu’elle produit par son propre travail davantage que l’on investit. D’une graine semée naît un arbre donnant des fruits et beaucoup d’autres graines. Encore faut-il respecter ses lois, bénéficier d’un terreau fertile, d’une irrigation adaptée et tenir compte du risque inhérent aux aléas climatiques…

      Nous n’en sommes donc pas encore à forcer la nature, au risque de sa dénaturation et de son épuisement.

      Mais ils considèrent que les autres activités économiques (l’artisanat, l’industrie, le commerce qu’avaient activement soutenu les mercantilistes) sont stériles car elles ne font que transformer les fruits de la nature (matières premières agricoles ou minières). Ils ne considèrent pas le travail humain comme créateur de richesse. De ce point de vue, la Valeur Ajoutée d’origine humaine n’est donc pas assimilable à une richesse…

      L’économie doit profiter à tous. Par opposition à la politique des mercantilistes, l’État doit se limiter à percevoir un impôt sur le revenu net. Cette vision constitue la facette économique du libéralisme philosophique des droits de l’Homme du Siècle des Lumières.



      Le courant physiocrate est tout à fait ambivalent :

      il incarne l’enfance naturaliste de la science économique.

      tout en rejoignant par certains aspects les avancées les plus récentes de notre époque.

      ● En schématisant l’économie sous la forme de flux de dépenses et de revenus tout en s’inspirant des lois de la nature, il s’apparente à la fois :

      aux approches contemporaines d’Analyse du Cycle de Vie et à celles du biomimétisme

      ● Mais c’est certainement faute d’avoir pu bénéficier des découvertes de Darwin qui n’interviendront qu’au XIXe siècle, que les Physiocrates commettent une erreur de jeunesse rédhibitoire :

      si leur intuition naturaliste débouche avec bonheur sur une vision systémique de l’économie, annonciatrice de la macro-économie qui sera au centre des politiques keynésiennes de régulation économique des États au XXe siècle,

      à l’inverse, leur application systématique du naturalisme à l’économie, science humaine avant tout, c’est au nom de la liberté et du laisser-faire qu’ils ouvrent la voie aux dérives contre nature d’un totalitarisme économique nuisible aux libertés fondamentales des personnes, et aux valeurs de solidarité des sociétés : cette doctrine politique prétendument évolutionniste, bien qu’en totale contradiction avec les convictions humanistes de Charles DARWIN, prendra au XIXe siècle le nom de darwinisme social

  • Les prémisses de la dérive des marchés et de la spéculation financière :

    Hollande, février 1637 : la « Crise des Tulipes »

    France, mars 1720 : la banqueroute du système de John LAW (1715 - 1720).

    La première pourrait être une véritable allégorie du mode de fonctionnement aberrant des marchés financiers contemporains.

    La seconde est annonciatrice des risques que font courir à l’économie sa financiarisation à outrance, sa virtualisation par des apprentis-sorciers l’instrumentalisant à leur profit, et les guerres spéculatives que se livrent sans état d’âme les grands fauves de la finance, au détriment des États et de leurs populations…

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    ►►►►►►►Tulipomanie►►►John LAW
    ►►►(crise de 1736 - 1737)►► (1671 - 1729)

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    • Le système de LAW : dette publique, banque d’État et martingale de casino.

      … Crédit, finance virtuelle et spéculation :

      De John LAW à Wall Street ou à la City, la problématique n’est-elle pas comparable ?

      N’est-ce pas au nom de leurs intérêts à court terme, et aux dépends de notre civilisation, que les financiers de notre temps s’affranchissent de cet indispensable devoir de mémoire ?


      ● En 1715, à la mort de Louis XIV, son neveu Philippe d’Orléans devient Régent du royaume de France. Devant alors faire face à une dette publique catastrophique (équivalant à 10 années de rentrées fiscales), il accepte la proposition que lui fait le banquier aventurier écossais John LAW, qui était convaincu qu’une application ingénieuse des mathématiques pouvait être aussi utile pour gérer les finances de l’État, que pour prévoir les coups à venir à une table de jeu, grâce à la théorie des probabilités.

      Ce qui répond à la définition initiale du mot spéculation, recouvrant les notions de visibilité, d’observation et de prévisibilité.

      LAW avait un double objectif :

      renflouer les caisses du Trésor du royaume ruiné,

      et s’enrichir lui-même.

      Le Régent le nomme ministre des Finances du royaume de France.

      ● En 1716, le Régent donne à LAW l’autorisation de créer la Banque générale et d’émettre du papier-monnaie contre de l’or.

      Le billet de banque était né… Comme les lettres de change introduites par les banquiers du Moyen-Âge, un grand nombre de commerçants trouvèrent ce système de dématérialisation du moyen de paiement très pratique, car beaucoup moins risqué que de conserver ou transporter de l’or. Et il s’avérait plus flexible que la lettre de change, dans la mesure où il n’était pas nominatif. De plus, la banque ne prélevait pas de commission sur cette opération. Elle devait réaliser des profit grâce aux commissions sur les opérations de change et d’escompte.

      ● Dans un premier temps, le processus sembla remplir ses objectifs au-delà de toutes espérances. L’accroissement considérable des dépôts conduisit la banque à émettre de plus en plus de papier monnaie. Et ses actionnaires, parmi lesquels le Régent lui-même, contribuèrent à sa renommée et à sa prospérité.

      ● Mais à peine 4 ans après l’introduction du billet de banque dans le système monétaire français, survint la première crise qui provoqua la banqueroute de ce système monétaire virtuel !

      Que s’était-il passé ?

      Dans la phase initiale du système, la banque n’émettait pas plus de valeur monétaire (somme des valeurs nominales des billets émis) qu’elle n’avait d’or en dépôt.

      Mais la demande rapidement croissante de billets finit par leur conférer une valeur supérieure à leur équivalent or. Faute d’un système de régulation stricte ou d’une autodiscipline prudentielle, la valeur dématérialisée émise par la banque sous forme de billets excédait de plus en plus celle de son stock d’or. La demande excessive généra une inflation, masquée par l’augmentation de la valeur nominal des billets.

      Ainsi, l’équilibre de ce système de création grandissante du potentiel économique constitué par la masse monétaire, supposé être couvert par des valeurs matérielles tangibles (l’or), mais l’étant de moins en moins, ne reposait plus que sur la confiance.

      Conjointement, LAW désireux d’investir dans le commerce outre-mer, crée en 1717 la Compagnie d’Occident, communique largement sur cette démarche afin de consolider la confiance dans l’adossement de son système financier sur une activité économique commerciale portant sur des biens matériels.

      Mais LAW n’avait pas réellement l’intention de s’investir dans cette activité commerciale outre Atlantique. Au contraire, il entreprit de financiariser son activité à outrance : il engagea une vaste opération d’absorption d’autres compagnies d’outre-mer (africaine et orientales) pas sa Compagnie d’Occident.

      En 1718, la Banque Générale devint la Banque Royale. Elle bénéficia de la garantie du roi.

      Le processus que l’on qualifierait aujourd’hui de fusions-acquisitions, mis en œuvre par LAW, permit d’accroître rapidement les profits du nouveau groupe grâce à sa position de quasi monopole sur le très prospère port de Lorient.

      Dans le même temps, du fait de l’influence du financier privé sur le gouvernant autocrate, un processus de privatisation du système de finances publiques fut enclanché. Les prérogatives publiques de l’État et les intérêts privés de la Compagnie de Law se confondirent de plus en plus, à l’avantage de cette dernière : en 1719, la Compagnie fut autorisée à battre monnaie et à percevoir l’impôt direct.

      De plus, pour renflouer le Trésor du royaume, la Compagnie de Law fut mandatée par le Régent pour renégocier en son nom l’énorme stock de rentes dont l’État était redevable. Elle réussit à obtenir les taux les plus bas et proposa au Royaume de lui prêter les 1.200 millions de livres qui lui étaient nécessaires pour réaliser ce gigantesque rachat, contre le paiement par l’État à la Compagnie d’un taux d’intérêt annuel de 3 % du montant prêté.

      Or ces transactions se firent exclusivement sous la forme de billets de banques. Lesquels étaient supposés être convertibles en or, pour un montant équivalent à leur valeur nominale. Ce qui ne pouvait plus être le cas si une trop grande partie des détenteurs de billets en faisait la demande en même temps.

      De plus, l’engouement de petits et gros investisseurs souhaitant être associés à la Compagnie de Law ne cessant de croître, le cours de ses actions explosa. Dans le seul mois de janvier 1720, il fut multiplié par 40. Et elle émit durant ces quelques semaines 3 fois plus de valeur monétaire qu’elle ne détenait de capital…

      Ce système monétaire ne reposant donc plus guère que sur la confiance, il lui suffisait de faire l’objet de doutes ou de rumeurs pour s’effondrer…

      Et c’est ce qui se produisit :

      Pour accélérer sa chute, les ennemis du Régent poussèrent à la spéculation afin de faire exploser le cours des actions jusqu’à l’invraisemblable.

      C’est alors la crainte des plus gros actionnaires qui les poussa à vouloir récupérer leur or, en échange des billets qu’ils détenaient, et à leur valeur nominale…

      L’incapacité évidente de la banque de procéder à une telle opération, dont le volume enflait au fur et à mesure que la défiance se propageait, aboutit en quelques jours à l’effondrement du système : sa banqueroute.

      D’une spéculation de potentialisation à une spéculation de prédation.

      Cette première crise française grave mettait déjà en évidence 3 facteurs de risques que l’on ne cesse de retrouver depuis lors, au cœur des crises financières majeures qui ont ébranlé toute l’économie du fait de leur effet systémique.

      Ils relèvent tous fondamentalement de la psychologie comportementale :

      cupidité et spéculation prédatrice,

      conflits de pouvoir et spéculation malveillante,

      … et par voie de conséquence, du fait du défaut de régulation (mais peut-on contrôler tous les rouages de la psychologie humaine ?) :

      crise de confiance provoquant l’effondrement du système,

      … précisément du fait de sa nature virtuelle.

      Le talon d’Achille commun à ces deux crises étant la fragilité de leur fondement : la confiance. Celle placée dans les promesses d’avenir, comme celle prêtée à la réalité supposée d’un présent en fait manipulé, crypté et opacifié par sa complexification délibérée, mais en aucun cas justifiée.


      Nous pourrions parler d’un syndrome psychiatrique de déréalisation affectant certains acteurs économiques - en l’occurrence, les opérateurs financiers - faisant peser sur l’économie réelle des risques insensés. Ces comportements sont certes induits par leur cupidité. Mais leur irresponsabilité est, quant à elle, encouragée et facilitée par deux facteurs fondamentaux :

      d’une part, la virtualisation de la valeur par l’économie financière
      (phénomène amplifié par une mathématisation abusive du système financier
      à des fins purement spéculatives) ;

      d’autre part, l’insuffisante pénalisation de ces comportements à risques.

      Car s’il arrive - bien rarement - que leurs auteurs fassent l’objet de poursuites pour les pertes subies par les établissements financiers qui les emploient, ils ne sont généralement pas condamnés pour les dégâts que leurs pratiques (y compris celles génératrices de bénéfices financiers) occasionnent à l’économie réelle, et encore moins pour leurs conséquences sur les populations. D’autant moins que ce sont les objectifs-mêmes de ces établissements financiers (la maximisation accélérée de leurs profits) qui suscitent de tels comportements : faire feu de tout bois, au risque de provoquer régulièrement l’embrasement de la forêt.


L’évolution de la pensée du XVIIIe siècle au XIXe siècle, jusqu’au seuil de l’ère industrielle.

  • La pensée philosophique des Lumières doit être située dans le contexte général des sociétés européennes du XVIIIe siècle.

    En France, le vent de liberté et d’inventivité que fit souffler la pensée philosophique et scientifique en ce siècle charnière, trouvait son origine dans les révolutions européennes du XVIIe siècle, et dans une opposition grandissante au pouvoir de l’État (monarchie absolue) et de l’Église vécu désormais comme abusif, les deux autorités se confortant mutuellement.

    ►►►►►Montesquieu►►►►►►Voltaire►►►►Rousseau
    ►►►►►(1689 - 1755)►►►►►(1694 - 1778)►►►(1712 - 1778)

    « Les Lumières c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. (…)
    Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement !
    Telle est la devise des Lumières. »

    Emmanuel Kant (1724 - 1804)

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    • De la Glorieuse Révolution anglaise (1689) à l’indépendance des États-Unis d’Amérique (1776).

      ● En 1689 en Angleterre, le roi catholique Jacques II (James II), cousin germain du souverain français Louis XIV, fut contraint d’abdiquer par son gendre le prince d’Orange, néerlandais et protestant. Ce dernier régna sur l’Angleterre et l’Irlande sous le nom de Guillaume III (William III), aux côtés de son épouse Marie II.

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      Jacques II d’Angleterre►►►Guillaume III

      Cette Glorieuse Révolution substitua au gouvernement autocratique des Stuarts, une monarchie constitutionnelle et parlementaire.

      ● Dans le même temps, en France, alors que Louis XIV s’était installé à Versailles avec sa cour en 1682, ce roi-soleil renforça encore la centralisation et l’autorité de son gouvernement après la mort de son ministre Colbert en 1683, jusqu’à sa propre mort en 1715. Il laissa derrière lui un royaume unifié, mais un État ruiné et une population exsangue.

      Les règnes suivants, celui de Louis XV (1715–1774), du Régent et de Louis XVI (1774-1791), s’avérèrent incapables de faire évoluer le système politique et l’organisation sociale du royaume.

      ● La déclaration d’indépendance fondatrice des États-Unis d’Amérique (4 juillet 1776) marquait doublement l’avènement d’un monde nouveau. Mais c’est sur un système socio-politique figé, en décalage grandissant avec les évolutions culturelles, économiques et sociales ambiantes, que la monarchie française entra en cette fin de XVIIIe siècle dans sa phase crépusculaire. Jusqu’à l’explosion de la Révolution Française (14 juillet 1789) dont naquit, à l’issue de la longue nuit de convulsions et de violence que nous savons, l’aube d’un monde démocratique nouveau. Démocratie qui devait tout de même pendant encore près d’un siècle, subir quelques contre-révolutions et connaître plusieurs éclipses…

      Les sciences et la philosophie des Lumières comportent bien des facettes, et nombreux sont les apports d’esprits originaux et brillants en France et en Europe, qui mériteraient d’être pris en considération.

      Mais 3 d’entre eux incarnent plus particulièrement la France en marche vers sa modernité.



      Montesquieu

      Charles-Louis de Secondat de Montesquieu est issu d’une famille de magistrats de vielle noblesse . Cette même noblesse de robe qui, au sein des Parlements, jouera dans les années 1780 un rôle décisif dans la rupture entre le pouvoir royal absolutiste et toute la société française.

      Montesquieu assurera un temps la charge de conseiller, puis de président du Parlement de Bordeaux (charge vénale, c’est à dire pouvant s”acheter et se revendre, et héréditaire).

      Mais cette fonction n’est pas sa vocation, car il se passionne pour ce qui fait la philosophie des Lumières : la philosophie proprement dite, la littérature, les sciences, l’économie, les sociétés et la politique.

      ● Comme la plupart des philosophes des Lumières, il déplore l’immobilisme de la France, figée dans un système archaïque socio-politique. Il estime notamment que la structuration en trois ordres (Noblesse, Clergé et Tiers-État) telle qu’elle est représentée au sein des États généraux, est dépassée.

      ● Montesquieu est resté dans l’histoire comme un très grand juriste, certains le considérant comme le père du droit comparé, et bien sûr comme un immense constitutionnaliste qui, 44 ans après sa mort, inspira les auteurs de la Constitution de 1791, puis longtemps encore ceux des constitutions suivantes. Car il est à l’origine du principe de distinction et de séparation des pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Ce principe est le socle de toute république. Son ouvrage clé est “De l’esprit des lois” (1748).

      Montesquieu distingue trois formes de gouvernement, en fonction de ce qu’il dénomme le « principe » du gouvernement. Il s’agit des valeurs partagées par une population placée sous chacun de ces modes de gouvernance :

      Le despotisme, où « un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices ». Régime fondé sur la crainte, dans lequel un dictateur asservit la population, par des règles auxquelles lui-même ne se soumet pas.

      La monarchie, « où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies ».

      La république, _« où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance ». Régime que Montesquieu subdivise en :

      démocratie. Le peuple est à la fois souverain et sujet. Les citoyens sont tous égaux. Mais pour Montesquieu, les représentants du peuple ne sont pas élus par lui. Ils sont tirés au sort.
      Ce régime repose sur la vertu des citoyens. Montesquieu l’imagine comme applicable seulement à de petites communautés.
      aristocratie. Les élections favorisent une catégorie de personnes.
      Ce régime repose sur la modération, afin de prévenir toute dérive, soit dans le sens de la monarchie, soit vers le despotisme.

      Mais la transparence est indispensable à la viabilité de la République.

      ● Montesquieu est opposé au despotisme« un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices » (De l’Esprit des lois, II, 1).

      Pourtant :

      Il ne voit pas dans la république le meilleur des systèmes pour un grand pays. Il estime en effet qu’elle repose sur des équilibres trop fragiles et des principes moraux trop exigeants à l’égard des citoyens, pour que sa stabilité soit possible sans leur imposer un grand nombre de lois et de contraintes ; son handicap étant le partage des responsabilités avec le plus grand nombre :
      « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser (…) Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » (“De l’esprit des lois”, Livre XI chapitre IV).

      Alors que, dans un système monarchique non despotique disposant de lois claires et fiables, engageant la responsabilité morale du monarque, lui-même soumis à ces lois, est plus stable car plus simple, et permet plus de libertés à tous, puisqu’il est possible de faire tout ce qui n’est pas interdit par la loi.

      Comme Voltaire et bien d’autres philosophes du XVIIIe siècle, Montesquieu a résidé en Grande Bretagne et a été séduit par la monarchie constitutionnelle britannique, qui conciliait le respect des traditions assurant la stabilité sociale et politique, et les libertés que tous appelaient de leurs vœux.

      Mais évidemment, bien que constitutionnelle, la monarchie britannique de l’époque n’était pas la démocratie qu’elle est devenue depuis, et dont Winston Churchill dira : “Democracy is the worst form of Government except all those other forms that have been tried from time to time.” - « la démocratie est la pire forme de gouvernement, à l’exception de toutes les autres qui ont été expérimentées au cours de l’Histoire -. (discours prononcé par Winston Churchill le 11 novembre 1947, à la Chambre des communes, à Londres - The Official Report, House of Commons (5th Series), 11 November 1947, vol. 444, cc).

      Observateur de l’homme social, cet esprit encyclopédique curieux et particulièrement brillant fut en fait un grand sociologue.

      Il s’intéressa aux raisons du déclin de l’empire romain, auquel il consacra son ouvrage “Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence”. Son approche historique influença par la suite le travail des historiens. Inlassable voyageur, il fut comme beaucoup d’autres philosophes des Lumières impressionné par le système politique britannique.

      Mais en étudiant de plus près d’autres pays d’Europe (par exemple l’Italie ou la Pologne), il retira de ses analyses une vision synthétique qui n’était pas l’expression d’une idéologie a priori, mais bien le résultat de ses observations. Cette vision étaya aussi bien ses avis dans le domaine économique, que ses conceptions en matière de droit et de politique.

      Ce n’est certainement pas un hasard si l’un de ses premiers ouvrages, “Les lettres persanes”, consiste dans une analyse critique de la société française. Mais en choisissant de faire observer notre société par deux Persans, Montesquieu combine l’originalité, l’humour et la prudence politique, comme avait si bien su le faire Molière en son temps…

      ● Ce que l’on sait moins, c’est que Montesquieu fut également un très grand économiste, d’ailleurs reconnu comme tel par John Maynard Keynes (voir la page 4 de ce chapitre), qui dira de lui qu’il fut : « le plus grand économiste français, celui qu’il est juste de comparer à Adam Smith et qui dépasse les physiocrates de cent coudées par la perspicacité, par la clarté des idées et par le bon sens (qualités que tout économiste devrait posséder). » ajoutant en note complémentaire « Nous pensons particulièrement à l’Esprit des Lois, Livre XXII, Chapitre XIX » (Préface à l’édition française de « la Théorie générale », Paris 1977, Petite Bibliothèque Payot. 7).

      Le lien de filiation avec Keynes porte essentiellement sur la vision d’une dimension globale de l’économie, comme une science en interaction avec toutes les autres, et relevant non pas d’un « laisser faire et d’un laisser passer », contrairement à l’avis des physiocrates, mais nécessitant une régulation de la part du politique, afin de compenser les tendances naturelles de tout système humain à trop s’écarter de ses conditions d’équilibre.

      Ainsi, il fait preuve de réalisme en admettant que l’égalité économique entre les individus n’est jamais durable.

      Montesquieu distingue :

      une “pauvretévertueuse commune à tous dans une société égalitaire, correspondant plutôt à la simplicité d’un mode de vie se limitant à satisfaire les besoins essentiels à la dignité humaine, mais renonçant volontairement à la recherche du superflu.
      d’une “pauvretésubie ne permettant pas de satisfaire ces besoins essentiels. Cette misère est inhumaine et injuste. Le politique doit s’efforcer d’y remédier. Le seul moyen n’est pas l’aumône, mais l’emploi, seul capable de réduire les disparités. Lequel dépend de la manière de consommer de ceux qui en ont les moyens. La filiation de Montesquieu à Keynes est ici évidente…

      Ce qui importe, c’est donc la capacité des gouvernements à orienter les plus riches vers une consommation intérieure créatrice d’emploi, permettant aux plus défavorisés de sortir de la pauvreté. En outre, il insiste sur la nécessaire contribution fiscale des plus riches, afin de développer un système de protection sociale et de sécurisation de l’emploi.

      Montesquieu partage avec Keynes une autre caractéristique : l’originalité de ses analyses et son réalisme aboutissent parfois à des conclusions inattendues. Le refus de dogmatisme de Keynes l’a parfois conduit à changer de position sur des points essentiels tels que le libre-échange ou au contraire le protectionnisme.

      Ainsi, pour l’essentiel, nous pouvons qualifier Montesquieu de moderne, tant ses analyses comme ses préoccupations restent actuelles. Elles devraient davantage inspirer les économistes contemporains. Sa position sur la notion d’intérêt supérieur, notamment, fait étrangement écho aux paradoxes de la mondialisation contemporaine :

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      Si nous concentrons maintenant notre regard sur le traditionnel binôme de ce siècle, Voltaire et Rousseau, ce n’est pas pour céder à la facilité d’un lieu commun réducteur, mais parce que ces frères ennemis choisis nous paraissent effectivement être les annonciateurs des deux courants économiques et politiques qui marqueront le plus fortement les deux siècles suivants : le libéralisme et le socialisme.



      Voltaire (1694-1778) : l’Homme naît animal, et c’est la société qui l’éduque et le responsabilise.

      François-Marie Arouet, dit Voltaire, naquit dans une famille catholique bourgeoise.

      ● C’est à l’âge de 30 ans que la vie de Voltaire connut un tournant qui décida de sa vocation philosophique. L’homme de lettre libertin s’en était jusqu’alors tenu à la poésie, la tragédie et l’écriture de pamphlets. Mais il dut s’exiler en Angleterre où il séjourna de 1726 à 1733, après avoir été enfermé à la Bastille sur décision du roi, à la demande d’aristocrates visés par la trop brillante impertinence de ce roturier qui devenait décidément gênant.

      Son long séjour outre-Manche, dans ce royaume moderne où le droit avait remplacé l’arbitraire monarchique, et où les arts, les sciences et la philosophie étaient libres et honorés, contrairement à la France où ils exposaient encore les esprits brillants à la vindicte du roi ou de l’Église, lui fit prendre conscience de l’archaïsme sclérosant du pouvoir français et de la structure sociale du pays.

      ● À son retour en France en 1734, il publia clandestinement ses Lettres philosophiques qui deviendront le « manifeste des Lumières » diffusé dans toute l’Europe, éloge approfondi et argumenté de la modernité anglaise, sa liberté et sa tolérance. La monarchie, l’aristocratie et l’Église françaises s’estimèrent attaquées. La vie de Voltaire devint alors une interminable partie d’escrime et de cache-cache avec le pouvoir français, alternant charges et esquives jusqu’à sa mort.

      ● Ses conceptions philosophiques et ses convictions conjuguent avec la même force l’idéal des Lumières dont il fut le porte-flambeau, et le tempérament réaliste qui le caractérisait :

      Un humanisme visant à délivrer l’Homme de tous les abus dont il est victime : pouvoirs abusifs, superstitions, etc.

      Un déisme libéré de tout obscurantisme religieux :

      « L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer
      Que cette horloge existe et n’ait point d’horloger. »

      Justice : il se lança dans la défense acharnée de victimes de l’injustice du pouvoir ou de persécutions religieuses, voire de la vindicte populaire (Calas, Sirven, le chevalier de La Barre, affaire Lally-Tollendal).

      Liberté de pensée et d’expression :

      « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »

      Libéralisme :

      L’existence des libertés individuelles relève d’une loi naturelle.
      L’Homme doit prendre lui-même sa destinée en main.
      Il doit pouvoir accéder au savoir susceptible d’améliorer sa condition.
      La société doit se doter de règles assurant l’intérêt général, dans lequel chacun doit trouver son compte.
      Au-delà de la prise en compte des spécificités culturelles de chaque pays, la justice garantissant le respect de ces règles relève de principes universels.
      La notion d’intérêt général est accessible à tout être doué de raison, comprenant qu’il coïncide avec ses propres intérêts.

      ● Mais par ailleurs, Voltaire consacra une partie de son temps à se constituer un capital destiné à le mettre à l’abri du besoin.

      Il pratiqua une spéculation financière intense et se bâtit une fortune propre à satisfaire son goût du luxe et lui permettre de tenir salon littéraire, même loin de Paris, dans sa retraite de Ferney.

      Il lui fut même reproché de se montrer moins regardant dans l’objet de ses placements spéculatifs, qu’il était sourcilleux dans ses engagements philosophiques (notamment une sombre histoire de marchés truqués sur des fournitures militaires)…



      Rousseau (1712-1778) : l’Homme est bon par nature. C’est la société qui le corrompt.

      C’est par ce raccourci qu’est souvent résumée la pensée de Rousseau.

      ● Plus précisément, Rousseau considère que l’Homme n’est ni bon, ni mauvais par nature. Il connaît un état de bonheur et vit en harmonie avec ses semblables lorsque la Nature est généreuse envers lui (mythe du bon sauvage et du paradis terrestre). L’égalité entre les Hommes est la condition indispensable à leur liberté et à leur bonheur.

      ● Dans son Discours sur l’origine de l’inégalité entre les Hommes publié en 1755, Rousseau estime que c’est lorsque la Nature devient inhospitalière, qu’elle oblige les Hommes à s’organiser et faire société pour lutter plus efficacement contre l’adversité (rareté alimentaire, climat, etc.)

      ● Mais la structuration des communautés humaines en société développe en l’Homme des pensées égoïstes et des comportements de domination détruisant l’égalité et, par là même, l’harmonie entre les Hommes.

      ● Pour Rousseau, la propriété privée résulte d’un instinct égoïste d’appropriation du bien commun. Elle débouche sur l’exacerbation des rivalités et sur l’état de guerre.

      ● Toutefois, la Nature a doté l’Homme d’une capacité d’évolution dont ne jouissent pas les animaux. Et si la société est le problème, elle peut également être la solution : « C’est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l’égalité que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir. »

      ● Rousseau affirme dans le Contrat Social que « le plus grand bien de tous, qui doit être la fin de tout système de législation […] se réduit à ces deux objets principaux, la liberté et l’égalité. » Mais une démocratie représentative (délégation de pouvoir des citoyens à des élus) ne suffit pas à la défense de cet intérêt général. Une démocratie directe lui est préférable.

      ● Dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes Jean-Jacques Rousseau apparaît clairement comme un précurseur de certaines des idées que Karl Marx et ses amis développeront au siècle suivant :

      « Dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre ; dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les moissons. »

      ● Par ailleurs, dans son traité Émile ou de l’éducation (1762), Rousseau considère

      les voyages et la rencontre des autres peuples comme une source précieuse d’ouverture à l’autre et d’éducation personnelle,

      et la famille comme la possibilité d’une communauté idéale susceptible de vivre en autosuffisance, en particulier à la campagne, à l’abri des perversions de la société.

      Il est permis d’y voir une version prémonitoire des socialistes utopistes du XIXe siècle, de mouvements hippies du XXe siècle et même du « penser global et agir local » contemporain.

      ● Mais il affiche dans le même ouvrage une vision sexiste à contre-sens de l’histoire. Il juge inutile l’éducation des femmes… Et plus encore que ses écrits, le fait d’avoir fait placer ses cinq enfants aux Enfants-Trouvés, l’assistance publique de l’époque, contribua à décrédibiliser l’auteur de ce célèbre traité d’éducation…



      Les arguments du divorce qui mit fin à l’amitié de ces deux défenseurs des libertés.

      ● Leur rapport réciproque à l’argent : décomplexé pour Voltaire, au contraire de Rousseau.

      ● Et surtout leur vision de la propriété : cause de tous les maux pour Rousseau, légitime et nécessaire à la protection de l’Homme et de la société pour Voltaire.

      Voltaire

      Questions sur l’Encyclopédie

      page 1318
      (1770)

      Rousseau :

      « Qu’on admire tant qu’on voudra la société humaine, il n’en sera pas moins vrai qu’elle porte nécessairement les hommes à s’entre-haïr à proportion que leurs intérêts se croisent, à se rendre mutuellement des services apparents et à se faire en effet tous les maux imaginables. »

      Voltaire :

      « Chaque animal a son instinct ; et l’instinct de l’homme, fortifié par la raison, le porte à la société comme au manger et au boire. Loin que le besoin de la société ait dégradé l’homme, c’est l’éloignement de la société qui le dégrade. »

      Rousseau :

      « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire :

      Ceci est à moi,

      et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile.

      Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables :

      Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne.

      Mais il y a grande apparence, qu’alors les choses en étaient déjà venues au point de ne pouvoir plus durer comme elles étaient ; car cette idée de propriété, dépendant de beaucoup d’idées antérieures qui n’ont pu naître que successivement, ne se forma pas tout d’un coup dans l’esprit humain.

      Il fallut faire bien des progrès, acquérir bien de l’industrie et des lumières, les transmettre et les augmenter d’âge en âge, avant que d’arriver à ce dernier terme de l’état de nature.

      Reprenons donc les choses de plus haut et tâchons de rassembler sous un seul point de vue cette lente succession d’événements et de connaissances, dans leur ordre le plus naturel. »









      Voltaire :

      « Ainsi, selon ce beau philosophe, un voleur, un destructeur aurait été le bienfaiteur du genre humain; et il aurait fallu punir un honnête homme qui aurait dit à ses enfants :
      « Imitons notre voisin, il a enclos son champ, les bêtes ne viendront plus le ravager ; son terrain deviendra plus fertile; travaillons le nôtre comme il a travaillé le sien, il nous aidera et nous l’aiderons. Chaque famille cultivant son enclos, nous serons mieux nourris, plus sains, plus paisibles, moins malheureux. Nous tâcherons d’établir une justice distributive qui consolera notre pauvre espèce, et nous vaudrons mieux que les renards et les fouines à qui cet extravagant veut nous faire ressembler. »

      Ce discours ne serait-il pas plus sensé et plus honnête que celui du fou sauvage qui voulait détruire le verger du bonhomme ?

      Quelle est donc l’espèce de philosophie qui fait dire des choses que le sens commun réprouve du fond de la Chine jusqu’au Canada ? N’est-ce pas celle d’un gueux qui voudrait que tous les riches fussent volés par les pauvres, afin de mieux établir l’union fraternelle entre les hommes ?

      Il est vrai que si toutes les haies, toutes les forêts, toutes les plaines, étaient couvertes de fruits nourrissants et délicieux, il serait impossible, injuste et ridicule de les garder.

      S’il y a quelques îles où la nature prodigue les aliments et tout le nécessaire sans peine, allons-y vivre loin du fatras de nos lois: mais dès que nous les aurons peuplées, il faudra revenir au tien et au mien, et à ces lois qui très souvent sont mauvaises, mais dont on ne peut se passer. »





  • L’économie politique classique voit le jour dans l’Europe préindustrielle du XVIIIe siècle, où l’agriculture est l’activité économique prépondérante, et la propriété foncière constitue toujours la principale source de richesse. Puis elle se développe et s’impose avec la révolution industrielle du XIXe siècle.

    Or c’est au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle que la démographie mondiale mute profondément, passant d’une croissance régulière relativement lente (suivant une fonction arithmétique) à une croissance exponentielle.

    Se posent alors pour les penseurs en économie, en politique et même pour les théologiens, des questions fondamentales de capacité de production, de rendements susceptibles de répondre aux besoins alimentaires des populations, voire de contrôle démographique visant à freiner la procréation au sein des catégories sociales les plus pauvres…

    ►►Adam SmithThomas Robert Malthus►►►David Ricardo
    ►►(1723 - 1790)►►►(1766 - 1834)►►► (1772- 1823)

    (lire la suite…)

    • L’Écossais Adam Smith (1723-1790) est généralement considéré comme le père du libéralisme économique. Et les économistes libéraux voient en lui le fondateur de l’économie politique.

      Mais il fut largement récupéré par la sphère politique pour justifier ses thèses libérales. Nous nous limiterons donc ici à aborder ses apports incontestables.

      ● À partir de son analyse critique des travaux effectués par de nombreux penseurs avant lui, il procède à une synthèse, le « système de la liberté naturelle », jetant effectivement les bases du libéralisme économique.

      Adam Smith incarne une vision optimiste de humanité, en estimant que le fait de donner à chacun la liberté de défendre ses intérêts contribue indirectement à l’intérêt général (effet selon lui d’une main invisible symbolique), plus efficacement que la politique de l’État prétendant imposer des règles pour répondre aux besoins de chacun.

      Le corollaire de cette confiance en l’Homme est donc une défiance quant à la capacité de la gouvernance économique par l’État et à l’efficacité des institutions à y contribuer.

      Mais l’analyse d’Adam Smith s’inscrit dans une approche philosophique dépassant largement le cadre strictement économique, la finalité étant de contribuer au bonheur de l’être humain. Nous pourrions voir en lui une troisième voie, ouvrant l’opposition binaire traditionnelle entre Voltaire et Rousseau.

      Contemporain des physiocrates français, Adam Smith leur reproche leur dogmatisme sur l’agriculture, seule source de création richesse selon eux.

      Observateur d’une industrie beaucoup plus développée en Angleterre qu’en France, il prend toute la mesure de l’importance du travail humain, comme créateur effectif de richesse économique. Il développe la notion de Valeur Travail qui sera par la suite commune au courant classique anglo-saxon et à l’analyse marxiste.

      Il voit dans la division du travail le moyen d’accroître la production et la richesse, mais il ne l’envisage pas sous l’angle de l’exploitation humaine qu’elle prit souvent par la suite, du fait de la sous-rémunération du facteur travail. Au contraire, il est réellement attaché au sens de la valeur travail.

      ● Par ailleurs, si Adam Smith est favorable au libre-échange comme les autres économistes classiques, dans son ouvrage sur La richesse des nations, il qualifie au chapitre 3 l’expansion commerciale de la société européenne d’ « anti-naturelle et rétrograde ». Il considère que l’Europe était une société où, contrairement au développement économique naturel qui résulte de l’accumulation progressive des excédents émanant des gains de productivité dus à la division du travail et au progrès technique, l’industrie et l’agriculture avaient été stimulées de manière perverse par le commerce avec l’étranger.

      Il ne retient pas dans ce cas la notion d’avantages comparatifs généralement admis par les classiques, mais semble voir dans cette situation la conséquence regrettable d’échanges inéquitables qui seront qualifiés au XXe siècle d’échanges inégaux.

      Le pasteur anglican Thomas Malthus (1766 - 1834) incarne une vision économique et sociale plus sombre du courant classique.

      ● Il constate que la croissance de la population suit une progression géométrique, alors que l’augmentation en volume de la production agricole ne peut se faire au mieux, selon lui, qu’au rythme d’une progression arithmétique.

      ● Il y a chez lui un certain pessimisme quant aux capacités d’augmenter la production, du fait de la loi des rendements décroissants énoncée par David Ricardo, cette idée ayant été exprimée avant lui par le Français Turgot : le rendement de la terre est inversement proportionnel à la population.

      ● Comme le fera également Keynes au XXe siècle, Malthus conteste qu’une économie de marché conduise automatiquement au plein emploi.

      ● Témoin de la pauvreté au sein de la société industrielle de son temps, engagé directement dans l’action sociale et caritative, il se déclare partisan de la limitation des naissances afin de réduire la pauvreté (vision socioéconomique malthusienne)…

      ● Avec lui s’élargit la ligne de fracture qui séparait déjà depuis longtemps la morale catholique opposée à la pratique du taux d’intérêt et de l’usure, de l’éthique protestante favorable au développement de l’activité bancaire.

      Dans une certaine mesure, ces différences culturelles perdurent de nos jours :

      Elles sont particulièrement fortes en matière de société, bien que les positions du Vatican dans les domaines concernés (divorce, sexualité, procréation assistée, mères porteuses, contraception, préservatifs) soient de moins en moins prises en compte par les sociétés de tradition catholique.

      En économie, elles pourraient être illustrées de manière caricaturale par la comparaison entre les pratiques du monde de la finance décomplexée de Wall Street et de la City, d’une part, et celles de la banque du Vatican d’autre part, dont les scandales épisodiques révèlent des mœurs financières dont l’odeur de sainteté n’est pas la dominante… Or entre l’irresponsabilité de l’ingénierie financière aboutissant au chaos des subprimes et des alliances occultes avec une maffia quasi institutionnalisée, faudrait-il vraiment faire un choix ?

      ● Par ailleurs, à une époque où s’installe une croyance quasi universelle dans un progrès scientifique et technologique sans limite, Malthus fait entendre une voix discordante comparable en un point à la dissonance actuelle que les objecteurs de croissance opposent aux économistes et aux politiciens fondant tous leurs projets sur une croissance sans fin.

      Leur point commun est certainement la prise en compte de limites naturelles à satisfaire les exigences de l’espèce humaine.

      Ce qui vaut parfois aux décroissants et même aux écologistes en général de se faire un peu hâtivement taxer de malthusiens… Car leur vision sociopolitique est à peu près diamétralement opposée. Malthus dédouanait les politiques gouvernementales de toute responsabilité à l’égard de la pauvreté, dont il voyait la cause dans la disproportion entre le potentiel de la nature et l’importance numérique de la population, et non dans la gouvernance politique, l’organisation sociale et les mécanismes socioéconomiques qui en découlent, à l’origine d’une répartition inéquitable des revenus de l’économie.



      Autres visions économiques au sein de l’école classique.

      ● Contrairement à une idée répandue, la formule du “laissez-faire” ne se trouve ni dans les écrits d’Adam Smith ni dans ceux de David Ricardo ou de Thomas Malthus.

      ● La “loi des débouchés” de l’économiste classique Jean-Baptiste Say prétend que toute production trouve toujours des débouchés. Du fait de l’existence de besoins des populations nombreux et supérieurs à la capacité de l’économie de les satisfaire, ce qui correspondait à une réalité de l’époque, l’offre crée la demande. Point encore de crise de surproduction à l’horizon…

      ● Signe de l’évolution de la pensée économique classique avec l’avancée de l’ère industrielle et du capitalisme, à la fin du courant classique, John Stuart Mill (1806 - 1873) se distinguait de ses prédécesseurs sur la question de la redistribution des revenus émanant du marché. Il attribue au marché une double fonction : la répartition des ressources et celle des revenus (achats / ventes / rémunération du travail et du capital). Mais il estime que si le marché est efficace dans l’allocation des ressources, il l’est moins dans la distribution des revenus (rémunération du travail et du capital). La société, c’est à dire l’État, est donc obligé d’intervenir ; ce qui constitue une limitation du principe initial de la pensée classique, selon laquelle la gouvernance publique ne devait pas intervenir dans le domaine économique.

      ● La “valeur travail” de Smith reformulée par David Ricardo (1772 - 1823) en « théorie de la valeur travail » a été reprise plus tard par Karl Marx : la valeur d’échange d’un bien ou d’un service doit intégrer le coût réel du travail.
      Alors que les néo-classiques basent la valeur d’échange sur l’offre et la demande, cette dernière étant déterminée par l’utilité considérée par l’acheteur en fonction de ses besoins et de l’évolution quantitative de sa consommation : « théorie de l’utilité marginale ».

      ● En exposant sa théorie des avantages comparatifs en 1817, l’économiste britannique David Ricardo justifie le libre-échange à l’échelle internationale.

      L’Empire Britannique qui rassemblera en 1922 un quart de la population mondiale, aura grandement tiré avantage de cette spécialisation des territoires.
      Mais historiquement, l’avantage de ces échanges aura été essentiellement unilatéral, au profit du colonisateur pour lequel la valeur travail s’exprimait bien en création de richesse, mais beaucoup moins en rémunération de ce facteur de production : « jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1807, la Grande-Bretagne fut responsable du déplacement de près de 3,5 millions d’Africains vers l’Amérique soit un tiers de tous ceux victimes du Commerce triangulaire. »

      Au XXIe siècle, on ne déplace plus la main d’œuvre pour la réduire en esclavage. Soit la misère la conduit à migrer d’elle-même, soit la mondialisation commerciale délocalise l’emploi vers les territoires où les conditions de travail et les coûts de production se rapprochent le plus des conditions idéales d’esclavage.



      Pensée économique commune à l’école classique.

      Malgré de nombreuses variantes selon ses auteurs, c’est tout de même le tronc commun suivant qui permet de définir ce courant de pensée :

      ● Contrairement aux néoclassiques, les classiques ne croient pas à d’hypothétiques états d’équilibre assurés par les marchés (à part J.B Say) et ils ne recourent que très exceptionnellement aux mathématiques. Ils analysent les processus économiques en leur appliquant l’observation scientifique et le raisonnement logique.

      La monnaie n’est qu’un moyen d’échange qui, par rapport au système de troc, facilite l’échange de produits contre produits.

      Du point de vue de la méthode, elle consiste à prendre en compte la globalité du système société / économie / politique et de considérer à la fois les droits et les capacités des individus (ce qui est certainement l’empreinte la plus évidente de ce Siècle des Lumières). Il s’agit de la démarche systémique (globale et dynamique) la plus aboutie jusqu’alors : une méthode d’analyse rationnelle, intégrant les processus de production, d’échange, de formation des prix et de formation des revenus, tenant compte de leur interdépendance et de l’évolution du système économique global :

      Comme les Physiocrates, les économistes classiques croient en des lois naturelles et universelles, valables en tout temps et en tout lieu, applicables aux phénomènes économiques, qu’ils cherchent à intégrer en une théorie économique générale tout aussi universelle.

      Comme eux, et comme le courant néoclassique beaucoup plus tard (voir la page suivante), ils croient au laisser-faire économique. Le rôle de l’État doit se cantonner aux fonctions régaliennes (armée, justice, diplomatie) et à la prise en charge des services nécessaires à la collectivité qui ne pourraient être rentables pour le secteur privé.

      Le véritable facteur de la valeur économique est le travail. C’est le travail qui est à l’origine de la création de richesse. Sur ce point, le marxisme s’inscrira au siècle suivant dans la suite logique de l’école classique. Alors qu’à l’ère de la mondialisation commerciale, les néoclassiques ne prennent en compte que la valeur d’échange, à laquelle doit s’adapter le coût du travail (toujours moins cher…), au nom de la concurrence et de la compétitivité.

      La mission première de l’économie consiste donc à accroître les capacités de production, de deux manières complémentaires :

      améliorer la productivité, notamment grâce à la spécialisation et à la division du travail,
      investir l’épargne dans la production et l’innovation.




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