Mondialisations : un rapide historique… de 2 millions d’années

De la Préhistoire à l’Antiquité

La préhistoire commence avec l’apparition de l’Homme, il y a environ trois millions d’années. Elle prend fin pour les populations Euro-méditerranéennes vers 3000 av. J.-C., l’histoire humaine entrant alors dans la période que nous dénommons l’Antiquité, qui s’achève vers l’an 500 de notre ère avec le début du Moyen Âge.


  • La genèse du savoir-faire humain, avec Homo Habilis : il y a 2 millions d’années.

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    • Au stade actuel de la paléoanthropologie, l’Afrique est considérée comme le berceau de l’humanité.

      Homo Habilis vivait en Afrique orientale et australe, il y a environ 2 millions d’années (à quelques jours près…) Les paléontologues et les anthropologues estiment que sa lignée a vécu pendant approximativement 700.000 ans (en fait, de -2,5 à -1,8 millions d’années).

      Mais comment peut-on affirmer qu’il s’agissait bien d’un être humain ?

      ● il était un bipède permanent : contrairement aux autres primates, il ne se déplaçait que debout ;

      ● information particulièrement intéressante pour notre propos, il était un spécialiste de la pierre taillée, qu’il utilisait certainement dans ses tâches courantes, en particulier pour découper de la viande ;

      ● et sa capacité crânienne importante confirmerait son appartenance à la grande famille humaine.

      Si nous manquons d’informations quant à l’acquisition, la validation et à la transmission de son savoir-faire :-) une chose est sure : hormis le fait que cet homme habile ne nous rajeunit vraiment pas… c’est son savoir-faire remarquable qui l’a fait entrer en philosophie sous le terme Homo Faber, l’homme capable de fabriquer et d’utiliser des outils.
  • Néandertal, ou l’extinction d’une lignée. Un choc des cultures ?

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    • Homo neanderthalensis ou Homme de Néandertal est apparu il y a 250 000 ans et semble avoir disparu depuis 26 000 à 32 000 ans. Il a vécu en Europe et en Asie occidentale pendant environ 220.000 ans.

      ● Des recherches portant sur l’ADN néandertalien viennent de montrer en 2010 que toutes les populations actuelles sont porteuse d’une petite proportion de son ADN, sauf les Africains issus de l’Homo Sapiens avant sa migration vers l’Australie et l’Eurasie. Ainsi, avant de disparaître d’Europe et d’Asie occidentale où il vivait, l’Homme de Néandertal et Homo Sapiens ont tout de même coexisté pendant plus de 50.000 ans.

      ● Que déduire des récentes découvertes scientifiques ? Pourquoi Homo neanderthalensis a-t-il disparu, alors qu’Homo Sapiens, appartenant à une lignée distincte, a prospéré ? Pour le moment, ce sont surtout des différences significatives dans leurs modes de vie respectifs qui ont pu être constatées. Des recherches génétiques se poursuivent, qui feraient éventuellement apparaître d’autres différences significatives au niveau de gènes ayant une influence sur la communication et les relations sociales ; gènes également impliqués dans certaines formes d’autisme. Mais aucun lien de cause à effet n’a encore pu être établi entre la venue de l’un en Eurasie et la disparition de l’autre.

      ● En revanche, leur croisement génétique est désormais prouvé. Le lien de filiation avec Néanderthal d’une partie de l’humanité contemporaine est ténu. Mais jusqu’à présent, la plupart des scientifiques étaient convaincus que Néanderthal et Sapiens n’avaient pas pu engendrer une descendance commune.

      Pourrons-nous un jour en tirer un enseignement de la destinée de Néanderthal, quant à l’avenir de notre espèce actuelle ?

      Bien des communautés humaines et des cultures se sont éteintes au contact d’autres, notamment du fait de la cupidité et de la violence d’un envahisseur techniquement ou militairement plus fort, mais pas toujours supérieur en savoir, ni surtout en sagesse. Les unes étant malheureusement des sauvages ou des impies aux yeux des autres, en toute réciprocité.

      C’est en découvrant longtemps après leur extinction la richesse culturelle des peuples disparus, que l’on prend conscience combien la loi du plus fort peut aussi être celle du plus fou.
  • Tous les êtres humains actuels appartiendraient à l’espèce Homo Sapiens.

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    • Pourquoi ce conditionnel ? D’abord parce qu’avec l’évolution permanente de la connaissance scientifique, une certaine prudence s’impose.

      Ensuite, parce qu’on ne peut manquer de se demander quelle idée folle ont eu les paléoanthropologues, de dénommer notre espèce humaine Homme sage ? Et même plus sage que sage : Sapiens sapiens, selon une ancienne dénomination de l’Homo sapiens.

      ● Si toute l’histoire de l’humanité n’a pas permis de détromper les scientifiques du XVIIIe siècle*, celle du XXe à elle seule y aurait suffi, avec ses destructions écosystémiques et ses exterminations humaines massives, ses deux guerres mondiales, ses génocides ciblés et autres hécatombes relevant de crimes contre l’humanité perpétrés par des États totalitaires, par des individus persuadés d’être investis d’un droit divin d’exterminer en tout lieu, tout réfractaire à leur propre loi.

      Le XXIe siècle sera-t-il pour l’Homme le point d’orgue de ses erreurs, lui conférant le titre peu enviable d’Homo Terminator, l’artisan opiniâtre de sa propre fin ?

      ● Ou au contraire, à la lumière de son histoire, le XXIe siècle sera-t-il celui d’un renouveau, l’avènement d’un Sapiens véritable ?

  • Les grandes migrations de l’humanité commencèrent il y a 1 million d’années.

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    • ● il y a 1 million d’années :

      Homo Erectus aurait été le premier à quitter son Afrique natale, il y a environ 1 million d’années. Cet homme debout qui avait la bougeotte… a parcouru le vaste continent eurasiatique.

      ● il y a seulement quelque 150.000 ans :

      Homo Sapiens, autre espèce humaine, avait réussi à s’installer dans tout le continent africain.

      ● il y a environ 80.000 ans :

      Homo Sapiens avait décidément l’esprit aventureux. Car après avoir commencé à se déplacer hors d’Afrique, sans passeport ni visa

      ● il y a environ 40.000 ans :

      Homo Sapiens parcourut l’Australie et l’Eurasie, s’y installa sans carte de séjour, et les peupla peu à peu.
  • Sédentarisation et élevage remontent à 10 000 ans.

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    • Les premières traces de sédentarisation remontent au Néolithique, il y a environ 10.000 ans, et sont liées à une diminution progressive de l’importance de la chasse, de la cueillette et de la pêche au profit de la production de nourriture par l’agriculture et l’élevage.

      Avec la sédentarisation humaine apparaissent :

      ● des formes de division du travail,

      ● une hiérarchie sociale plus développée,

      ● un transfert du troc au commerce,

      ● l’irrigation et l’agriculture.

      Alors qu’ultérieurement l’élevage demeurera une activité nomade aussi bien que sédentaire.
  • Commerce international : les grandes routes (encens, épices, soie, ambre, ) depuis la Haute-Antiquité.

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    • ● Sans doute amorcée vers 1800 av. J.-C., la Route de l’encens consistait surtout dans un circuit d’échanges entre l’Égypte, l’Arabie et l’Inde, plutôt que dans un trajet précis et fixe. Car les marchands modifiaient leurs itinéraires en fonction de la localisation géographique des taxes ou des risques ponctuels tels que conflits ou brigandage.

      Les Romains, quant à eux, contournèrent ces deux types de difficultés en établissant une route maritime.

      La diplomatie entre souverains de royaumes entretenant des relations pacifiques était l’occasion d’échanges de cadeaux précieux. Des caravanes de nomades parcouraient des distances importantes et transportaient des objets qui servaient au troc ou alimentaient même un commerce déjà international.

      La magnifique incrustation bleue qui ornait le masque d’or de Toutânkhamon vers 1300 J.-C. était du lapis-lazuli, pierre fine qui provenait d’Afghanistan.

      ● La Route de la soie était un réseau de routes commerciales entre l’Asie et l’Europe allant de Chang’an (actuelle Xi’an) en Chine jusqu’à Antioche, en Syrie médiévale. Elle doit son nom à la plus précieuse marchandise qui y transitait : la soie, dont seuls les Chinois connaissaient le secret de fabrication.

      Elle fut dès le 6e siècle avant notre ère, un vecteur important de diffusion du Bouddhisme à travers toute l’Asie. De même, les conquêtes d’Alexandre et les commerçants grecs contribuèrent à l’influence hellénique de l’iconographie et la statuaire bouddhique de la civilisation Gandhâra.

      ● La Route des épices

      Les épices (cannelle, cannelier de Chine, cardamome, curcuma, gingembre) connues et commercialisées en Orient depuis la haute Antiquité (près de 4000 ans avant notre ère), étaient transportées jusqu’au bassin méditerranéen avant le début de l’ère chrétienne, via les routes du Moyen-Orient.

      Connue pour ses voies terrestres, la route des épices empruntait aussi la voie maritime. Les Égyptiens traversaient la mer Rouge, depuis l’Arabie et le mystérieux Pays de Pount.

      Durant 1er siècle avant J.C., la demande croissante des Romains intensifia l’activité de ces routes commerciales.

      L’Inde centralisait des produits en provenance de toute l’Asie, qui étaient ensuite exportés à partir du port de Calicut, sur sa côte occidentale du Kerala .

      ● Les marchands de La Mecque constituaient un autre centre commercial très important.

      ● C’est ensuite d’Égypte, du port d’Alexandrie, que les marchandises d’orient étaient acheminées et commercialisées dans tout le monde gréco-romain.

      Outre la soie de Chine, l’encens d’Arabie et les épices indiennes, beaucoup d’autres produits précieux étaient négociés sur les routes des épices et de l’encens : étoffes fines de diverses provenances, ébène, ivoire et or d’Afrique de l’Est, pierres précieuses, etc.

      Des routes intra-européennes naquirent également, avec le commerce d’autres produits :

      ● la route de l’ambre,

      ● de nombreuses routes du sel.

  • Colonisation antique : le processus de colonisation est certainement presque aussi vieux que l’Homme.

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    • Il a suffi que l’instinct exploratoire de peuples suffisamment organisés (sociétés - États - ou simplement groupes structurés, unis et déterminés) se double d’aspirations expansionnistes.

      Interactions entre colonisateurs et colonisés et leurs effets induits

      ● Elles sont beaucoup plus complexes et persistantes qu’il y paraît, à l’image du psychisme conditionnant les comportements individuels et collectifs, les relations humaines et finalement le fonctionnement des sociétés.

      ● Il en va de même des rétroactions culturelles d’une société envers une autre, comme envers les modes de pensée et les comportements des individus qui la composent.

      ● Quant à la mémoire collective, elle persiste longtemps après que la mémoire individuelle contemporaine des périodes de colonisation se soit éteinte. Cette rémanence est d’autant plus durable que le métissage entre colonisateur et colonisé a été long ou fort et demeure visible : influences culturelles, architecture, infrastructures, métissage humain. Mais aussi parfois, une empreinte en creux plus ou moins tragique : destructions environnementales, culturelles, patrimoniales, démographiques, voire génocides.

      ● Sans doute une approche psychosociale peut-elle discerner dans ce phénomène de domination collective exercée par un peuple (directement, ou plus généralement par ses dirigeants, avec ou sans son assentiment) sur un autre, la manifestation sociopolitique de tendances présentes dans les relations de domination physique et psychique entre individus d’une même communauté.

      Mais au-delà du déséquilibre évident du rapport de forces ayant abouti à une situation de domination du colonisé par son colonisateur et à ses nombreuses séquelles (sociales, culturelles, économiques, politiques, voire écologiques) :

      le colonisateur lui-même ressort rarement indemne d’une telle expérience.

      ● Après plusieurs millénaires de rayonnement et de domination régionale, l’Égypte antique subit 4 colonisations à partir du 5e siècle avant J.C., l’une remplaçant l’autre, jusqu’à sa disparition définitive :

      > 2 périodes de colonisation perse en 2 siècles (XXVIIe dynastie et XXXIe dynastie) (de -525 à -332),

      > la colonisation grecque de l’Égypte (la Dynastie des Ptolémées) dura près de 3 siècles (de -323 à -30),

      > la colonisation romaine de l’Égypte (la Dynastie des Ptolémées) s’étala de -30 jusqu’au-delà de l’effondrement de l’Empire romain d’occident (en 476), auquel survécut l’Empire romain d’orient (l’Empire byzantin, qui subsista jusqu’à la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453).

      La civilisation de l’Égypte antique s’éteignit définitivement au VIe siècle de notre ère avec la disparition du culte d’Isis, la déesse protectrice et salvatrice de la mythologie égyptienne, pour entreprendre sa fusion définitive avec le monde oriental à partir du VIIe siècle.

      Mais si les colonisateurs qui régirent l’Égypte durant un millénaire lui imprimèrent leur marque de bien des manières (lois, infrastructures, culture), la réciproque fut également vraie.

      Les Perses et les Grecs de l’Antiquité ont beaucoup appris des Égyptiens colonisés par eux, notamment sur le plan scientifique : architecture, astronomie, mathématiques, médecine… Nombre de découvertes attribuées aux Grecs sont en réalité héritées des Égyptiens.

      Les Romains eux-mêmes adoptèrent le culte d’Isis, jusqu’à ce que la montée irrésistible du christianisme sonnât le glas de tous les dieux et des déesses, aussi bien égyptiens que grecs ou romains.

      La culture romaine doit également énormément à la Grèce, qu’elle soumit à sa domination pendant près de 5 siècles (de 146 av. J.-C. à 330 ap. J.-C.)


Du Moyen Âge à nos jours

  • Les anciennes routes commerciales de l’encens, de la soie ou des épices, restent actives au Moyen Âge. Elles continuent d’être pratiquées notamment par les marchands de La Mecque et de la Perse avant l’avènement de l’Islam, et continueront de l’être longtemps après.

    Les échanges sont particulièrement intenses entre la Chine, les Indes, l’Arabie, l’Afrique de l’Est, l’Égypte et l’Europe.

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    • ● Au nombre des produits les plus recherchés : l’encens d’Arabie, l’ivoire et l’or d’Afrique de l’Est, les épices des Indes, la soie de Chine, etc.

      Le musc, le camphre, l’ambre gris et le bois de santal sont utilisés par les marchant en provenance des Indes pour payer les droits imposés à leur entrée dans certains ports, notamment au sultan du Yemen.

      Ports et comptoirs commerciaux connaissent alors un essor remarquable. Le commerce maritime oriental avec l’Europe a enrichi les cités italiennes, notamment à la suite des Croisades. Quant aux ports des Pays Bas, ils se sont enrichis du lien commercial qu’ils assuraient entre l’Italie et l’Europe du nord.

  • C’est au Moyen Âge que se développement les premières formes de capitalisme commercial international, avec le développement d’une activité bancaire et l’apparition de places boursières.

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    • ● L’enrichissement des marchands de draps et de soieries des grandes cités leur permet d’investir dans le commerce de gros, d’établir des comptoirs et d’être présents dans les grandes foires européennes.

      Pour déjouer les bandits de grand chemin, au lieu de transporter des monnaies de métal précieux pour leurs transactions commerciales, ils paient par lettre de change. C’est ainsi que se développa l’activité bancaire (dépôts, prêts sur gage, lettres de change, assurance des cargaisons) et le capitalisme financier, parallèlement au capitalisme commercial.

      ● L’activité bancaire étant encore frappée d’interdits par l’Église Catholique, ce sont des communautés non catholiques qui développèrent le plus ces activités : Lombards italiens (du fait de leur origine germanique pré-chrétienne, beaucoup ne s’étaient pas réellement convertis au Catholicisme), Juifs et Chrétiens réformés.

      Bien que l’Église Catholique ait annulé beaucoup plus tard l’interdiction du prêt à intérêt (toujours proscrit pas l’Islam), une véritable différence culturelle a perduré quant à la place de l’argent et des activités financières, entre les sociétés de tradition catholique et, en particulier, le monde anglo-saxon très majoritairement non catholique.

      C’est à la fin du Moyen Âge, qu’apparaissent les premières bourses dans les cités italiennes où le commerce est permanent, à l’inverse des foires qui, elles, sont ponctuelles. Mais c’est la création de la bourse de Bruges en 1409 qui marque un tournant dans l’activité financière, et plus encore celle d’Anvers en 1460, à l’aube de la Renaissance.
  • Colonisation moderne : des racines historiques souvent à l’origine de la complexité géopolitique actuelle.

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    • La plupart des colonisations ont résulté de conquêtes plus ou moins violentes et organisées.

      Entre la fin de l’Antiquité et le début du Moyen Âge, l’Europe a été le théâtre de nombreuses invasions, de courants migratoires et de nouvelles implantations humaines, constitutives de ses racines indo-européennes.

      ● Certaines expéditions conquérantes ont laissé des traces résistant au temps du fait d’implantations définitives, sans toutefois avoir abouti à une colonisation aussi systématique et dominatrice que celle pratiquée par Athènes puis par Rome. Soit que les proies aient été trop grosses pour le chasseur, soit que celui-ci se soit autonomisé par rapport à son territoire d’origine, dont le pouvoir central affaibli par des divisions internes.

      Ce fut le cas de l’épopée Viking au début du Moyen Âge (au VIIIe et au XIe siècle). Grands marins, commerçants et guerriers, ils fondèrent des États en Normandie, en Sicile et en Russie. Mais ils se comportèrent aussi comme des pillards et des pirates, pratiquant le raid (razzia) comme bien des colonisateurs. Leur rayon d’action fut impressionnant, allant de leur voisinage (îles Féroé, Islande, Groenland) au Vinland, et jusqu’en Orient.

      ● L’histoire ancienne a montré que bien des civilisations ne survécurent pas à leur colonisation, à moins que celle-ci n’ait justement été rendue possible que du fait de l’affaiblissement de sociétés dont seul persistait le rayonnement passé, mais dont la flamme était déjà pratiquement éteinte (corruption et ruine économique, décadence culturelle, guerres intestines et trahisons profitant aux envahisseurs).

      ● Les conséquences de la colonisation européenne des Amériques furent évidemment considérables et généralement dramatiques pour les civilisations précolombiennes. Mais elle bouleversa aussi l’évolution de toutes les nations et de tous les continents.


      Persistance des stigmates du colonisé, longtemps après la décolonisation.

      Notre histoire récente montre également que violente ou pacifique, la décolonisation a souvent laissé aux peuples devenus indépendants, un héritage extrêmement lourd :

      ● Les frontières de la Gambie illustrent combien les facteurs ayant déterminé le tracé actuel des frontières par les colonisateurs en Afrique ont fait peu de compte de l’intérêt des populations. D’où la persistance de bien des conflits ethniques en Afrique, jusqu’à nous jours…

      ● La politique coloniale de l’Indochine française et les psychorigidités de l’état major français en 1946 ont abouti à 8 années de guerre d’Indochine, puis à l’innommable guerre du Vietnam qui dura 20 ans (de 1956 à 1975). L’agent orange, le défoliant chimique de Monsanto largué alors en abondance sur le pays, continue d’empoisonner sa population 40 ans plus tard.

      ● La Chine, colonisateur impitoyable de plusieurs peuples autonomes, intégrés de force à la prétendue mère patrie (Tibétains, Ouïgours, Mongols) depuis la révolution de 1949, avait elle-même été soumise depuis le XIXe siècle à une colonisation occidentale coalisée qui connut des épisodes très violents : 2 Guerres de l’Opium lancées contre la Chine impériale par l’Angleterre et les autres puissances étrangères, pour la forcer à s’ouvrir à leur commerce qui lui était particulièrement défavorable économiquement, et dangereux pour sa population.

      C’est lors de la seconde Guerre de l’Opium, en 1860, que l’Angleterre et la France se déshonorèrent particulièrement en détruisant et pillant le « Palais d’été ».

      ● La guerre économique livrée par la Chine au reste du monde dans le contexte de la mondialisation actuelle, n’est pas dénuée d’une ironie que les spiritualités hindo-bouddhiques ne manqueraient pas d’expliquer par un incontournable effet de karma…

      ● À la suite de l’invasion britannique du Tibet en 1904, le traité sino-anglais de 1906 jamais dénoncé par la suite, n’a t-il pas contribué à légitimer implicitement l’invasion du Tibet par la Chine communiste en 1950 ?

      Après le tribut de destructions et de persécutions payé par la population tibétaine au fanatisme maoïste de la Révolution Culturelle, l’intensification de la colonisation du Tibet (caractérisée notamment par une implantation migratoire croissante de l’ethnie chinoise Han) continue aujourd’hui d’étouffer la culture et le sentiment identitaire tibétain en vue de les éteindre définitivement. L’exploitation de ses ressources naturelles ne profite pas à sa population mais bien au colonisateur Chinois.

      La chape de plomb imposée par Pékin à cette région autonome du Xizang lors de la préparation des Jeux Olympiques de 2008, n’ayant pas été levée depuis, son asphyxie a conduit depuis à une multiplication des actes désespérés.

      Cliquer :
      « Au Tibet, plus d’une centaine d’immolations en quatre ans » (Le Monde.fr - 14.03.2013 )
      « Centième cas d’immolation d’un Tibétain depuis 2009 » (France 24 –14.02.2013)

      L’annexion du Turkestan oriental (ou Ouïghouristan) à l’Empire des Qing en 1884, fut décidée par les Britanniques qui financèrent même son invasion par l’armée mandchoue du général Zuo Zongtang. 130 ans plus tard, les troubles récurrents contre la colonisation chinoise continuent de secouer cette région autonome du Xinjiang, également très riche en ressources naturelles…

      Cliquer :
      « Émeutes au Xinjiang - version officielle contre version Internet » (France 24 - 06.07.2009)

      ● Mais l’envahisseur occupant le plus inhumain fut sans conteste le Japon qui se livra à de terribles exactions envers la population chinoise. Le Massacre de Nankin en 1937 marqua le début de la terrible Guerre sino-japonaise (1937-1945), dont les blessures ne sont toujours pas refermées dans la mémoire collective chinoise.

      ● Comment expliquer alors que les victimes d’hier soient devenues à leur tour des colonisateurs ne respectant pas le droit des peuples à l’auto-détermination ? Le colonialisme israélien subi par les populations palestiniennes autochtones en est un terrible exemple.

      Faut-il y voir comme nous le mentionnions précédemment, au-delà ou en addition de traits culturels communs, une manifestation à l’échelle d’un peuple de phénomènes psycho-comportementaux individuels tels que le syndrome de l’enfant battu devenant lui-même un adulte violent ?

  • Colonialisme passé et mondialisation économique contemporaine : des similitudes stratégiques marquantes, mais aussi des différences déterminentes.

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    • Similitudes marquantes :

      L’Inde coloniale, pièce majeure de l’échiquier impérial britannique.

      La couronne britannique utilisa la Compagnie des Indes Orientales comme
      véhicule de conquête de l’Inde, dans un premier temps,
      ►►►►► ►►►►► … puis d’autres pays d’Asie et surtout de la Chine.

      Le commerce lui permit de franchir plus de frontières, de faire tomber plus de places fortes et de s’allier plus de trônes et potentats locaux, que la force de ses armées, tout en l’enrichissant considérablement.

      C’est toutefois l’articulation de ces deux forces qui accrut le succès de chacune.

      Mais lorsque cette multinationale devint trop puissante politiquement, la couronne britannique la recadra, en la confinant à sa vocation commerciale initiale, avant de finalement la dissoudre comme on casse le moule une fois l’œuvre achevée.

      L’Angleterre instrumentalisa les territoires de son empire les uns par rapport aux autres, de manière à optimiser son intérêt économique et à renforcer son pouvoir politique. Mais la spécialisation économique qu’elle leur imposait affectait profondément leurs équilibres socioéconomiques, culturels et sociétaux.

      Par exemple, le coton indien était tissé au Royaume-Uni et le tissu réimporté en Inde, mettant à mal l’artisanat textile traditionnel de l’Inde.

      ● Pour réduire son déficit commercial avec la Chine, dû notamment aux quantités très élevées de thé qu’elle lui achetait, elle organisa un trafic d’opium, cultivé en Inde et importé clandestinement en Chine. C’est pour la forcer à légaliser l’importation de l’opium qu’elle lui vendait, qu’elle alla jusqu’à conduire contre la Chine les deux guerres de l’opium mentionnées en § précédent, « Colonisation moderne ».

      L’augmentation de la demande d’opium en Inde perturbait le secteur agricole indien. Et dans le même temps, la dépendance grandissante à l’opium faisait des ravages en Chine.

      La politique coloniale britannique déstabilisa le marché des denrées agricoles au point de provoquer de terribles famines.

      Cliquer :
      « Quand l’empire britannique organisait la famine et interdisait l’aide aux victimes »

      Mais au moins, la facture de thé chinois de la Grande Bretagne s’en trouva allégée, et son commerce avec l’Asie devint florissant…

      ● Le contrôle politique intense du commerce extérieur de l’Empire Britannique était typique du courant mercantiliste, dont l’équivalent français était le colbertisme.

      Mais contrairement à la France, un facteur crucial de cette stratégie anglaise fut le contrôle des ports, généralement sur la base de contrats commerciaux diplomatiques lui en octroyant le monopole.

      ● De plus, la couronne britannique instaurait dans ses colonies des taxes sur les produits les plus essentiels à leurs populations. Notamment sur le sel, en Inde.

      Or, ironie de l’histoire, c’est la taxe sur le thé (ainsi que quelques autres) qu’elle avait imposée aux colons américains qui avait mis le feu aux poudres et déclenché la Guerre d’indépendance des États-Unis qui dura de 1775 à 1783, et lui fit perdre cette possession essentielle du Nouveau Monde. Le soulèvement fut fomenté par un parti créé à cet effet : le Boston Tea Party, dont la réplique contemporaine constitue l’aile la plus à droite du spectre politique libéral américain, celle des libertariens.

      Et c’est par le commerce de l’opium entre l’Inde et la Chine que la Compagnie des Indes Orientales renfloua ses caisses au siècle suivant.

      ● Si nous prenons comme exemple l’histoire coloniale du Royaume-Uni plutôt que celle de la France, ce n’est pas pour pointer du doigt les responsabilités du premier et minimiser celles du second. Mais parce que la réussite économique de la politique coloniale britannique préfigure celle des multinationales dans le contexte de la mondialisation contemporaine.

      Sa stratégie économique mondiale d’alors, articulant les intérêts de la
      Grande-Bretagne et les capacités de ses colonies à y contribuer, se retrouve
      aujourd’hui dans celle des holdings et de leurs filiales.

      Sa suprématie maritime alliait puissance militaire et activité commerciale.
      Aujourd’hui, la mondialisation commerciale et la globalisation financière
      allient les flux d’information instantanés et les flux de marchandises sans
      frontière, « Internet + les porte-containers », selon une formule bien connue.

      Aujourd’hui, la stratégie économique de la Chine ressemble par bien des points à celle de l’Empire britannique au XIXe siècle.

      Son expansionnisme économique mondial se double d’une néo-colonisation,
      clairement planifiée en Afrique et plus rampante dans le reste du monde.

      Elle consiste également à y prendre le contrôle de ports stratégiques, de
      territoires riches en matières premières ou de savoir-faire
      (y compris en Europe).

      Cliquer :
      Coulisses de Bruxelles : « La Chine investit la zone euro »
      « La Chine rachète l’Europe - Entreprises, technologie, terroirs…, l’appétit chinois n’a pas de limites. »

      Comme le Royaume-Uni en Inde à l’époque du Raj britannique, le dumping a
      permis à la Chine de supplanter les secteurs industriels occidentaux afin de
      les transplanter sur son propre territoire.

      Comme lui, elle joue sur la division des potentats locaux divisés que sont
      les pays membres de l’Union Européenne.

      Son surplus en devises résultant de sa balance commerciale très excédentaire
      lui permet désormais à la fois d’acquérir des pans du patrimoine économique
      (immobilier, agricole, artisanal et industriel) et de financer les dettes publiques
      des États que le déficit de leur balance commerciale et le recul de leurs
      recettes publiques ont naturellement fait exploser.

      On imagine à stade l’ampleur du déséquilibre qui biaise la négociation entre la Chine et ses débiteurs



      Différences essentielles :

      Du mercantilisme au libéralisme, c’est surtout la perte de contrôle de leurs multinationales par les États qui fait la différence.

      Comme la Compagnie des Indes Orientales jusqu’à la fin du XIXe siècle,
      les très grandes entreprises occidentales à vocation internationale
      participèrent à la réalisation des objectifs économiques de leur territoire
      d’origine, jusqu’à la mise en place de la dérégulation commerciale et
      financière à partir des années 1980.

      Depuis lors, en s’affranchissant de la gouvernance socioéconomique des
      États, ces multinationales ont constitué un pouvoir autonome, au-dessus
      d’eux, et leur imposent désormais leurs propres lois.

      ● Les territoires apparemment gagnants de cette mondialisation néolibérale sont de deux types :

      Ceux qui ont conservé le contrôle sur leurs grandes entreprises, ce type de
      gouvernance mercantiliste faisant entorse aux principes mêmes de l’OMC.

      Ceux dont l’économie est la moins régulée sur le plan environnemental et
      social, ou qui l’ont le plus dérégulée, jouant de ce point de vue le jeu de
      l’OMC et du FMI.

      La Chine, cumulant ces deux caractéristiques, a ainsi bénéficié pendant de nombreuses années d’une force de frappe maximale, mais au détriment des territoires les plus développés et les plus démocratiques.

      ● Mais en réalité, il faut différencier le succès économique selon qu’il est considéré :

      sous l’angle exclusif d’une croissance économique locale,

      ou sous un angle socioéconomique, prenant en compte l’harmonie sociale et
      la soutenabilité environnementale, à la fois localement et globalement.

      ● La croissance économique des pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Russie) qui profite à une classe moyenne minoritaire, s’est faite au détriment de la majorité de leurs populations ainsi que de leur environnement.

      Celle de la Chine en particulier a nettement affecté les classes moyennes très majoritaires des pays développés, et des grands équilibres écologiques planétaires, amplifiant très rapidement les impacts négatifs de plus d’un siècle de développement industriel des pays occidentaux.

      ● Un pays développé comme l’Allemagne, a articulé plusieurs points forts qui ont fait la différence par rapport à ses voisin européens. La plus grande coopération locale et mondiale entre multinationales et PME allemandes, en assurant leur cohésion, a renforcé leur cohérence et leur efficacité économique face à la concurrence internationale. Associée à la réputation de qualité de leurs produits, elle leur a conféré une grande puissance de pénétration des marchés émergents.

      Mais cette position dominante allemande ira en décroissant au fur et à mesure de l’autonomisation technologique (notamment en matière de recherche et développement) de ces derniers. Sachant que la Chine assortit ses contrats commerciaux et ses autorisations administratives d’implantation sur son territoire, de conditions de transfert de technologie qui annulent l’avantage acquis par leurs partenaires au prix d’investissements à long terme considérables (système éducatif, recherche et développement), souvent publics.

      Par ailleurs, si les réformes du chancelier social-démocrate Gerhard Schröder au début des années 2000 ont amélioré la compétitivité de l’Allemagne, elles ont également amplifié sa fracture sociale, comme l’avait fait la très libérale Margaret Thatcher au Royaume-Uni dans les années 1980. Mais à la différence que les réformes libérales britanniques profitèrent surtout à son secteur financier, tout en détruisant son industrie.

      En recourant à la dérégulation sociale de son économie pour accroître sa compétitivité et sa puissance économique, l’Allemagne a :

      non seulement nui à l’économie de ses voisins qui, à l’instar de la France, ont
      le plus tardé à flexibiliser leur marché et leur droit du travail, c’est-à-dire
      à précariser une part croissante de leur population,

      mais également à sa propre cohésion sociale.

      Comment y voir un bilan global positif en termes de développement économique soutenable de l’Europe ?

      ● Les États-Unis, quant à eux, ont été le démarreur qui a mis en marche le moteur de l’atelier du monde. Par effet boomerang, ils ont ainsi conduit la Chine à devenir aujourd’hui son créancier ainsi que le nôtre.

      Car ils ont aussi été le déclencheur de la fission nucléaire de l’économie
      mondiale, en permettant à leurs entreprises multinationales de s’autonomiser
      et de se désolidariser des intérêts de leur territoire d’origine.

      Leur loi libérale qui s’imposa à leurs concurrents planétaires par la voie du
      libre-échange, finit donc par jouer contre la population américaine elle-même
      en entraînant le démantèlement de pans entiers de son industrie.

      Et la main mise de l’ingénierie et de la spéculation financières sur la
      politique américaine, en investissant ses centres décisionnels, s’est
      également propagée de manière tentaculaire à l’échelle planétaire, via
      tous les circuits politiques acquis aux dogmes néolibéraux.

      En Europe, la Commission Européenne en est, hélas, une parfaite illustration.



      En résumé, quels sont les gagnants et les perdants de la mondialisation ?

      ● De notre point de vue, contrairement à l’époque moderne de la colonisation jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, les véritables gagnants de la mondialisation économique contemporaine ne sont plus des États, à l’exception de la Chine du fait de sa schizophrénie stratégique (un pays, deux systèmes).

      ● Ce sont les multinationales, dont le pouvoir économique devenu politique, s’est progressivement substitué à celui des États, à un niveau supranational.

      ● Et ce sont donc leurs actionnaires principaux, devenus par leur pouvoir financier les nouveaux empereurs de ces empires économiques planétaires.

      Voir notre page :
      « Gagnants et perdants de la mondialisation économique et financière »


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