Une mondialisation contemporaine forgée par l’idéologie néolibérale

Nous vous proposons également une analyse synthétique de l’évolution des politiques
économiques, à la lumière des grands courants de la pensée économique. Cliquer :


L’émergence politique du néolibéralisme économique, forme pervertie du libéralisme.

  • Le match du siècle (le XXe) : Keynes / Hayek.

    Qui l’a emporté ? Friedman, voyons !

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    Keynes est mort, Friedman l’a tué…

    Car si Hayek incarnait un libéralisme intégral, celui de Friedman est intégriste. Il s’est imposé par une dialectique biaisée, dénaturant par ses dogmes et dans les faits, le verbe de sa propre religion de LA liberté.

    Le keynésianisme, que certains économistes redécouvrent, ou dont les voix redeviennent audibles en désespoir de crise, est certainement l’exemple le plus emblématique d’une gouvernance socioéconomique de type systémique, comme le fut le New Deal de Roosevelt qui permit aux États-Unis de se relever de la Grande Dépression de 1929.

    Une politique keynésienne repose sur la régulation macroéconomique et sur un équilibre entre le rôle de l’État et celui des acteurs économiques privés.

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    • Activation possible des sous-titres de la vidéo dans la langue souhaitée :

      Mais l’application d’une politique conjoncturelle keynésienne se heurte à des limites d’efficacité de nature structurelle.

      C’est la déstructuration du système socioéconomique et l’explosion de ses limites par la volonté des idéologues néolibéraux, qui rend désormais le recours à une politique économique keynésienne beaucoup plus difficile que lorsque les États tenaient les rênes de leurs économies.

      Cette déstructuration n’est pas le fait du hasard, mais le résultat d’une volonté acharnée des néolibéraux de réduire le plus possible le pouvoir des États, et dans tous les cas de leur confisquer les clés de l’économie pour les remettre totalement aux mains du secteur privé.



      En quoi consistait une politique keynésienne de relance ?

      ● Considérant l’économie comme un moteur à 4 temps, couplés 2 à 2 :

      production / consommation épargne / investissement

      épargne investissement // consommation production

      Le système productif consomme des ressources ayant un coût
      (coûts de production ↔ besoin d’investissement),

      et produit un revenu
      (salaires et dividendes capacité de consommation ou d’épargne).

      Transversalement, l’impôt sur le revenu, sur les bénéfices et sur la valeur ajoutée finance le fonctionnement de l’État, les services publics et les politiques sociales.



      ● La dynamique économique dépend à la fois :

      de la capacité des acteurs de consommer en fonction du revenu, et de produire en fonction de la capacité investissement,

      de leur volonté, dépendant elle-même de leur besoin immédiat ou de leurs prévisions, en fonction de leur confiance dans l’avenir.



      Contrairement au système néolibéral

      dans le système keynésien, l’État est le grand mécanicien :

      ● En décidant de la quantité totale de carburant disponible sur son territoire (la masse monétaire sous forme d’argent circulant et de crédit) et en modulant son prix (loyer de l’argent), l’État dispose d’un instrument de régulation de la pression globale nécessaire au fonctionnement de la machine (système macroéconomique incluant sa dimension socioéconomique).

      L’État peut également s’auto-financer ponctuellement en se prêtant à lui-même via sa banque centrale (à condition bien sûr que ses déficits budgétaires ne soient pas chroniques, ni surtout disproportionnés par rapport à ses revenus).

      Et le fait d’emprunter auprès de ses propres citoyens, comme le Japon, lui permet de sécuriser sa dette en évitant de l’exposer à la spéculation des marchés financiers internationaux.



      En ajustant les taux d’intérêt (loyer de l’argent, taux du crédit), l’État peut régler la carburation du moteur selon qu’il est préférable que la population épargne ou au contraire consomme :

      si l’emballement de la consommation provoque une flambée d’inflation (une augmentation excessive des prix qui détruit la valeur de l’épargne et des pensions), une augmentation des taux d’intérêts incite à épargner et donc moins consommer.

      si au contraire, le chômage augmente par une insuffisance de consommation qui affaiblit la production, baisser les taux d’intérêt joue en faveur de la consommation tout en rendant l’épargne existante plus accessible (moins chère) pour les investissements productifs.



      Conséquences des changements structurels les plus problématiques dans les dernières décennies :

      De l’irrigation à la dévastation : prenons un exemple d’ordre climatique.

      ● Une pluie fine est favorable aux cultures, car elle s’infiltre lentement dans la terre sans endommager les cultures.

      ● En revanche, des pluies diluviennes dévastent les cultures, et leur fréquence peut aller jusqu’à stériliser les sols, le ravinement emportant la terre fertile…

      Des échanges équilibrés entre territoires à faible disparité de développement économique permettent de tirer vers le haut le moins avancé, sans nuire au plus développé.

      Mais la confrontation économique brutale de territoires à trop forte disparité de niveau de vie et de coûts de production a déclenché de très fortes perturbations à l’échelle planétaire qui lessivent et stérilisent les économies industrielles des pays développés, tout en exacerbant les disparités entre riches et pauvres dans les pays émergents.

      L’économie de la mondialisation prétend substituer la pierre philosophale à la philosophie d’une gouvernance politique responsable.

      L’idéologie néolibérale brouille les cartes en servant au commun des mortels des formules magiques digne de l’alchimie. Mais ses pratiques s’apparentent à celles d’un chercheur d’or capable de dynamiter la montagne et d’empoisonner les rivières au mercure, pour satisfaire sa fièvre du métal jaune. Ses fins (l’enrichissement personnel) justifient tous les moyens

      Le keynésianisme se méfie des dogmes et flexibilise ses moyens, en donnant la priorité aux revenus du plus grand nombre, via l’emploi. Il fait appel aux qualités de patience et de mesure du jardinier philosophe, qui sait que l’on doit composer avec les équilibres naturels, mais qu’il en coûte de prétendre les orchestrer et plus encore de les détourner.

      Et du jardin à la cuisine, il n’y a qu’un pas…



      Difficiles politiques de relance : « de l’autocuiseurà la passoire ».

      ►►►►De l’autocuiseur…►►►►►►► …à la passoire

      ● Les politiques keynésiennes consistant à jouer sur les taux d’intérêt pour réguler l’épargne et l’investissement, et à soutenir la demande de consommation en augmentant les revenus (salaires et prestations sociales), sont comparables à un art culinaire délicat.

      Il faut savoir régler la puissance et le temps de cuisson,

      avoir l’expérience moléculaire et gustative des ingrédients,

      mais également économiser l’énergie (gaz, électricité), dont le coût est élevé.



      ● Avec la dérégulation des échanges et l’effacement des frontières commerciales, qui n’ont cessé de progresser depuis les années 1980, les autocuiseurs nationaux sont devenus des passoires !

      C’est tout du moins le cas des États qui obéissent le plus naïvement aux injonctions néolibérales.

      La conséquence est évidente : plus une économie nationales est importatrice nette de biens et services de consommation courante, et plus les efforts d’augmentation des revenus des consommateurs profitent aux importations. Les retombées positives pour la production locale ne sont donc que marginales. Et l’accroissement des coûts de production dû à l’augmentation des salaires nuit à la compétitivité internationale de l’économie locale.

      Ainsi, plus le cuisiner gouvernemental augmente le feu de la cuisson, et plus la vapeur s’échappe pour aller arroser le jardin des voisins, ou plus précisément des pays les plus exportateurs…

      La durée nécessaire des politiques de relance s’accroît et leur coût explose, pour un résultat finalement réduit et un effet de moins en moins durable.



      Effets délétères des politiques de rigueur :

      Si, au contraire, les économies en panne et donc anémiques, s’appliquent les remèdes de rigueur des idéologues néolibéraux, ils saignent le malade au lieu de le fortifier.

      ● Pour recourir à une autre image, c’est au moment où l’avion, pris dans de graves perturbations atmosphériques, est en perte de vitesse et tente de reprendre de l’altitude, que le pilote reçoit du comptable de sa compagnie l’injonction de réduire les gaz pour remédier au déficit budgétaire pointé du doigt par son banquier !

      Si le pilote obéit, le sort de l’équipage et des passagers est malheureusement prévisible…

      Or c’est précisément l’attitude qu’a eu l’Union Européenne vis-à-vis de ses membres au lendemain de la crise de 2008.

      Notons, à ce sujet, qu’avec les compagnies aériennes dites low cost, il arrive que la métaphore devienne réalité :

      Cliquer :
      « Avions à court de carburant: ce qui est reproché à Ryanair »

      ● Mais le plus inquiétant dans ce déficit d’altitude de l’UE, c’est certainement l’absence de réflexion de ses docteurs Diafoirus quant aux causes systémiques de ces perturbations atmosphériques, qualifiées bien trop banalement de crises économiques.

      Car non seulement ils ne paraissent toujours pas prendre la mesure de la liberté des marchés et de la responsabilité de la dérégulation des échanges dans ce processus, mais ils semblent bien déterminés à persévérer dans cette voie.

      Errare humanum est, perseverare diabolicum



      Comment ces changements ont-ils été opérés par les décideurs politiques ?

      ● La révolution néolibérale présente deux particularités qui la distinguent des révolutions communistes et des contre-révolutions fascisantes :

      Bien qu’elle puisse être décrétée par un gouvernement totalitaire, comme l’ont fait Pinochet ou Deng Xiao Ping, elle ne résulte pas nécessairement d’une prise de pouvoir violente.

      Et du point de vue de la gouvernance économique, elle n’a surtout pas pour objectif de renforcer l’interventionnisme d’État.



      ● Les mutations opérées ont en fait tous une origine réglementaire a priori paradoxale :

      comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises, ce principe étant central dans le cas du néolibéralisme, le pivot de sa “philosophie” repose sur cet oxymore appliqué à l’économie :

      « Il est interdit d’interdire… »

      corollaire de ce paradoxe, ce sont les États qui ont pour rôle de décréter (le processus n’étant jamais conduit démocratiquement) leur propre renoncement à réguler leur économie.



      ● Pourtant, tout gouvernant responsable ne peut ignorer, comme tout bon éducateur, les dégâts entraînés par les principes extrêmes que sont le tout répressif et un laisser-faire sans limites…

      Le fait que nos gouvernements occidentaux de toutes appartenances politiques aient cautionné cet ultra-libéralisme, quitte à tenir ensuite des discours économiques volontaristes déconnectés de la réalité, faisant abstraction de leur impuissance consentie, laisse songeur à plus d’un titre.

      Leur renoncement à une régulation économique cohérente, sur la base du plus grand dénominateur commun à l’intérêt général de chaque population (donc à l’échelle nationale) résulte-t-il :

      d’un degré d’incompétence difficile à concevoir ?

      de conflits d’intérêts particulièrement cyniques,
      compte-tenu des conséquences ?

      voire, comme souvent, d’une combinaison des deux facteurs…

  • Dès 1945, au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale, s’ouvre une période de 30 années de prospérité économique, les Trente Glorieuses. Trois décennies de régulation économique de type keynésien, dont la réussite tient bien sûr aux besoins (reconstruction) et aux moyens mis en œuvre (plan Marshall), mais aussi en grande partie au fait que les États restaient maîtres de leur gouvernance économiques.

    Un facteur clé a été la cohérence géographique entre leur réglementation commerciale (droit commercial et droit des douanes) et leur réglementation socioéconomique (droit du travail, droit fiscal, droit social), dans le cadre de frontières uniques.

    • Les 30 Glorieuses, tout en nourrissant les corps (la démographie mondiale a explosé), développaient en elles le germe de la plupart des maladies dont nous ne parvenons toujours pas à nous guérir : celles résultant d’un modèle productiviste et d’une consommation de masse qui depuis se sont avérés destructeurs, et le sont de plus en plus, faute de prendre en compte et de prévenir leurs impacts environnementaux et sociétaux (externalités économiques négatives).
    • La fin de cette période, généralement située au premier choc pétrolier de 1973, est marquée par une inflation croissante jusqu’en 1982.
    • L’économie réelle (celle de la production, des services et de l’emploi) passe alors progressivement sous le contrôle de l’économie financière.
    • Un chômage de masse s’installe et ne cesse de croître jusqu’à nos jours. Les 3 décennies suivantes (de 1975 à 2005) sont parfois qualifiées de Trente Piteuses.

    C’est au cours des années 1970 que les pays développés commencent à mettre en œuvre le mouvement de libéralisation des marchés qui connaîtra une ampleur sans précédent à partir des années 1980 : le double processus de mondialisation commerciale et de globalisation financière qui ne cessera de s’amplifier jusqu’à ce jour.

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    • Dérégulation et déréglementation ne feront que déresponsabiliser les acteurs économiques, et en intensifiant les échanges commerciaux et la consommation de masse, amplifient les dommages collatéraux de cette économie sans frontières…

      Le principal inspirateur des thèses monétaristes à l’origine de ce mouvement
      … est l’économiste américain Milton Friedman, fondateur du courant de l’École monétariste de Chicago, au sein de l’université de Chicago où il enseigne de 1946 à 1975.

      Opposé à la théorie keynésienne de la régulation économique par l’État et aux politiques de relance, l’École de Chicago de Milton Friedman professe notamment :

      ● l’abandon des taux de change fixes, au profit de taux de change flottants au gré du marché des devises,

      ● l’alignement de la masse monétaire sur le taux de croissance de l’économie, afin de limiter l’inflation,

      ● l’acceptation d’un taux de chômage structurel, dû selon Friedman aux imperfections du marché du travail. Il entend par là l’existence d’un droit du travail…

      ● le désengagement des gouvernements de toute autre régulation économique (l’État n’étant pas la solution, mais le problème),

      ● la liberté totale d’entreprendre et le laisser-faire des marchés.

      C’est en 1962 que ses thèses commencèrent à gagner le grand public américain, avec la publication de son ouvrage Capitalisme et Liberté, et plus largement encore en 1980 avec ses séries télévisées vantant la supériorité du libéralisme économique.

      Il fut le conseiller des présidents américains Richard Nixon (1969-1974) et Ronald Reagan (1981-1989).



      Son idéologie gagna rapidement une grande partie du continent américain,
      … du Canada au Chili et à d’autres pays d’Amérique Latine, comme l’Argentine.

      Le cas du Chili est particulièrement éloquent de l’influence de Friedman.

      Milton Friedman enseigna dès 1956 un groupe d’économistes chiliens, les Chicago Boys.

      Ces derniers travaillèrent plus tard pour la dictature militaire du général Pinochet (1973-1990), après le renversement du président chilien Allende le 11 septembre 1973 par l’armée et la police chilienne, conseillées et soutenues par la CIA. Le président ALLENDE, démocratiquement élu, périt lors de l’assaut du palais présidentiel, officiellement suicidé…

      Friedman écrit à Pinochet pour lui prodiguer personnellement ses conseils en matière économique et lui rend même visite en 1975.

      ● Une telle compromission n’empêcha pas les travaux de Milton Friedman d’être consacrés par le prix Nobel d’économie en 1976.

      En effet, les Chicago Boys justifiaient et soutenaient ouvertement la dictature militaire. Il mirent à profit sa violence pour imposer au pays les réformes structurelles néo-libérales qui aboutirent au chaos économique de 1981. Lors des mesures “correctives” prises en 1982, le taux de chômage était de 21% (alors qu’il n’était que de 5% avant le putsch de 1973) et atteint même 31% l’année suivante, le déficit de la balance des paiements était également de 20% (multiplication par 3 de la dette du pays entre 1977 et 1981), l’inflation grimpa à 20%.

      Quels furent finalement les bénéficiaires de l’aventure du néolibéralisme forcené au Chili ?

      Le budget militaire au service de la junte est passé de 10% en 1973 à 32% en 1982.
      Les revenus des 10% des ménages les plus riches ont augmenté près de 30 fois plus vite que ceux des 10% des ménages les plus pauvres.

      ● Il est particulièrement notable que ce néo-libéralisme n’a pu s’implanter au Chili que par la force.

      Le Rapport Rettig, “Rapport de la Commission nationale Vérité et Réconciliation” (Comisión Nacional de Verdad y Reconciliación - CNVR) résultant d’une enquête sur les violations des droits de l’homme commis sous la dictature de Pinochet au Chili de 1973 à 1990, conclut à :

      plus de 3 000 morts et disparus, essentiellement dans les cinq premières années du régime,
      plus de 35 000 torturés,
      des dizaines de milliers d’arrestations de dissidents.
      Pendant cette période, plusieurs centaines de milliers de chiliens ont dû s’exiler.

      Il fallut attendre le retour de la démocratie en 1990 pour assister à une renaissance économique du pays au cours des années 1990 et à un recul significatif de la pauvreté.



      Mais l’influence de Friedman ne se limita pas au continent américain.

      ● L’adoption de ses thèses économiques néo-libérales concernant le monétarisme, la privatisation du secteur public, la déréglementation économique, la défiscalisation des revenus et des bénéfices, furent largement mises en pratique par la Grande Bretagne de Margaret Thatcher, par l’Islande ou par l’Estonie, économies considérées comme les plus libérales d’Europe.

      ● Dans les années 1980-1990, Milton Friedman collabore activement avec les dictatures communistes de l’Est et celle de la Chine, auxquelles il dispense intensivement ses enseignements.

  • Quand et comment la République Française a-t-elle basculé dans l’idéologie néolibérale ?

    Cette question revient à examiner de plus près les circonstances de la dénaturation d’un libéralisme économique encadré par les institutions démocratiques de l’État souverain, par des acteurs économiques privés, devenus suffisamment puissants pour neutraliser ces institutions et imposer leur pouvoir aux populations, en ralliant à leur cause des décideurs politiques pourtant démocratiquement élus…

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    Le général De Gaulle, Président de la République Georges Pompidou, Premier Ministre
    ►►
    ►►►►►►►►►Mai 1967►►►►►►►Juin 1967

    Quant au pourquoi, sans doute le film d’Henri Verneuil, Le Président (1961) est-il plus éloquent que bien des expertises politiques, sur les raisons de l’idéologie néolibérale et des pratiques de l’Union Européenne qui, à ce jour, ont davantage contribué à défaire les systèmes sociaux de ses membres, qu’à construire une Europe sociale, politique et fiscale commune, remédiant aux effets de dumping interne destructeurs de leur développement socioéconomique.

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    • Jacques RUEFF, l’homme-clé du virage néolibéral de la France, voire de l’UE.

      Le haut fonctionnaire et économiste français Jacques Rueff, proche du courant économique de l’école autrichienne de Friedrich Hayek, était très opposé aux idées keynésiennes dès leurs premières applications dans les années 1930, ainsi qu’aux propositions de James Tobin (taxe sur les transactions financières).

      Il voyait dans la libre concurrence et la loi du marché la condition première de l’expansion économique. Ses vues influencèrent la formation du marché commun et la politique économique de l’Union Européenne. De plus, l’école autrichienne d’économie dont il s’inspira, s’opposait à l’interventionnisme économique de l’État, auquel il déniait toute compétence en la matière.

      Il publie en 1960 avec Louis Armand le « Rapport du Comité pour la suppression des obstacles à l’expansion économique », dit « plan Rueff-Armand ».

      Les thèses de RUEFF bénéficièrent de l’entrée de l’économie française en stagflation (concomitance de l’inflation et de la stagnation de l’activité économique) à la suite des chocs pétroliers des années 70 mettant en échec les plans de relance d’inspiration keynésienne.

      Malheureusement, KEYNES le non-dogmatique n’était alors plus de ce monde. Car lui n’avait pas hésité à revoir ses positions lorsque les mutations du contexte économique le justifiaient (notamment sur le libre-échange et le protectionnisme). Une nouvelle analyse keynésienne née de ses intuitions brillantes aurait-elle permis d’ouvrir une voie alternative au « tout marché » ?


      Quant à la date du virage politique de la France vers un libre-échange imposant une compétitivité croissante, à quelques jours d’intervalle, deux discours nous apportent une réponse assez précise.

      Lors d’une conférence de presse à l’Élysée, le 16/05/1967, bien que préparant son auditoire et les Français à de profondes mutations dues à la mise en concurrence des 6 pays membres fondateurs de la Communauté Européenne, le Président de Gaulle fixait néanmoins des limites au libéralisme.

      Discours du Président Charles De Gaulle le 16/05/1967 :

      « Ces conséquences, c’est que nous sommes obligés à une évolution économique constante, que tout nous commande de conjuguer avec la progression sociale. En quoi consistent cette évolution et cette progression ?

      Dès lors que notre pays abaisse ses barrières protectrices, il est nécessaire que nos industries s’adaptent continuellement aux exigences de la concurrence, et ça implique qu’un vaste effort de productivité avec tout ce qui s’y rapporte de recherche, d’investissement, d’équipement soit mené par nous sans relâche.

      Pour cet effort, il y a deux leviers concevables, chez nous comme ailleurs.

      L’un c’est la contrainte totalitaire, c’en est un.
      Et l’autre, c’est l’esprit d’entreprise, c’en est un autre. Nous avons choisi le second, et cela pour des raisons qui tiennent à notre caractère national, au degré de notre développement et à la comparaison entre les résultats respectivement obtenus par l’un et l’autre système quant au rendement, quant à la prospérité collective et quant au sort matériel et moral de chacun.

      Alors, nous avons fait notre choix qui consiste à ouvrir la carrière à la liberté, mais nous rejetons absolument le laisser-faire, laisser-passer, et nous voulons qu’en notre siècle ce soit la République qui conduise la marche économique de la France.

      C’est dire que tout ce qui a été entrepris d’une manière systématique va être poursuivi systématiquement sur la même ligne, en ce qui concerne aussi bien la modernisation de l’industrie, de l’agriculture, du commerce, que le développement rationnel de nos diverses régions. Mais, il va de soi que les changements apportés à la structure et à l’emplacement, aux structures, aux emplacements de nos activités nationales, nous posent des problèmes sociaux. Et c’est avant tout le cas pour l’emploi.

      Qu’il s’agisse des jeunes, qui en sortant des écoles doivent entrer dans une carrière ou bien des adultes dont les réformes mettent quelquefois et souvent en cause la situation ou de tous les salariés, cadres compris, que la productivité grandissante des entreprises obligent à améliorer leur technique. Il est nécessaire d’aménager leur destination, leur mobilité et leur capacité.

      Comment ? Information organisée à l’échelon national quant aux offres et quant aux demandes d’emploi. Formation et perfectionnement professionnel. Encouragement apporté à la création d’entreprises nouvelles. Aide, prêter directement aux travailleurs qui sont l’objet d’une mutation. Voilà les moyens à employer pour cette adaptation qui est inhérente au progrès et à la concurrence.

      Il va de soi que le bon sens, et le bon sens l’exige, que les administrations publiques, les directions des entreprises, les organismes professionnels, en face d’un pareil changement, se tiennent en contact régulier et objectif. Mais ça implique qu’il ne s’agisse pas de confrontations empoisonnées par des manœuvres politiques.

      Cette rénovation, car c’en est une, a besoin, à partir de la base, d’une impulsion et d’un ressort. Sans doute, faisons nous en sorte, pour atteindre ces buts à long terme, que l’éducation nationale s’ouvre à tous les échelons, à tous les jeunes, et que l’orientation les répartisse suivant les disciplines, d’après leurs aptitudes propres, et les besoins de la collectivité.

      Mais il est également nécessaire, que pour adhérer franchement, ardemment à la transformation de la France, les travailleurs participent, non pas seulement au gré des contrats relatifs à leur salaire, mais d’une manière organique et en vertu de la loi au progrès de l’expansion. Que ceci se traduise en bénéfice ou en enrichissement.

      Dans cette voie qui nous conduit sans aucun doute à un ordre social nouveau, fondé sur l’association, en même temps que sur l’esprit d’entreprise, déjà quelques parts, ont avec avantage, été essayés de-ci de-là, mais maintenant c’est une étape que nous avons à franchir. Voilà ce qui est fait, voilà ce qui est à faire, pour bien voir et traiter un pareil ensemble, il ne faut pas que les arbres cachent la forêt, et il ne faut pas que les partis pris obscurcissent l’intérêt général. »

      En juin 1967, le Premier Ministre, Georges Pompidou, fait l’apologie de la concurrence, et déclare la guerre au protectionnisme en s’adressant aux entreprises :

      Discours du Premier Ministre Georges Pompidou en juin 1967 :

      « Le problème de la concurrence à l’intérieur du marché commun, est un problème sérieux, un problème grave. Seulement, ce que je souhaiterais pour ma part, c’est que ceux qui s’adressent comme vous-mêmes, aux industriels, aux commerçants, à ceux qui dirigent l’économie, au lieu de leur dire « ça va mal , et c’est la faute du gouvernement», leur disent « vous avez, pendant 50 ans, vécu à l’abri de protections inadmissibles. Pendant 50 ans, vous étiez tranquilles. Chacun produisant sa petite affaire, sans savoir à quel prix de revient, et la vendait tranquillement avec son petit bénéfice. Il y avait de bonnes frontières douanières, il n’y avait aucune concurrence, et le client français était traité comme un client qui était obligé de payer ce qu’on lui donnait au prix qu’on demandait.

      Nous vivrons et l’économie française, et les industriels et les commerçants français, doivent vivre désormais dans la préoccupation permanente. Il s’agit de se dire qu’ils sont toujours menacés par la concurrence, qu’il faut toujours qu’ils fassent mieux, qu’il faut toujours qu’ils produisent à meilleur compte, qu’ils vendent la meilleure marchandise à meilleur prix, et que c’est ça la loi de la concurrence et la seule raison d’être du libéralisme. Car si ça n’est pas ça, je ne vois pas pourquoi on se livrerait à … ce genre de spéculation et pourquoi on prendrait tous ces risques et tous ces dangers. Nous serons donc en risque permanent et le gouvernement en est parfaitement conscient. Son rôle est de diminuer ces risques parfois, mais son rôle n’est certainement pas d’inviter les gens à la paresse en leur créant de nouvelles protections. »

      « la meilleure marchandise à meilleur prix ».

      Tout l’enjeu d’une concurrence responsable porte sur cette ambiguïté : si le meilleur prix est obtenu au détriment de la qualité sociale et environnementale, cette marchandise n’est pas la meilleure. Mais faute de transparence économique, il est impossible de le savoir, et la destruction de VALEUR s’opère en toute opacité et en silence, le PIB et le taux de croissance n’en tenant aucun compte…

      Voir nos pages :

      > Du prix qui tue…

      > au prix durable de la qualité

      ainsi que nos pages :

      > de la VALEUR en économie…

      > aux VALEURS de civilisation

      Que pouvons-nous en conclure ? Les positions de deux hommes diffèrent-elles sensiblement ? Peut-on y voir l’origine du clivage actuel entre la droite libérale et les gaullistes historiques ?

      Ou malgré la dureté de la déclaration de Georges Pompidou, assimilant le protectionnisme à un encouragement à la paresse, faut-il considérer que les risques économiques subis par les entreprises à l’intérieur d’un marché commun entre 6 pays seulement, dont le niveau de développement était proche, sont sans comparaison avec la guerre économique de la mondialisation néolibérale parvenue au stade actuel ?

      Mais Georges Pompidou précise bien que le gouvernement est parfaitement conscient des conséquences de l’insécurité économique voulue par lui, afin de briser la situation de rente dont jouissent, selon lui, les entreprises. Il estime que cela les forcera à réduire leurs marges sans sacrifier la qualité. Et nous voyons déjà affirmer le credo néolibéral de la Commission Européenne, parfaitement conforme à celui de l’OMC, du FMI et de la banque mondiale, qui n’a jamais cessé d’être imposé par ces organisations depuis lors…



      Or c’est Georges Pompidou devenu Président de la République en 1969, qui, après avoir imposé la libéralisation des échanges commerciaux conformément aux traités successifs de Paris du 18 avril 1951 (instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la CECA) et celui de Rome en 1957 (ou traité CE instituant la communauté européenne), procède en janvier 1973 à la libéralisation financière portant sur la privatisation du financement de la dette publique : loi du 3 janvier 1973 sur la Banque de France. Avec 20 ans d’avance sur le traité de Maastricht, cette loi obligeait désormais l’État à financer ses déficits en empruntant auprès des banques privées, au taux des marchés financiers, au lieu de se faire financer par la Banque de France, à taux Zéro. Ce fut le début de l’effet boule de neige de la dette publique de la France.

      Beaucoup virent dans cette gouvernance politique de notre république, la main invisible des banques d’affaires, et notamment de la banque Rothschild dont Georges Pompidou, brillant littéraire et non économiste de formation, avait été Directeur général de 1956 à 1962, date de sa nomination comme Premier Ministre par le général De Gaulle.

      Cette loi a été élaborée par le gouverneur de la Banque de France, Olivier Wormser, et le ministre de l’économie et des finances de Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing. Lequel proposa en 2005 le très néolibéral traité de l’Union Européenne… Bien que rejeté démocratiquement par les peuples de plusieurs pays membres, à la suite de consultations référendaires, il fut imposé en 2007 par les dirigeants des pays membres, sous la forme à peine remaniée du traité de Lisbonne.


Des repères désorientés dans un monde en plein bouleversement.

Nous allons tenter de positionner les idéologies et les différents systèmes politiques sur ce spectre des couleurs :


  • Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et jusqu’au début des années 1980, nous aurions pu classer les systèmes politico-économiques de la planète de la manière suivante :

    Blocs communistes et leurs alliésPays non alignésSystèmes capitalistes d’économie mixteUSA et systèmes ultra-libérauxDictatures alliées des USA

    … à quelques nuances près.

    (lire la suite…)

    • Des extrêmes politiques qui n’avaient en commun que la violence d’État.

      ● D’un point de vue géopolitique, le vieil ours soviétique de l’après-guerre ne se confondait certes pas avec la jeune fédération communiste chinoise. Et les rivalités des deux géants communistes furent fréquentes. Mais tous deux étaient le produit d’une révolution se réclamant d’une idéologie commune basée sur le concept de dictature du prolétariat, et mirent en œuvre au nom de la justice sociale des réformes socioéconomiques anticapitalistes radicales.

      Or dans les deux cas, seule la dictature a résisté au temps, non celle des ouvriers et des paysans au nom desquels, sinon par qui, la révolution avait été conduite, mais celle d’un Politburo et de sa caste dirigeante, la Nomenklatura en U.R.S.S., et ses équivalents en Chine, qui échappèrent à l’uniformisation de la pauvreté des populations.

      Le culte de la personnalité, tellement contradictoire avec les principes du communisme, y a pourtant atteint des sommets, envers des dirigeants qui ont en fait été responsables des pires épisodes de l’histoire de leurs populations : en U.R.S.S. le petit père des peuples, Joseph Staline, durant 24 ans de pouvoir sans partage et de purges meurtrières, et en Chine, le grand timonier, Mao Zedong, qui guida la pensée et l’action révolutionnaire pendant 27 années, dont 10 années d’une Révolution Culturelle aussi délirante que destructrice. Aujourd’hui encore perdure en Corée du Nord, la très ubuesque dynastie des Kim.

      L’éphémère mais innommable régime des Khmers rouges au Cambodge, d’inspiration maoïste, extermina plus de 20% de la population cambodgienne en moins de 5 ans ! Il est difficile d’oublier qu’il fut le fruit de la réaction en chaîne qui se déclencha au Vietnam à la suite de l’échec des Français à mener à bien un processus concerté de décolonisation de l’Indochine…

      ● A l’autre extrémité se situaient les dictatures d’extrême-droite, dont l’idéologie commune se résumait à leur anti-communisme, généralement soutenues par les États-Unis. Les plus emblématiques de cette période de Guerre-Froide furent les dictatures militaires d’Amérique Latine des années 1970 et 1980 : Argentine (1976-1983), Bolivie (1964-1982), Brésil (1964-1985), Chili (1973-1990), Panama (des régimes autoritaires pro et anti-américains s’y succédèrent de 1968 à 1999), Paraguay (1954-1989), Uruguay (1973-1985), etc.

      L’histoire retiendra au nombre des pires exactions de ces dictatures, les sinistres escadrons de la mort qui se sont particulièrement distingués lors de l’Opération Condor, campagne d’assassinats et lutte anti-guérilla concertée et coordonnée entre dictatures d’Amérique Latine, avec le soutien des États-Unis. Ce constat ne relevant pas d’une quelconque théorie du complot, mais bien des faits avérés par les témoins survivants et ultérieurement avoués par les services secrets impliqués…

      S’il est également vrai que les pratiques d’enlèvement et de détention d’otages, et autres exactions commises par les guérillas d’Amérique Latine, ne plaident pas davantage en leur faveur, force est de reconnaître qu’elles n’auraient pas vu le jour sans la légitime aspiration des populations opprimées à se libérer. En outre, malgré l’activisme intense de l’opposition communiste, hormis le régime castriste de Cuba, son accession au pouvoir sur ce continent fut aussi rare qu’éphémère. L’oncle Sam y veillait et s’y employa sans relâche.

      ● Pourquoi range-t-on rarement les monarchies du Golfe dans cette catégorie de régimes totalitaires alliés traditionnels des États-Unis ou de l’Europe ? Est-ce le fait d’une realpolitik supposée servir nos intérêts économiques ? Ou est-ce dû à leur grande stabilité politique qui, jusqu’en 2011, ne laissait guère percevoir de signes d’une contestation populaire ? En conclut-on par facilité que, malgré l’étendue des interdits et la violence des châtiments infligés aux contrevenants, leurs populations adhérant à un système culturel commun sont donc consentantes ? Contrairement à l’Iran, dont les pratiques répressives envers sa population ne sont régulièrement dénoncées par les médias de part et d’autre de l’Atlantique que depuis sa révolution islamiste de 1979 qui fustige le Grand Satan américain…



      Le monde capitaliste occidental de la Guerre-Froide, rejoint par le Japon dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

      L’après-guerre fut une période mondiale particulièrement prospère, en grande partie du fait des progrès scientifiques et des innovations techniques qui présidèrent à ces décennies de reconstruction et de développement de la consommation de masse.

      Toutefois, ce monde capitaliste n’était pas homogène :

      En Europe de l’Ouest et au Japon, les États démocratiques privilégiaient un système d’économie mixte, dans lequel se complétaient les activités du secteur privé, et les services publics assurant les fonctions d’intérêt général. Et surtout, ils mirent en place un système de protection sociale qui contribua largement à leur assurer pendant cette période une justice sociale garante de leur stabilité politique et de leur développement socioéconomique : capitalisme rhénan, modèle français (la généralisation de son système de sécurité sociale ayant été programmée par le Conseil National de la Résistance avant même la fin de la guerre), etc.

      Aux États-Unis, c’est un capitalisme beaucoup plus libéral qui dominait déjà (capitalisme anglo-saxon) et qui s’affranchit toujours davantage de la gouvernance publique, au détriment de la protection et de la justice sociale, sous l’influence des chefs de file de l’idéologie néolibérale. Le plus marquant fut Milton Friedman (voir ci-dessous), conseiller des présidents Nixon et Reagan, qui conduisit le pays à rompre avec les politiques de régulation keynésienne d’avant guerre, notamment le New Deal, qui avait permis au président américain Franklin Delano Roosevelt entre 1933 et 1938 de lutter contre les effets de la Grande Dépression de 1929. Il inspira fortement la politique de M. Thatcher au Royaume-Uni.

      Le même Milton Friedman prodigua ses conseils économiques aux dictatures militaires d’Amérique du Sud. Leurs économistes (notamment, les Chicago Boys chiliens) étaient formés par lui depuis 1956. Mais il est vrai que dans les années 80, il prêcha également sa bonne parole en U.R.S.S. et en Chine, à laquelle cette dernière ne demeura pas insensible comme nous avons pu le constater par la suite…



      Kleptocraties d’Afrique et d’ailleurs.

      Le phénomène de dirigeants voleurs et de corruption généralisée se retrouve sur tous les continents, même sans lien avec d’ex-colonisateurs.

      Du Maghreb, du Mashreq ou d’ailleurs, il importe finalement assez peu de savoir où situer ces régimes autoritaires, à l’extrême droite ou à l’extrême gauche de notre spectre des couleurs, tant leurs justifications politiques sont généralement dénuées de véritable signification. Sinon que le fait de connaître l’origine de leurs soutiens internationaux peut aider à démêler l’écheveau d’une géopolitique planétaire dont la plupart des nœuds proviennent de la combinaison de prétendues raisons d’États et des puissants intérêts privés qui les motivent en réalité. Mais là encore, les contradictions les plus inattendues sont souvent au rendez-vous…

      Voir notre page L’ONU est-elle hors jeu ?

      ● Nombreuses sont encore les pseudo démocraties ou authentiques dictatures de la Françafrique, comme celles liées aux autres anciens colonisateurs européens.

      La décolonisation de l’Afrique ne s’est pas toujours traduite par une véritable indépendance. Les anciens colonisateurs ont parfois eu recours au crime pour influencer à leur avantage le destin de ces nouveaux États. Les circonstances de l’assassinat du leader congolais Patrice Lumumba au Katanga en 1961 et de Thomas Sankara en 1987 au Burkina Faso ne laissent guère de doute quant à la nature pro-capitaliste et à l’origine des commanditaires.

      ● A l’inverse, en Éthiopie, le régime révolutionnaire sanguinaire de Mengistu de 1977 à 1991, se réclamait de l’idéologie marxiste-léniniste. Depuis la décolonisation, les régimes à bannière communiste ont été nombreux en Afrique : Angola, Mozambique, Somalie, Bénin ou Congo-Brazzaville, dont le Président Denis Sassou-Nguesso fait l’objet de plaintes pour “recel de détournement de fonds publics” dans l’affaire des biens mal acquis, comme 4 autres Présidents africains.



      “Non-alignés” et autres résistants aux idéologies dominantes opposées

      ● Les pays non-alignés sont trop nombreux et divers pour pouvoir être représentés en un seul point de notre gamme chromatique, plus symbolique que fidèlement descriptive.

      Mais :

      d’une part, ce sont les racines historiques socialisantes des initiateurs de ce mouvement qui, malgré son refus d’appartenir à la zone d’influence soviétique, et en dépit de nombreux paradoxes (comme ceux de Norodom Sihanouk, le souverain du Cambodge), le situent plutôt du côté gauche du spectre géopolitique. C’est d’ailleurs essentiellement cet argument qui a conduit un temps la République Populaire de Chine à faire partie de cette organisation.

      et d’autre part, c’est surtout le rejet par les non-alignés du Consensus de Washington (lequel impose les règles néolibérales du FMI et de la Banque Mondiale), qui en faisait alors clairement des opposants à l’idéologie néolibérale actuellement aux commandes de la mondialisation économique.

  • Mais depuis les années 1980, et surtout après l’effondrement du bloc soviétique, la situation s’est nettement complexifiée

    • Car même des partis politiques traditionnellement critiques et combatifs à l’égard du capitalisme ont intégré l’idéologie néolibérale anglo-saxonne, sinon dans le discours, en tout cas dans les faits.
    • Et les multinationales des pays de l’ancien bloc anticommuniste ont fait du dernier géant rouge, la Chine, le moteur de la chaîne de montage de leurs sur-profits mondialisés et largement défiscalisés. Comment cette improbable soudure a-t-elle été réalisée ?
    Les politiques de réformes structurelles imposées par (ou plutôt via) les principaux organismes économiques supranationaux et l’UE ont œuvré sans relâche à la dérégulation ultra-libérale du commerce et des marchés financiers, qui caractérise la mondialisation actuelle.►►►►►►

    La conversion du Parti Communiste Chinois au capitalisme dans les années 1990 a bouclé ce spectre politico-économique planétaire à la manière d’un ruban de Möbius

    (lire la suite…)

    • En France, à partir de 1983, le Parti Socialiste alors au pouvoir, rompt avec la doctrine économique socialiste et effectue une conversion rapide et durable au libéralisme.

      Le même virage est pris par les autres partis socio-démocrates européens et ailleurs dans le monde, dont les différences avec les politiques économiques des partis libéraux deviennent de moins en moins perceptibles.

      Cela s’est rapidement traduit en France par une inversion du rapport entre la rémunération du travail et celle du capital, comme nous le précisons en page Gagnants et perdants de la mondialisation.

      A l’échelle mondiale, la tendance fut de plus en plus de :

      permettre aux actionnaires et aux fonds de placements (la rente) de maximiser leur profit grâce à la plus-value des investissements spéculatifs, plutôt que par des dividendes correspondant à l’évolution naturelle de l’activité économique réelle de production et de services,

      diminuer les coûts de l’économie réelle, pressée de toujours accroître ses marges. C’est le travail humain qui a été le facteur d’ajustement ciblé en priorité (augmentation de la productivité salariale et dégradation des conditions de travail, ralentissement des hausses de salaires, voire stagnation des revenus, et perte de pouvoir d’achat à qualité constante de biens et services, masquée par la baisse de cette dernière, et finalement délocalisation des emplois vers des territoires à bas coût),

      négliger les risques sociaux et environnementaux dans les pays de production,

      ● et laisser partout à la charge de la collectivité les conséquences des externalités économiques négatives (dommages collatéraux) découlant des pratiques économiques irresponsables.

      Nous constatons à cet égard à peu près la même évolution dans toute l’Union Européenne qu’ailleurs dans le monde.

      Le facteur clé de ce processus a certainement été l’incroyable conversion de la Chine communiste au capitalisme le plus effréné à partir de 1991.

      ● Car ce poids lourd démographique planétaire livrant à une économie mondiale mercantiliste sans éthique sa population sans droits, habituée à une soumission à peu près totale à son régime politique dictatorial, a constitué un turbo-moteur pour les profits des investisseurs internationaux.

      ● Au-delà, la capitalisation du système économique chinois a surtout été un levier idéal de chantage de la part de ces investisseurs à l’encontre des populations de pays démocratiques bénéficiant d’un droit du travail effectivement appliqué, afin de les amener progressivement à renoncer soit à leur droit du travail, soit à leur droit au travail, mais en réalité le plus souvent aux deux. Le contre-exemple allemand pourra-t-il longtemps faire exception à cette tendance lourde ?

      ● La généralisation du même principe a été rendue possible par la dérégulation des échanges orchestrée par l’OMC, le FMI, la Banque Mondiale et les instances supranationales telles que l’Union Européenne, au profit des entreprises multinationales, et au détriment des territoires démocratiques et des populations les plus attachées à leurs droits…

      C’est à partir du moment où des pays se prétendant non-alignés deviennent membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (ou au moins candidats à leur admission), que leur qualité de non-alignés perd tout son sens,

      …la politique de l’OMC étant parfaitement cohérente avec celle du FMI et de la Banque Mondiale, dont elle est en réalité complémentaire.

      ● De notre point de vue, c’est la traversée de ce Rubicon qui marque le véritable basculement historique du monde politiquement bipolaire de l’après-guerre et de la période de guerre-froide, dans le nouvel ordre de la mondialisation économique, responsable de la plupart de nos pertes de repères dont découlent l’inversion et la destruction de nos valeurs vitales au nom du profit.

      Ce nouvel ordre mondial est la résultante d’un nouveau rapport de forces opposant :

      non plus tellement des pays, malgré les apparences d’une concurrence commerciale agressive entre pays émergents et anciens pays industrialisés,

      mais plutôt des intérêts particuliers mondialisés tirant avantage des disparités territoriales, à l’intérêt général à long terme des populations dans le monde entier.

      Car ce nouveau clivage oppose désormais les intérêts des multinationales affranchies des lois nationales démocratiques, à ceux de populations locales constatant, impuissantes, que leurs lois étant ainsi contournées et donc neutralisées, elles se trouvent désormais soumises à la seule loi du marché, celle du libre-échange et de la concurrence sauvage.

      ● Remplaçant la bipolarité politique de la Guerre-Froide, cette nouvelle bipolarité, de nature socioéconomique, est la conséquence d’une mondialisation consumériste qui, faute d’avoir été canalisée, a induit un système mondial productiviste livré aux seules lois de la finance.

      ● Sans doute est-ce plutôt dans le mode de fonctionnement des entreprises multinationales, y compris financières, et leurs relations avec le pouvoir politique, que siège désormais le véritable néocolonialisme économique, dans la mesure où il repose sur leur connivence avec des dirigeants corrompus et des systèmes totalitaires, au détriment de la situation socioéconomique et des droits fondamentaux de leurs populations.

      ● C’est ainsi que, plus surement que tout les putschs militaires fascistes ou toutes les révolutions maoïstes de l’histoire, cette mondialisation économique confisque la démocratie des populations qu’elle hypnotise et endoctrine dans ses temples urbains (grande distribution) ou désormais virtuels (Internet) de la consommation.

  • La mondialisation économique actuelle présente donc une différence fondamentale de nature avec les échanges commerciaux mondiaux traditionnels de l’histoire de l’humanité.

    Elle résulte en fait d’une mutation virale combinant 3 modèles qui ont contribué à l’expansion économique moderne des puissances occidentales :

    ● le Commerce Triangulaire esclavagiste, qui connut son apogée aux XVIIIe et XIXe siècles ;

    ● la Révolution Industrielle, des XIXe et XXe siècles.

    ● le capitalisme financier libéré de toute régulation étatique dans les dernières décennies.

    L’institutionnalisation contemporaine des échanges internationaux, représente une rupture fondamentale par rapport aux échanges du passé. Les grandes institutions mondiales que sont l’Organisation Mondiale du Commerce, le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale, ont eu pour rôle de contraindre et d’accélérer le rythme de ce processus.

    Cliquer sur les images pour voir les vidéos

    Milton Friedman inverse la réalité historiquePourtant, les faits sont sans appel

    Voir également notre page Homo Praedator… Homo Terminator ?

    (lire la suite…)

    • Pour comprendre les processus de la mondialisation et l’état actuel du monde, il est instructif de confronter le révisionnisme historique éhonté dans lequel excellait le chef de file du néolibéralisme, Milton Friedman, avec la réalité dont sont en mesure de témoigner tous les observateurs avisés, experts ou parfois victimes de ces processus, comme l’explique le documentaire suivant :

      Le film : “La fin de la pauvreté ?”

      Cliquer pour lire le résumé du film

      Cliquer pour écouter ses intervenants
      en rupture avec la « pensée unique »

      Le Fonds Monétaire International a imposé mécaniquement des réformes structurelles de type néo-libéral aux pays auxquels il venait en aide, comme condition pour l’octroi de prêts destinés à rembourser leurs dettes, sans mettre en cause les véritables raisons de leur endettement :

      pillage de leurs ressources naturelles et corruption généralisée au cœur de ces processus,

      complicité entre leurs dirigeants et les multinationales étrangères soutenues par leurs gouvernements,

      régimes politiques anti-démocratiques,

      maintien volontaire des populations à l’écart des dispositifs de développement socioéconomique - éducation, santé, emploi durable - généralement réservés aux protégés du régime).

      L’idéologie néo-libérale a également été largement mises en œuvre par la Banque Mondiale et la plupart des institutions financières internationales. Tous se référant systématiquement au « Consensus de Washington », directement inspiré de l’École de Chicago.



      Parmi 10 principaux points, ce plan de réformes prévoit :

      ● la privatisation du secteur public et des participations de l’État dans le secteur privé,

      ● la libéralisation des taux d’intérêt,

      ● la libéralisation du commerce extérieur,

      ● la déréglementation des marchés (abolition des barrières douanières à l’entrée et à la sortie)

      ● la libéralisation des investissements directs de l’étranger.

      La méthode employée jusqu’à présent relève d’une manipulation génétique de nature idéologique : injecter coûte que coûte les dogmes néolibéraux dans l’ADN de la mondialisation, la finalité étant de neutraliser les systèmes immunitaires des États et des territoires nationaux. La règle centrale du néolibéralisme, ou ultralibéralisme, est un véritable pied-de-nez au fameux slogan de mai 68 : il est interdit d’interdire ! Cette règle consistant à annuler toutes les autres, s’oppose à toute régulation des marchés par les États. Désormais, c’est le capital qui aura tous les droits.

      La généralisation progressive de cette politique de déréglementation du marché monétaire (cours monétaires flottants) comme de celui des biens et services (abolition des barrières douanières) crée une contrainte extérieure croissante (concurrence et dumping) qui oblige progressivement tous les pays à en faire autant.


      En conclusion :

      ● Les échanges commerciaux mondiaux qui caractérisèrent les plus anciennes routes terrestres et maritimes de la soie ou des épices, permettaient à des populations de valoriser leurs spécificités et leurs savoir-faire, en conservant le contrôle de leurs activités économiques et de leurs cultures.

      ● Si la traite humaine a toujours existé et a été pratiquée par quasiment toutes les civilisations à une période ou une autre de leur histoire, ce n’est qu’avec le commerce triangulaire qu’elle s’est inscrite au centre d’un processus intercontinental (Europe / Afrique / Amériques).

      ● Dans l’Europe du XIXe siècle, le marché totalement libre du travail, pourvoyait l’industrie en main d’œuvre corvéable à merci.

      ● Et ce n’est qu’avec la constitution d’un salariat contractuel réglementé, et l’apparition de syndicats, que l’industrie s’est vue contrainte de respecter un droit du travail, et de renoncer à des pratiques qui ne se différenciaient guère de l’esclavage que d’un point de vue juridique.

      ● La forme actuelle de mondialisation des échanges ne porte plus sur des biens et de services correspondant aux spécificités et aux savoir-faire des territoires, mais à la capacité des territoires à produire quoi que ce soit au moindre coût, de manière à optimiser les profits, sans considération d’origine des fonds et des investisseurs.

      ● Conséquence et condition de ce processus : les populations se trouvent dépossédées du contrôle de leurs savoir-faire et de leur économie locale, au profit d’investisseurs globalisés (groupes industriels, commerciaux et financiers, et leur actionnariat).


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