Développement Durable ou Décroissance ?

Une incompatibilité génétique ? Ou un simple malentendu résultant d’un mal-dit ?

Comme toujours, le sens donné aux mots est tributaire
de points de vue particuliers et d’erreurs de parallaxe

Les intérêts particuliers des observateurs ne sont pas sans influence sur leur jugement.

Les plus grands groupes industriels, commerciaux et financiers, font un usage croissant du concept de Développement Durable dans leur communication (rapports DD et RSE, marketing et publicité). Or ils sont dans le même temps les plus fréquemment mis en cause quant à leurs pratiques réelles (environnementales, sociétales et économiques), y compris à l’égard de leurs partenaires : sous-traitants, prestataires et fournisseurs, notamment dans les pays les moins développés ou les moins démocratiques.

Au final, c’est le concept même de Développement Durable (DD) qui est remis en question par les partisans de la décroissance, considérant que, pour les acteurs économiques se réclamant du DD, la notion de développement demeure trop indissociable de la croissance économique pour être crédible, celle-ci étant non soutenable par définition, autrement dit non durable.

Voir également notre page « Homo praedator… Homo terminator ? »


Parmi tant d’autres, deux voix complémentaires, celle de Klaus Wiegandt et celle de Dennis Meadows, sont sans ambigüité quant à l’espoir d’une croissance durable sur les bases économiques donnant au développement le sens productiviste et consumériste de la mondialisation.

►►►Klaus Wiegandt : les regrets d’un repenti ?Dennis Meadows : plaidoyer pour un prix durable
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« Il est trop tard pour un développement durable. Nous devons envisager un développement résilient … Créer des îlots de développement alternatif, capables d’exister au milieu d’un océan de non durabilité. »« Le “juste prix écologique” est l’un des aspects-clés du développement durable. Dans le système économique mondial actuel, presque tous les prix sont erronés. Parce que les coûts liés à la production et à l’utilisation des ressources, au lieu d’être calculés selon leur impact, sont en fait supportés par la collectivité. »



Pour libérer les concepts de leur gangue médiatique, il n’est jamais inutile de replonger au cœur des mots :

  • Développement : … indissociable de la notion de bien-être humain. Mais au-delà des besoins vitaux immédiats, la perception individuelle et collective du bien-être et de l’épanouissement varie d’une culture à l’autre, et même d’une personne à l’autre.
.Pour bénéficier au plus grand nombre, un développement socioéconomique soutenable suppose notamment la protection de l’environnement et une répartition optimale des fruits de l’activité économique.
  • Durable : … l’environnement peut-il durablement supporter les conséquences de l’activité humaine destinée à satisfaire les besoins des populations, c’est à dire de l’activité économique ainsi que d’autres aspects de nos modes de vie ? Il est nécessaire de s’interroger également sur l’impact de l’activité économique sur les populations elles-mêmes (conséquences politiques – disparités des droits fondamentaux – ou économiques – disparités de la répartition des revenus - et leurs conséquences multiples, sanitaires, fracture culturelle, etc.)
  • Croissance : … de quoi, pourquoi et comment ? L’économie mondialisée est encore évaluée dans l’optique exclusive d’une croissance économique purement comptable, celle du Produit Intérieur Brut (PIB).
    Or une activité économique génère des impacts non comptabilisés, positifs (emplois induits, revitalisation des territoires) ou au contraire négatifs (effet dominos des délocalisations, désagrégation sociale et violence, épuisement des ressources naturelles et destruction de la biodiversité, pollution, dérèglement climatique, etc).

Une mesure de la croissante NETTE nécessiterait leur prise en compte.

Enfin, quels sont désormais :

Le rapport entre la croissance économique globale et la croissance démographique mondiale ?

La soutenabilité de la croissance démographique actuelle et à venir ?

La logique de la répartition mondiale et locale des fruits de la croissance ?


Une nécessaire remise en cause du concept de croissance économique.

Serge Latouche - « Qu’est ce que la décroissance? »

Cliquer :


  • Objection de croissance : la croissance économique a si longtemps été assimilée au développement, que la notion de décroissance suggère trop souvent un mouvement inversé, a priori aberrant.

que serait l’inverse du développement ?

Or loin d’une simple question sémantique, il s’agit d’abord de reconsidérer sérieusement la réalité de LA croissance et DU développement.
L’approche comptable de la croissance économique est dénoncée par les “objecteurs de croissance” car :
elle ne prend pas en compte toutes les contributions à l’activité économique,
ni tous les impacts de l’activité économique, positifs et négatifs.
  • “Décroissance” des facteurs destructeurs de valeurs vitales : il s’agit de remédier à la génération d’externalités économiques négatives par l’activité économique. Cela implique d’abord de les évaluer, d’identifier les agents économiques responsables et de leur en imputer le coût (principe du pollueur - payeur, à étendre aux autres volets de la RSE). Réciproquement, il est nécessaire de valoriser les agents économiques assumant le coût de la prévention que constitue une gouvernance RSE efficace, au service de la Qualité Sociétale et Environnementale : c’est le but poursuivi par le programme France Durable.
  • “Croissance” des facteurs créateurs de valeurs vitales : il s’agit d’optimiser la génération par l’activité économique d’externalités économiques positives (effets induits positifs). Cela suppose de les évaluer dans la mesure du possible sous un angle quantitatif, mais aussi dans leur dimension qualitative plus rarement quantifiable.



C’est cette double prise en compte qui permettra de modifier aussi tôt que possible le cap de la gouvernance socioéconomique, dans le sens de l’intérêt général des populations, et du long terme.

La remise en cause d’une logique de croissance économique relève également de deux niveaux de lecture :

un niveau de cause à effets essentiellement technique et matérialiste,

un niveau plus philosophique, faisant appel au sens de nos aspirations profondes et nos valeurs
fondamentales.


Les deux niveaux de remise en cause des modalités et des conséquences de la croissance économique

  • Une approche valable des problématiques de soutenabilité économique requière à la fois :
une prise en compte globale des problèmes,
la connaissance des complémentarités ou des incompatibilités potentielles,
l’analyse des interactions et des dynamiques qu’elles induisent.
  • Il s’agit là d’une approche systémique. Adopter une telle approche éviterait de tomber dans les pièges grossiers qui affectent trop souvent la gouvernance économique, environnementale et sociétale.



Une crise de l’énergie, dimension “matérialiste” de la crise économique.

  • Les économistes classiques et leur brillant héritier au XIXe siècle , Karl MARX, avaient clairement analysé les sauts majeurs de développement socioéconomique résultant des évolutions techniques et énergétiques. Lesquelles firent progresser les modes de production et la productivité, dans le secteur agricole, celui des autres biens de consommation et des transports. De la domestication animale à l’esclavage (hélas), de l’invention de la roue à la maîtrise des sources d’énergie naturelles telles que le feu, l’eau, le vent, les combustibles renouvelables (bois) et fossiles (charbon, gaz, pétrole). Et finalement l’invention de moteurs et de sources d’énergie adaptées (vapeur, électricité, énergie nucléaire).
  • Réciproquement, les variations de la disponibilité et du cours du pétrole, l’énergie non renouvelable la plus utilisée depuis le début du XXe siècle, affectent les marges des entreprises. Les chocs pétroliers et les pics de son cours se sont systématiquement accompagnés d’une baisse de l’activité économique et de hausses du chômage.
  • Certains observateurs en concluent que les crises économiques sont avant tout la conséquence de crises énergétiques.

C’est par exemple l’avis de l’expert pétrolier Oskar Slingerland, qui se demande si la crise de 2008 n’a pas été provoquée en réalité par le prix du pétrole ? Et si ce n’est pas le prix de l’énergie qui nous empêche de sortir de la crise ? Estimant pour cette raison que la croissance économique dépendant de l’énergie pétrolière est définitivement compromise.

Cliquer :

  • Dans ce cas, un traitement des causes de ces crises pourrait donc trouver sa propre cohérence en donnant la priorité à une approche énergétique.

Par exemple :

prétendre que l’énergie nucléaire est la plus propre et la moins chère, sans prendre en compte les
conséquences environnementales et humaines liées à l’extraction minière d’uranium, au (re) traitement
des déchets et à la fin de vie des centrales, et leurs coûts. Sans parler des risques d’accidents.
miser sur les agrocarburants comme substitution au pétrole, sans se préoccuper de l’impact de ces
cultures sur l’auto-suffisance alimentaire des populations et sur la pollution des sols (entre autres)
Etc.
  • Il apparaît donc évident que l’énergie la plus durable (la plus propre et la moins chère) est celle que l’on n’a pas besoin de produire, celle dont on n’a pas besoin.



Deux cas de figure, potentiellement complémentaires, permettent de réaliser cette condition :

améliorer la conception des équipements afin qu’ils consomment moins d’énergie,
modifier nos comportements dans le même but.



Le secteur automobile en est une bonne illustration, car il n’existe pas de voiture propre :

toutefois, les moteurs et la conception du véhicule peuvent toujours diminuer la consommation,
la façon de conduire aussi (moins vite et plus en douceur),
le covoiturage permet de réduire le nombre de véhicules en circulation simultanée,
enfin, préférer la marche ou le cyclisme lorsque c’est possible,
mais l’urbanisme peut également y contribuer, en cessant de construire des zones commerciales
excentrées imposant aux consommateurs un accroissement constant des distances parcourues.

Globalement, cette énergie non consommée est dénommée, non sans un certain humour négaWatt. Mais ce concept débouche sur des résultats concrets tout à fait sérieux. En France, un tel projet est conduit par l’association NégaWatt.

Cette notion NEGA tend à s’imposer de plus en plus auprès des observateurs, des chercheurs et même des régulateurs raisonnables. Elle est applicable à différents domaines concernant les enjeux de soutenabilité économique, notamment la production et l’usage abusifs de jetable, et les pratiques insoutenables d’obsolescence programmée.



Nous le constatons, la combinaison de facteurs interdépendants contribue à la fois :

à diminuer l’utilisation d’énergie non renouvelable (impact environnemental et économique positifs),

à développer le relationnel grâce au covoiturage (impact sociétal enrichissant)

et à améliorer la santé publique par la diminution de la pollution atmosphérique (impact sociétal sanitaire et
économique)

ainsi que sa santé personnelle et son bien-être par la pratique d’un exercice physique plus régulier
(impact sociétal sanitaire et économique, et enfin, cette part non quantifiable de confort physique et psychique,
qui contribue également à la santé individuelle et collective).



Il s’agit d’un contexte de décroissance.

… Pourtant, en réduisant ainsi les importations de pétrole :

nous contribuerions à réduire le déficit de notre balance commerciale, les dépenses de santé publique, donc le
déficit budgétaire et la dette publique…

Mais en réduisant également l’activité du secteur automobile et celles du secteur de la santé, nous réduisons
le PIB comptabilisé.

En revanche, si la réduction des jours de maladie et des accidents de la route permet d’augmenter le nombre
d’heures de travail annuel, nous augmentons le PIB comptabilisé.

Enfin, comment comptabiliser le bien-être ressenti ? Ce Bonheur National Brut cher au petit royaume himalayen du Bhoutan…



Une crise des valeurs, dimension “philosophique” dont la crise économique n’est qu’une des conséquences.

C’est l’approche que nous privilégions, et une recherche de solutions impliquant de reconsidérer les valeurs de notre civilisation, dévoyées par le projet en marche accélérée, d’une société de consommation mondialisée.

Voir notre page :
« Et si enfin… Homo Sapiens ? »


Nécessité d’une dimension régulatrice démocratique, gardienne de l’intérêt général.

Contester la pertinence du Produit Intérieur Brut comme indicateur de développement socioéconomique soutenable :
ne signifie donc pas forcément plaider pour un recul des chiffres du PIB…

mais pour un mode de gouvernance et des instruments de mesure adaptés aux objectifs d’un développement
plus durable…

  • C’est tout le sens de la Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) de favoriser les impacts positifs de l’économie et de remédier à ses impacts négatifs, sociétaux et environnementaux.
  • Une telle gouvernance suppose un point de vue qui ne soit ni excentré, ni excessivement centralisé :

elle ne peut résulter que de la convergence de tous les points de vue pris en compte et pondérés en fonction
de l’intérêt des populations,

et non de l’intérêt de groupes privés, d’oligarques et autres forces non démocratiques dont le pouvoir
démesuré est au cœur des enjeux actuels de soutenabilité économique, et donc de développement durable.

  • Toute personne physique ou morale susceptible d’être affectée par les impacts de l’économie, est concernée par le fonctionnement de l’économie (partie concernée). A ce titre, elle est censée être intéressée aux décisions prises et aux actions menées par les acteurs politiques et économiques (partie intéressée). De ce fait, toute partie concernée est en droit de leur demander des comptes, voire de prendre part aux décisions (gouvernance) et aux actions économiques, dont elle devient alors partie prenante.
  • Enfin, de nouveaux indicateurs doivent être mis au point afin de pallier les manques et les contresens du PIB et du PNB en rapport avec les objectifs d’un développement socioéconomique réellement soutenable.

Site Web du « Forum pour d’autres indicateurs de richesse (FAIR) »

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